Porsche Camp4 Canada, une classe d’hiver de luxe en concentré

Publié le 2 mars 2011 dans Essais par Marc Lachapelle

Quand on aime conduire et qu’on se passionne le moindrement pour l’automobile, une invitation à rouler en Porsche ça ne se refuse pas. Même au cœur de l’hiver quand Météomédia annonce qu’il fait -24 Celsius à Mont-Tremblant aux petites heures du matin.

La veille, deux douzaines de chroniqueurs et journalistes automobiles se sont pointés comme moi au chic hôtel Fairmont pour participer à une version condensée de Camp4 Canada, le premier cours de conduite hivernale offert au pays par le constructeur de Zuffenhausen.

Ce programme existe depuis des années en Europe où il est offert sur trois niveaux : Précision, Performance et Master. Le degré de difficulté et la vitesse des exercices augmentent à chaque palier. Porsche a également fait une première tentative nord-américaine à Vail au Colorado pendant quelques années, la première fois en 2007.

Pour le climat, l’ambiance et le circuit

Cette fois le constructeur a choisi les Laurentides pour la constance des conditions hivernales mais aussi pour la qualité de l’accueil à Mont-Tremblant et l’accès facile par la route ou par les aéroports de La Macaza ou Dorval, qu’on vienne de Toronto, de New York ou d’ailleurs.

Cela dit, Porsche est venue là en grande partie pour être à proximité du complexe Mécaglisse de Notre-Dame-de-la-Merci. Franck et Vincent Kirchhoff s’y connaissent en conduite hivernale et entretiennent méticuleusement des kilomètres de piste de neige et de glace qu’on peut combiner à volonté. Y compris une aire de dérapage circulaire qu’ils ont doublée pour y tracer un grand circuit en « 8 », spécialement pour Camp4.

Le programme Précision offert au grand public s’étendait sur trois jours et comportait deux journées entières d’exercices de conduite à Mécaglisse. Le forfait comprenait trois nuits à l’hôtel Fairmont, trois déjeuners, deux dîners à Mécaglisse et trois soupers, presque toujours en groupe.

Pas besoin d’être un propriétaire de Porsche mais il est souhaitable d’avoir un portefeuille bien matelassé ou une carte de crédit blindée parce que l’inscription coûtait 4 995 $ pour cette première édition. À ce prix là, vous passez deux journées presque entières au volant de l’une des vingt-cinq sportives que Porsche a fait venir d’Allemagne, par bateau.

C’est cher quand même, malgré les voitures, le confort de l’hôtel, la bonne bouffe et le luxueux autocar qui fait la navette entre hôtel et circuit. Il y a d’autres programmes de conduite hivernale moins chers, mais Porsche c’est Porsche. Un constructeur ne devient pas le plus rentable de la planète par distraction ou excès de philanthropie.

Outils de précision fournis

Tout est d’ailleurs réglé au quart de tour au Camp4. Kai Riemer, instructeur-chef du programme européen, est venu d’Allemagne pour s’en assurer. Autour de lui, des adjoints et instructeurs d’ici dont Franck Kirchhoff qui va mener le bal pour le groupe dans lequel je me retrouve pour la journée, avec le chroniqueur automobile et pilote Bertrand Godin comme équipier.

Selon l’exercice, on se retrouve au volant d’un coupé 911 Carrera 4S, d’une 911 Carrera 4 Cabriolet ou d’un coupé Cayman S. Les deux premières sont à moteur arrière et rouage intégral, le troisième est une propulsion à moteur central. Toutes les voitures sont montées sur des pneus d’hiver Nokian Hakkapeliitta 7 légèrement cloutés. Parce que ces pneus sont malmenés pendant une douzaine de jours, Porsche a exigé qu’on colle chacun des crampons à tête quadrangulaire de 1 millimètre en plus de leur ancrage normal.

Porsche préfère des pneus sans crampons pour le niveau Précision, comme elle le fait en Europe, mais la première visite de Kai Riemer chez Mécaglisse l’a convaincu que les pistes y sont généralement trop glacées. Bonne décision. Les Hakkapeliitta 7 offraient le minimum vital d’adhérence sur des tracés presque entièrement couverts d’une glace bien durcie par le froid ce jour là.

On se cramponne

On est loin des pneus cloutés auxquels mon coéquipier a goûté lorsqu’il a couru sur glace au Challenge de Sherbrooke. Bertrand dira plus tard qu’il est plus difficile de piloter les Porsche sur ces pistes glacées avec des pneus à crampons conçus pour la route que de courir au volant d’un bolide T3F ultraléger de 450 chevaux monté sur des pneus tapissés de crampons.

Pour le cours Performance, le deuxième niveau du programme, les Porsche sont montées sur des pneus hérissés de crampons de 1,5 mm. Et pour le niveau Master, on passe à des crampons de 4 mm qui doivent mordre la glace assez férocement merci. Notez que chaque niveau du programme est un pré-requis pour le suivant.

