Mercedes-Benz Sprinter, une caverne sur roues qui change le paysage
Le fourgon est une espèce essentielle à la survie de la population de l’Amérique du Nord. Il est partout mais on ne le remarque quasiment jamais, grâce à sa grande habileté à se camoufler. C’est lui qui se cache sous les couleurs de Paul le plombier, Rosemarie la fleuriste, les piscines Trudeau ou le livreur Purolator qui ne tient jamais en place.
Pendant plusieurs décennies, les espèces dominantes de fourgons étaient autochtones. Elles provenaient des familles Chevrolet, Dodge, Ford et GMC qui se reproduisent uniquement en Amérique du Nord. Sans véritable autre ennemi ou prédateur, elles n’ont d’ailleurs pratiquement pas évolué en trois décennies et continuent pourtant de se vendre. Ça risque de changer.
Depuis quelques années, une espèce nouvelle de fourgon s’installe effectivement peu à peu dans le paysage. Le Sprinter est né en Europe et roule sur ce continent et en Amérique du Sud depuis une quinzaine d’années. Il s’est d’abord introduit discrètement en Amérique du Nord sous la bannière Freightliner en 2001, visant les grands utilisateurs commerciaux.
La première vague
Mais le grand fourgon s’est véritablement fait remarquer en 2003 lorsqu’il a emprunté la marque d’une espèce autochtone. Le Dodge Sprinter s’est multiplié jusqu’à l’année-modèle 2009 en fait, après la séparation de DaimlerChrysler. Les Sprinter nous sont arrivés sans déguisement pour l’année 2010, portant fièrement l’étoile à trois pointes Mercedes-Benz, la marque de prestige du groupe Daimler. Ils sont encore vendus aussi aux États-Unis à l’enseigne Freightliner.
Les premiers Sprinter étaient pratiquement identiques à leurs cousins européens. Ça leur a d’ailleurs causé quelques soucis chez nous parce qu’ils n’étaient pas adaptés à certaines conditions extrêmes de leur nouveau milieu. Le sel qu’on répand ici sur les routes par milliers de tonnes à chaque hiver, entre autres, a vite attaqué ces grandes boîtes de tôle. Les premiers Sprinter se reconnaissent d’ailleurs souvent aux traces de rouille qui marquent leur carrosserie.
C’est pourquoi les nouveaux ont une carrosserie entièrement protégée de la rouille dans les usines allemandes de Düsseldorf et Ludwigsfelde où ils sont construits. Et une garantie de 5 ans contre la perforation.
Mercedes paye la tournée
Ce n’est là qu’un seul des nombreux points que soulignent les animateurs des présentations de la ‘grande tournée Sprinter’ qui a roulé de St-Jean, Terre-Neuve à Vancouver, des premiers jours d’avril à la fin du mois de mai.
Je me suis rendu à l’endroit désigné pour une des trois étapes montréalaises de cette caravane à la mi-avril, une semaine après les deux programmes à Québec. J’espérais pouvoir observer la nouvelle créature discrètement mais c’était moi le groupe. J’ai donc eu sept ou huit instructeurs à moi tout seul pour la présentation sur écran et les trois démonstrations déguisées en exercices. Le traitement VIP, quoi
Première étape : l’inévitable présentation sur Powerpoint, avec l’instructeur-chef Danny Kok aux explications. Le Sprinter a déjà des arguments qui semblent solides sur pixels. Il est offert en trois versions: cargo, passagers et châssis-cabine pour les transformateurs.
On a le choix de deux empattements, trois longueurs de carrosserie et trois hauteurs de cabine. L’adulte moyen peut déjà se tenir debout dans la version normale mais il y a aussi ‘haut’ et ‘très haut’. Trois catégories de poids aussi, soit 3,88 tonnes métriques (8 550 lb) pour le type 2500 ou le choix de 4,49 ou 5,0 tonnes (9 990 ou 11 030 lb) pour les 3500 à roues arrière doubles.
Selon les chiffres du constructeur, ces immenses boîtes que sont les Sprinter peuvent contenir 89 % ou 118 % plus de cargo qu’un fourgon GM ou Ford. Facile à croire quand on ouvre les grandes portières à l’arrière. On jurerait qu’il y a assez de place pour une soirée dansante. Il y a peut-être même de l’écho en dedans.
La longueur du plancher est de 3,27 à 4,7 mètres dans les modèles cargo. Mieux que la concurrence, évidemment. Même chose pour la capacité de charge de 2 500 kilos (5 509 lb) ou le diamètre de braquage de 16,7 mètres.
L’évidence à l’œil nu
Dans un des exercices de la matinée, on m’offre un ruban à mesurer pour comparer tout ce que je veux entre un Sprinter et un fourgon Chevrolet Express dans l’immense hall du Centre Forzani à Laval. Je remercie mes hôtes. Pas besoin de ruban à mesurer. J’ai roulé pendant quelques années dans un fourgon Chevrolet à moteur diesel que j’aimais bien mais les différences d’espace et de facilité d’accès sautent aux yeux par rapport au Sprinter, même si celui que j’ai devant les yeux est plus récent d’un quart de siècle.
