Chevrolet Tracker, chérie, j'ai réduit le Hummer!

Publié le 30 mars 2003 dans 2003 par Alain Morin

Les sociologues du futur auront bien du plaisir à analyser les habitudes des consommateurs du début du xxie siècle. Ces derniers achètent à prix d'or des véhicules à 4 roues motrices énormes et les utilisent uniquement sur l'asphalte. Heureusement, il reste une poignée d'irréductibles qui ont compris qu'un véhicule à 4 roues motrices, Ça peut aller à peu près n'importe où !

Chevrolet et Suzuki ont su résister à la tentation d'embourgeoiser leurs Tracker et Vitara qui sont, à quelques sigles près, identiques. Les prix débutent à 20 000 $ et s'échelonnent jusqu'à un peu plus de 30 000 $ pour la version la plus cossue. On est loin d'un Cadillac Escalade ! Les Suzuki Vitara et Chevrolet Tracker sont offerts en deux versions, l'une à deux portières décapotable, l'autre à quatre portières avec toit rigide. Dans les deux cas, deux niveaux d'équipement sont offerts, soit de base et LX. Suzuki s'est réservé le droit de faire un peu plus de pognon en étant le seul à proposer un Vitara V6, appelé Grand Vitara bien qu'il ne soit pas plus grand. En temps normal, seules les roues arrière poussent ces mignons véhicules. Les trois modèles ont droit à un système 4X4 à temps partiel efficace qui peut être enclenché à la volée jusqu'à 90 km/h. Mais pour profiter pleinement de toutes ses ressources, on peut passer au mode « Lo » alors que le véhicule est immobile. Puis, vivement le trou de bouette le plus proche !

Meurtre par compassion

Depuis plusieurs années, les journalistes automobiles du système solaire au complet ainsi que quiconque avait eu la mauvaise idée d'acheter un Tracker mû par le moteur 1,6 litre décriaient le traitement indécent imposé à ses pauvres 97 chevaux. Pour 2003, GM et Suzuki ont fait preuve de compassion et seul le moteur 2 litres est offert.

Ledit engin de 2 litres à double arbre à cames développant 127 chevaux se débrouille bien sans, toutefois, offrir de grandes performances. Celles-ci sont satisfaisantes sur la grand-route, mais c'est surtout lorsque vient le temps de s'amuser à côté de la route que ses 134 lb-pi disponibles à 3 000 tr/min se font apprécier. De plus, le flou ressenti au centre du volant en conduite normale sera apprécié lors de retours brusques du volant en situation plus corsée. Malheureusement, il m'est quelquefois arrivé de me cogner le coude gauche (le plus beau) contre l'appuie-bras lors de ces man?uvres. Le Grand Vitara, lui, reÇoit un moteur de 6 cylindres de 2,5 litres qui vous donnera droit à une écurie de 165 chevaux à 6 500 tr/min. Pas besoin d'un doctorat en mécanique quantique pour deviner que ses performances sont plus brillantes que celles du 4 cylindres. Et qu'il boit au minimum 1 litre d'essence supplémentaire tous les 100 km !

Si les Tracker et Vitara sont montés sur un châssis de type échelle, à la manière des camionnettes, cela ne veut pas nécessairement dire qu'ils vous broieront la colonne vertébrale au moindre trou. On sent que la suspension est plus sèche que la normale, mais il n'y a qu'au passage de bosses ou de trous prononcés qu'il faut se méfier d'un rapide et surprenant changement de cap. Admettons cependant que la version deux portières, avec son empattement très court (2,20 m) vous incitera à vous trouver un « ramancheur » le plus tôt possible ! Au chapitre de la tenue de route, les Tracker et compagnie s'accrochent passablement bien au pavé, mais ne tentez pas de suivre une Corvette, à moins qu'elle soit garée. La caisse, malgré une garde au sol assez élevée (20 cm), ne penche pas démesurément ; le roulis est bien maîtrisé mais on se lasse assez vite de se promener de gauche à droite dans l'habitacle, faute de support latéral du siège du conducteur. Quant aux freins, sans ABS, ils imposent des distances d'arrêt démesurément longues. Le Grand Vitara, au moins, peut compter sur l'ABS de série. Chaque membre du trio vedette peut tirer une remorque de catégorie légère, soit 680 kg. Plus lourd que Ça, je déconseille fortement la descente de la côte de Saint-Joseph-de-la-Rive !

L'habitacle de notre véhicule d'essai était parsemé d'espaces de rangement et de craquements qui faisaient s'interroger sur la qualité de l'assemblage intérieur. Désolé de douter de la qualité du travail des gens de l'usine CAMI en Ontario ! La position de conduite est facile à trouver pour un physique à peu près parfait comme le mien (pourquoi riez-vous ?), mais les gens de grande taille risquent de se frapper le menton avec les genoux ! Le tableau de bord, terne, est néanmoins agréable à consulter, la radio diffuse un son potable et les commandes à glissière du chauffage (pas très, très puissant) font sourire quand on en a vu des semblables dans la Mercury Comet 1966 de son père ! Les prises 12 volts sont de plus en plus à la mode et les Tracker et Vitara font un peu figure de parents pauvres à ce sujet en n'en offrant pas dans le compartiment arrière. Il faut commander le Grand Vitara pour avoir droit à un tel privilège ! Parlant du compartiment arrière, mentionnons que lorsque les sièges arrière sont baissés, ils forment un fond plat et fort accueillant. Lorsque les dossiers sont relevés, en plus d'être aussi durs qu'un Whippet oublié sur le comptoir depuis deux semaines, ils diminuent dramatiquement l'espace de chargement et leurs appuie-tête obstruent la visibilité arrière. Ces derniers sont d'ailleurs un peu aidés dans cette tâche par la roue de secours qui loge sur le hayon arrière. Celui-ci ouvre du mauvais côté, c'est-à-dire que les pentures sont sur la droite.

Pour le plaisir de vous faire brasser hors route et pour ne pas trop vous faire brasser sur les routes, les Tracker et Vitara quatre portières sont tout à fait désignés. Et si vous voulez simplement « flasher » sur la Main mais n'avez pas les moyens de vous payer un Hummer, sans doute que la version décapotable pourrait vous être utile.

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