Acura RL 2011: Vaisseau amiral en perdition
Si la RL était un cheval, on devrait abréger immédiatement ses souffrances. Voilà, hélas, où en est rendue cette grande berline à sa septième année sous sa forme actuelle, inchangée à quelques détails et une calandre près. Le supposé joyau de la famille Acura se retrouve plutôt largué par les ténors européens et bousculé par des rivales nipponnes affamées qui savent tenir le rythme et jouer le jeu dans cette catégorie impitoyable. Elle fait même pâle figure devant sa soeur la TL qui devrait pourtant se contenter de son ombre et de son sillage. Il est grand temps d’y voir chez Acura.
La RL n’est pas une mauvaise voiture, mais n’excelle en rien. Passons vite sur une silhouette qui la rend carrément invisible, malgré la calandre en ouvre-boîte dont sont affligées toutes les Acura. Les sièges avant sont confortables et la jante du volant, qui combine boiseries d’érable et cuir perforé, est bien taillée et de prise très agréable. La position de conduite est bonne, mais on se râpe trop facilement la cheville gauche sur la pédale du frein de stationnement en voulant profiter du repose-pied.
Les cadrans principaux sont grands et impeccablement clairs, tandis que la console est tapissée de boutons; deux traditions chez Acura, la première appréciée, l’autre pas. Le groupe Élite ajoute des phares orientables, un régulateur de vitesse automatique, des sièges avant climatisés et le freinage d’urgence assisté, mais gonfle également la facture d’un bon 5 500 $.
Stable, confortable et . . . déclasée
La tenue de cap et la stabilité en virage sont sans reproche, grâce à la saine géométrie du train avant et à l’excellent rouage à couple variable. La direction est peu tactile, mais le braquage très court rend la RL très maniable pour sa taille. Le confort roulement est très correct, sauf pour une allergie prononcée aux gros nidsde-poules. Le V6 de 3,7 litres a le brio et le raffinement habituel des moteurs Honda, mais la RL s’arrache difficilement et paresseusement au démarrage.
C’est d’ailleurs face à sa propre soeur, la berline TL, que la RL paraît le plus mal. De taille presque égale, à quelques millimètres près, la première est pourtant plus légère de 180 kg, même avec l’excellent rouage intégral SH-AWD et le poids supplémentaire qu’il amène. Puisque les deux partagent un groupe propulseur quasi-identique, rien d’étonnant à ce que la TL atteigne 100 km/h en 6,47 secondes et franchisse le quart-de-mille en 14,78 secondes alors que la RL y
met 8,12 et 16,08 secondes.
La TL est pratiquement aussi spacieuse à l’intérieur que la RL et ne lui concède qu’un léger avantage en volume de coffre. Ni l’une ni l’autre n’est exceptionnelle à cet égard de toute manière, avec des coffres de 371 et 354 litres, respectivement, soit moins que les 400 litres qui sont la norme officieuse pour ce type de véhicule. Il ne manque pratiquement à la TL qu’un volant à réglage électrique et des sièges avant climatisés pour égaler quasi-parfaitement la RL en matière de luxe. Pourtant, son modèle le mieux équipé coûte près de 20 000 $ de moins que la dernière RL Elite que nous avons conduite. Insensé, cet état de fait a été remarqué par le marché. Au premier trimestre de l’année, alors que les ventes de la TL étaient en hausse et celles de la TSX encore plus, Acura n’a pas vendu une seule
RL au Québec. C’est plutôt gênant, en effet.
En manque de luxe et d’audace
En résumé, la RL n’a tout simplement pas le style, l’équipement, les performances et le panache pour avoir la moindre chance devant des étalons comme les Audi A6, BMW Série 5 et Mercedes-Benz Classe E dont le seul nom de famille est un atout majeur. Sans compter les A8, Série 7 et Classe S qui trônent au sommet
des gammes du triumvirat germanique.
Honda n’aura pas eu la volonté ou les milliards de sa grande rivale pour attaquer de front les Européens avec une voiture comme la Lexus LS. De son côté, voilà que Hyundai s’y met avec ses berlines Equus et Genesis qui ont cette même audace, mais également les V8 qui ont toujours manqué à la championne d’Acura pour viser plus haut.
Quel que soit l’angle sous lequel on l’aborde, la RL se fait rosser à tout coup. Prenez simplement les boîtes de vitesses : alors que les autres roulent pratiquement toutes avec des boîtes à six rapports et que les plus récentes en affichent sept et même huit, la RL se contente encore d’une boîte à cinq rapports. C’était la norme lors de son lancement en 2005, mais ce n’est plus suffisant dans une catégorie où la fiche technique et les apparences sont au moins aussi importantes que les vraies performances.
Le modèle phare de la gamme Acura devrait démontrer toute la maîtrise et le brio technique de ce constructeur, tout en offrant un niveau d’équipement, de performance, de luxe et de comportement routier de premier ordre. C’est ce que réussit déjà la TL, à prix très compétitif. Tout est une question de volonté, mais également de moyens, bien entendu.
Feu vert
Comportement routier très sûr
Excellent rouage intégral
Diamètre de braquage
très court
Sièges avant confortables
Voiture fiable
Feu rouge
Silhouette parfaitement banale
Pédale de frein d’urgence
encombrante
Performances quelconques
Équation équipement-prix
à revoir
Modèle en sursis