Les dimensions sont importantes mais je remarque au moins autant les portières avant qui s’ouvrent jusqu’à 70 degrés, la portière coulissante à droite qui est assez grande pour permettre le chargement latéral au chariot-élévateur ou les immenses portes arrière qu’on peut ouvrir jusqu’à la carrosserie, avec des crans pour les empêcher de se refermer. De plus, on peut sortir et entrer de la portière droite sans les contorsions qu’il faut dans les fourgons américains avec le bloc toujours encombrant qui couvre la partie arrière de leur moteur dans la cabine. Une bénédiction pour les livreurs.
L’ouverture du capot n’était pas prévue au programme mais c’est là que j’ai remarqué un des attributs les plus simples et pourtant un des plus remarquables de ce Sprinter : des bornes pour brancher correctement les deux pinces de survoltage en toute sécurité et sans avoir à chercher, même s’il fait noir. Ceux qui ont déjà survolté vont comprendre et applaudir avec moi.
Pour trinquer moins
Sous le capot de tous les Sprinter on trouve d’ailleurs le même V6 turbo-diesel de 3,0 litres de type Bluetec. C’est un proche cousin de celui qu’on trouve dans les voitures et utilitaires Mercedes mais il est boulonné uniquement à une boîte automatique à 5 rapports axée sur la robustesse. La puissance est de 188 chevaux, le couple maxi de 325 lb-pi et la capacité de remorquage peut aller jusqu’à 3 402 kilos (7 500 lb).
Mercedes promet des factures de carburant inférieures de 45 % à celles de fourgons Chevrolet Express ou Ford Série E sans préciser la motorisation. Pour illustrer la frugalité du Sprinter, on nous fait parcourir deux fois la même boucle pendant qu’un appareil mesure la consommation et examine la conduite en détail. J’ai beau avoir conduit de façon plus que raisonnable la première fois, ma consommation chute de 19 à 14 litres aux 100 km après la deuxième boucle et ma note de conduite passe de B à A+.
Suffisait d’accélérer et de ralentir plus doucement mais surtout d’anticiper les feux rouges et tout autre obstacle sur la route. Puisque la tournée Sprinter s’adresse à des entrepreneurs ou des gestionnaires qui administrent des parcs de plusieurs véhicules, on me fait remarquer que ma conduite aurait permis d’épargner 2 340 $ sur un parcours annuel de 36 000 km, soit rien de moins que le tiers du coût annuel en carburant.
Et comment convaincre des employés toujours pressés ou qui s’en fichent généralement de réduire leur consommation au maximum: en leur remettant une partie du fric épargné en prime et en remettant des prix aux meilleurs. Pourquoi pas. Ça nous ferait des légions de livreurs plus zen, moins stressés et moins stressants sur nos routes. Moins d’accidents aussi.
Vraiment pas renversant
Parlant sécurité, Danny Kok et sa complice Melanie Paterson dirigent des exercices qui démontrent de manière assez convaincante les vertus des freins ABS des Sprinter, leur bonne maniabilité et leur stabilité étonnante pour des machines aussi hautes et lourdes.
L’exercice le plus spectaculaire est certainement une manœuvre d’évitement à 60 km/h dans un Sprinter équipé d’une cage de sécurité complète et de grands balanciers à l’extérieur, dont on peut exceptionnellement couper le système antidérapage ESP ‘adaptatif’.
Sanglé solidement dans un siège de course par un harnais à quatre ancrages, avec presque 3 000 kilos de charge derrière les oreilles qu’on espère parfaitement arrimées, je sens le Sprinter basculer sur le côté et se soulever sur ses roues extérieures au deuxième coup de volant de la manœuvre. Les patins des grandes pattes empêchent le capotage amorcé. Avec l’ESP, le Sprinter reste évidemment bien campé sur ses roues malgré les deux grands coups de volant.
Chose certaine, si j’étais rénovateur ou plombier, si j’allais encore aux courses à toutes les fins de semaine ou si je me remettais à faire plein d’essais de motos ou de VTT, je voudrais un Sprinter et rien d’autre. Voyons voir maintenant ce que les Américains lui offriront comme réplique, parce que le nouveau Nissan NV semble plutôt mijoté à la sauce yankee.
Avec un prix de base de 42 900 $ pour un Sprinter 2500 version cargo et de 47 900 $ pour la version passagers – des tarifs d’ailleurs réduits d’environ 10 % par rapport aux modèles 2009 – il faudrait peut-être que j’en parle à mon comptable.
En fait, un Sprinter aurait été parfait pour ramener tout le barda de fiston qui termine ses études de pilote à Chicoutimi d’un seul coup : le vieux sofa, le lit, les boîtes et même la moto de sentier. Et fiston.
Pas de chance, les Sprinter sont de service jusqu’au Grand Prix. Il va falloir une grosse remorque et pas mal plus de carburant fossile pour faire la même chose.