Jaguar S-type/S-type R, on efface tout et on recommence

Publié le 30 mars 2003 dans 2003 par Le Guide de l'auto

« Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage », dit le proverbe et c'est précisément ce qu'ont fait les gens de chez Jaguar avec leur nouveau modèle de milieu de gamme, la S-Type. À tel point qu'on peut se demander si la première version, apparue en 1999, n'était pas la voiture inachevée. Les S-Type 2003 sont en effet beaucoup plus raffinées et agréables à conduire que ne l'étaient leurs devancières. Et l'apparition d'une version R vient ajouter le zeste qu'il manquait à la recette originale.

Rivale avouée des BMW M5 et Mercedes-Benz E55, la R pourchasse la même clientèle sans toutefois céder aux mêmes excès que ses concurrentes. Là où une E55 et surtout une M5 deviennent un tantinet éprouvantes sur des routes en mal de rénovations, la R affiche une douceur qui montre bien toute la véracité des affirmations de Jaguar selon lesquelles cette voiture a une double personnalité : confortable et attentionnée quand le besoin s'en fait sentir et sportive de haut niveau quand on a le goût de s'amuser. Et avec 400 chevaux, il y a de quoi prendre plaisir à conduire cette Jaguar. Il suffit de chatouiller l'accélérateur pour que le félin bondisse en avant dans un bruissement qui n'est pas sans rappeler celui d'un avion à réaction en phase de décollage. En 5 petites secondes et des poussières, nous voilà à 100 km/h, une performance qui ferait honneur à une Porsche 911 beaucoup plus légère et surtout moins habitable.

Toute cette puissance émane d'un V8 à compresseur Eaton assorti d'un double refroidisseur d'air de suralimentation. Plus nouveau qu'il n'y paraît, ce moteur qui siégeait jusqu'ici dans les XKR (coupé et cabriolet) et XJR (berline) a vu sa cylindrée passer de 4 à 4,2 litres, gagnant du même coup 30 chevaux. L'augmentation du couple est encore plus impressionnante puisque celui-ci a fait un bond de 387 à 408 lb-pi à 3 500 tr/min, un chiffre supérieur à celui d'une M5 ou d'une E55. Jaguar souligne d'ailleurs que le couple obtenu dès 1 300 tr/min est supérieur à celui du moteur atmosphérique à son rendement optimal de 4 100 tr/min. Cette imposante cavalerie est en outre mise en valeur par une nouvelle transmission automatique ZF à 6 rapports que l'on retrouve aussi dans la dernière BMW de Série 7.

Direction Costa Del Sol

C'est sur les routes de la Costa Del Sol, dans la région de Gerona, en Espagne, que j'ai conduit la S-Type R et les autres versions de cette gamme intermédiaire de Jaguar.

Je me suis principalement attardé à la plus performante du groupe, d'abord par goût et aussi parce que cette version R devrait connaître une diffusion beaucoup plus grande que celle de ses rivales germaniques. Primo, son prix fait un peu moins peur et, secundo, il s'agit d'une voiture d'un commerce plus agréable que les autres au quotidien. La grande douceur dont s'enveloppe chaque Jaguar depuis des lunes n'a pas été sacrifiée dans ce modèle. D'accord, la suspension est un peu ferme et on lui souhaiterait un plus grand débattement sur certains chemins hostiles, mais nous sommes loin des secousses désagréables des berlines sport de Munich ou de Stuttgart.

Avec une cinquantaine de chevaux de plus qu'une E55 et une puissance égale à la M5, la R sait tirer profit de sa nouvelle transmission automatique bimode à 6 rapports. En mode manuel toutefois, on se retrouve avec 5 rapports au lieu de 6 et le levier en forme de J qui permet ce changement est toujours aussi détestable qu'avant.

De série dans ce modèle et dans la S-Type 4,2, cette transmission est proposée en option dans la version à moteur V6 de 3 litres. Elle fait partie d'une nouvelle génération de transmissions que la compagnie allemande ZF destine pour l'instant aux constructeurs de voitures haute performance, mais dont l'utilisation devrait s'étendre au reste de l'industrie dans un proche avenir. Ses avantages sont nombreux, allant d'une économie de poids découlant du moins grand nombre de composantes (470 au lieu de 660 par rapport à l'automatique à 5 rapports) à une réduction de la consommation d'essence de l'ordre de 5 à 7 %. Les performances accusent, quant à elles, un gain d'environ 5 %. Chose certaine, son efficacité devrait faire taire ceux qui auraient tendance à rouspéter contre l'absence d'une boîte manuelle. Les inconditionnels de ce type de transmission pourront toujours se rabattre sur la moins chère des S-Type, la V6 3 litres, qui offre désormais une boîte manuelle Getrag à 5 rapports.