Les ‘diplômés’ de ce premier Camp4 Canada pourront s’inscrire au programme Performance qui n’est offert pour l’instant qu’au centre d’Ivalo en Finlande. Son coût est de 4 350 € soit 5 860 $ au taux de change actuel et il fallait débourser 5 490 € (7 395 $) cette année pour le niveau Master. Par contre, le premier niveau coûte seulement 2 090 € (2 814 $) là-bas, qu’on le suive à Lungau dans les Alpes autrichiennes ou à Rovaniemi en Finlande. Porsche n’a pas l’intention d’offrir les deux niveaux plus avancés de ce côté-ci de l’Atlantique, pour l’instant.

De glisse et de travers

Premier exercice pour mon groupe: un slalom en ligne droite. Facile en apparence mais sur la glace, au volant d’un coupé Carrera 4S de 385 chevaux c’est moins évident. Même avec des pneus cloutés et un rouage intégral. Au premier passage, la boîte PDK passe le deuxième rapport aussitôt démarré. Je roule déjà trop vite pour cette glace vive et mon pare-chocs botte le deuxième cône orange. Comme un des purs débutants qui ont complété le programme avant nous.

L’orgueil du journaliste en prend un coup mais se renfloue un peu quand Bertrand botte un cône à son tour. On rigole dans la C4 S en essayant par la suite de sentir et d’analyser les réactions de l’antidérapage en mode Sport Plus. Le système module le régime et le couple du moteur mais ne peut faire de miracle quand l’adhérence est presque nulle.

Et lorsque le PSM est complètement désactivé, ça devient une simple question de douceur, de finesse et d’anticipation. En regardant toujours loin devant, premier commandement sacré en conduite. Avec un moteur qui chevauche l’essieu arrière, la motricité est forte dans une 911. Il faut donc provoquer le décrochage à l’accélérateur mais lorsque l’arrière se met à dériver, tout ce poids en porte-à-faux l’entraîne vers l’extérieur du virage.

Les tête-à-queue se multiplient d’ailleurs lorsque la difficulté augmente et que notre groupe passe à la deuxième portion de l’exercice qui ajoute de la vitesse, des virages plus longs et des manœuvres en freinage prolongé (trail-braking). Scénario semblable au cercle de dérapage, cette fois au volant des Carrera 4 Cabriolet de 345 chevaux.

Bientôt on enchaîne malgré tout les boucles en dérapage continu, la 911 à angle droit ou presque, avec les quatre roues qui patinent. Et sur le grand parcours en « 8 » je rachète mes trois équerres du premier tour (la honte!) avec un deuxième tour à peu près parfait. Juré.

L’honneur à peu près intact, on passe au troisième et dernier exercice de notre programme condensé. On boucle des tours sur un tracé ondulant au volant d’une Cayman S de 320 chevaux, avec un slalom en prime. La motricité plus faible de cette propulsion est compensée en bonne partie par l’équilibre que lui confère son moteur en position centrale.

La Cayman se pilote du bout des doigts, en finesse, avec de longues dérives en montée et en sortie de courbe. Une belle manière de conclure la journée, les sens mieux aiguisés et plus sensibles aux limites d’adhérence qu’on atteint – ou transgresse – en une fraction de seconde sur la glace.

L’hiver de face

Ce programme aurait été quasi impensable il y a un peu plus de vingt ans. Porsche a effectivement lancé sa première 911 à quatre roues motrices en 1989 et ajouté par la suite des systèmes de contrôle électroniques de plus en plus raffinés. D’abord le freinage ABS et ensuite l’antidérapage PSM. Sans compter que la marque a été la première à offrir une garantie de 10 ans contre la perforation de ses carrosseries.

Le programme Camp4 démontre facilement qu’on peut conduire une Porsche en hiver, même sans rouage intégral et même en désactivant l’antidérapage. Suffit de bons pneus d’hiver, avec ou sans crampons, mais surtout d’un pilote toujours alerte et prêt(e) à toute éventualité pour rester en plein contrôle.

C’est la leçon qu’on tire de toutes ces pirouettes sur la glace: quels que soient l’expérience ou le talent du conducteur, l’antidérapage est certes un précieux allié au volant d’une Porsche mais ses prouesses électroniques ne remplaceront jamais la vigilance, l’anticipation et la conduite en douceur lorsqu’on roule par temps froid et que la glace menace. Sinon, sur de vraies routes, c’est elle qui gagne à tout coup.

Sur le chemin du retour, dans la compacte que j’essayais cette semaine là, j’étais plus détendu, plus précis. Un meilleur conducteur, quoi. Impossible de suivre un cours de conduite avancée sans s’améliorer. Et c’est sans compter ce grand sourire qui vous reste accroché au visage.

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