Ford Thunderbird, rétro à tous points de vue

Publié le 30 mars 2003 dans 2003 par Jacques Duval

Quel bel exercice de style ! Apparue sur le marché l'an dernier et offerte au compte-gouttes en raison d'une production très limitée, la nouvelle Thunderbird vous tombe dans l'?il comme toutes ces voitures évocatrices d'un passé où l'automobile était encore synonyme de liberté. Que ce soit la New Beetle, la PT Cruiser ou la MINI, il est difficile de résister à leur charme. La récente Thunderbird n'échappe pas à ce p'tit côté séducteur puisqu'elle joue elle aussi la carte rétro en faisant revivre le modèle original né en 1955. Cela dit, Ford a un peu trop poussé la note de la nostalgie puisque la voiture ne se contente pas de nous rappeler les bons moments des années 50 mais nous fait revivre aussi, sur certains plans, les mauvais jours de l'industrie automobile nord-américaine au milieu du siècle dernier.

Je m'explique. Sans que l'on puisse mettre en doute la fiabilité mécanique de la voiture, on note que sa qualité d'assemblage laisse à désirer comme cela était souvent le cas au moment où la première Thunderbird est arrivée sur la scène automobile. Par exemple, la rigidité de la caisse est insuffisante, ce qui se traduit par une flexion au niveau du pare-brise et par un comportement général empreint d'une mollesse qui altère l'agrément de conduite. On dira que ces impressions de conduite sont contraires à ce que j'avais écrit l'an dernier et cela s'explique par un curieux manque d'uniformité dans la qualité de production de la Thunderbird. Ainsi, celle essayée cette année était débarrassée de ce crépitement désagréable du pot d'échappement qui affligeait le modèle de l'an dernier.

Par contre, elle était carrément plus bruyante sur l'autoroute (bruit de vent surtout) et la suspension paraissait encore plus sensible au tangage. Un peu plus et l'on se croirait dans un avion tellement la voiture montre une propension au décollage. Sur certaines bosses, il arrive que les roues quittent le sol en raison de la trop grande détente des amortisseurs. Il suffit d'observer le témoin lumineux annonÇant le fonctionnement de l'antipatinage pour se rendre compte que les pertes de motricité sont fréquentes sur des routes accidentées. Cela rejoint notre observation de l'an dernier à l'effet que cette Thunderbird, en dépit de son look, d'un bon freinage et de ses performances, n'offre pas le comportement routier d'une voiture sport. C'est étonnant compte tenu qu'il s'agit en quelque sorte d'une version cabriolet du duo Lincoln LS/Jaguar S-Type dont elle reprend le châssis et les organes mécaniques.

Rapide et inconfortable

Pourtant Ça bouge sous le capot, surtout que la puissance passe cette année de 252 à 280 chevaux. Le V8 de 3,9 litres bénéficie d'une transmission automatique à 5 rapports qui a l'avantage d'assurer des passages de vitesses francs et rapides. Il suffit d'effleurer l'accélérateur pour voir la T-Bird bondir en avant comme un fauve, comme en témoigne un temps de reprise de seulement 5,1 secondes entre 80 et 120 km/h. Certains trouveront même que cet accélérateur est un peu trop sensible et qu'il donne lieu à une conduite saccadée, surtout à basse vitesse.

Le confort n'est pas non plus l'un des points forts de cette voiture. Passe encore pour la balade dominicale ou pour de courts trajets, mais je me verrais mal entreprendre un long voyage au volant de ce roadster. Malgré sa souplesse, la suspension réagit quelquefois brutalement aux imperfections du revêtement et le bruit dans l'habitacle devient vite agaÇant. Les sièges ne font rien pour corriger la situation, d'abord parce qu'ils manquent de profondeur et ensuite parce qu'ils n'offrent à peu près aucun maintien latéral.

À ciel ouvert

Bien sûr, le seul fait d'abaisser la capote par une belle journée ensoleillée fait oublier plusieurs des faiblesses de la Thunderbird, d'autant plus que cela se fait électriquement sans autre effort que de déverrouiller l'attache centrale du toit. La mise en place du cache-capote est une tout autre histoire. En plus d'accaparer beaucoup d'espace dans un coffre qui n'est déjà pas très grand, elle n'est pas facile à manipuler et il faut faire preuve de patience pour l'installer convenablement. Et puisqu'il est ici question de la capote, soulignons que celle-ci a le mérite d'être très étanche même dans un lave-auto sans contact où la pression des jets d'eau est très élevée.

La présentation intérieure de la dernière Thunderbird témoigne elle aussi d'un bel effort de la part des responsables du design. Avec ses couleurs vives (rouge dans la voiture noire mise à l'essai) et son tableau de bord bardé d'aluminium brossé, l'intérieur offre un coup d'?il plaisant, même si la qualité des matériaux n'est pas très relevée. Encore là, pour une voiture dont le prix excède les 50 000 $, Ford aurait pu faire mieux.

Comme bien des cabriolets, la voiture souffre d'une visibilité nulle à l'arrière, une situation que l'installation du toit rigide règle partiellement grâce à la présence du petit hublot rappelant le design original de la Thunderbird. Cet angle mort rend la conduite en ville quelquefois aléatoire, surtout quand vient le temps de loger la voiture entre deux autres véhicules dans un parc de stationnement. Une fois l'opération complétée, vous aurez la mauvaise surprise de constater que ce joli roadster rétro possède sans doute les portières les plus volumineuses de toute l'industrie automobile. On a donc intérêt à être prudent, soit pour ne pas racler le trottoir, soit pour ne pas heurter la voiture d'à côté.

Pour reprendre l'argument du début, la Ford Thunderbird réincarnée est un superbe exercice de style ruiné par une exécution bâclée et une qualité de construction relâchée. On peut seulement rêver à ce qu'aurait pu être une telle voiture entre les mains d'un constructeur automobile plus rigoureux.

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