En plus de véhiculer le moteur le plus puissant jamais installé dans une Jaguar de série et une transmission inédite, la S-Type R peut compter sur des freins dont les disques de plus grand diamètre et les étriers à quatre pistons sont fournis par le spécialiste de la course automobile Brembo. Elle se prévaut aussi d'une suspension dite « active » contrôlée par ordinateur qui adapte quasi instantanément la fermeté des amortisseurs Bilstein aux conditions de conduite. Ainsi, à faible vitesse, le système met d'abord sous tension les amortisseurs arrière afin de réduire le sous-virage tandis qu'à haute vitesse, c'est l'inverse qui se produit avec, initialement, un durcissement des amortisseurs avant afin d'améliorer la stabilité et la transmission de la puissance aux roues motrices arrière tout en prévenant la plongée au freinage. Dommage toutefois que l'on n'ait pas cru nécessaire d'utiliser un différentiel autobloquant pour maîtriser l'excès de patinage des roues motrices.

Bien qu'il n'y ait pas quoi s'enorgueillir des performances des monoplaces Jaguar R3 de Formule 1, le même logo rouge qui les identifie se retrouve sur la S-Type R. Celle-ci se reconnaît aussi à sa calandre à grillage métallisé, à ses jantes en alliage Zeus de 18 pouces et à un petit becquet monté sur le coffre arrière. Même si l'apparence extérieure n'a pas bougé pour la peine, on annonce une amélioration de l'aérodynamisme de l'ordre de 10 %.

Adieu au frein à main

À l'intérieur, un volant gainé de cuir, des garnitures en érable piqué gris et des sièges sport réglables à 16 positions sont d'autres repères servant à reconnaître le modèle-phare de la gamme S-Type. Toutes les versions disent adieu au frein à main traditionnel remplacé par un commutateur à commande électronique installé sur la console. Le frein est appliqué automatiquement lorsque la clé de contact est retirée et relâché lorsque le sélecteur de vitesse passe de Park à une autre position. À côté de cette solution avant-gardiste, on retrouve un lecteur CD un peu primitif qui nous oblige à loger les disques dans le coffre arrière plutôt qu'au tableau de bord.

Il ne faut surtout pas se fier aux apparences en prenant le volant de ces nouvelles Jaguar. Leur transformation est beaucoup plus profonde qu'on le croit, grâce aux améliorations précitées et à un châssis dont la rigidité a été revue à la hausse. Les ingénieurs s'étaient donné pour tâche de mettre davantage en valeur le comportement sportif du châssis de la S-Type par un meilleur contrôle du roulis et par une amélioration de la direction. La suspension a notamment fait l'objet de modifications si nombreuses qu'il serait fastidieux de les énumérer toutes. Soulignons au passage l'utilisation de doubles leviers triangulés de différentes longueurs qui réduisent les effets des modifications de parallélisme et de carrossage.

Le comportement routier est le grand gagnant de tous ces changements et il est nettement supérieur à celui des anciennes versions. La nouvelle géométrie de suspension est garante d'une meilleure motricité et d'un roulis moins prononcé en virage. En cela, les S-Type 2003 diffèrent passablement de leurs devancières qui devaient irrémédiablement compter sur leur système de stabilité et leur antipatinage pour éviter de magistrales pertes d'adhérence du train arrière. Chaussée de pneus de 18 pouces à taille basse, cette Jaguar n'a évidemment pas l'agilité que l'on souhaiterait mais, étrangement, le confort n'est jamais perturbé par ces immenses galoches.

Toutes les S-Type du millésime 2003 étrennent un nouveau tableau de bord plutôt bien réussi auquel on peut juste reprocher la présence de certains éléments en plastique qu'on a l'impression d'avoir déjà vus dans certaines voitures moins nobles. Mais si cela devait être le seul indice de l'appartenance de Jaguar au groupe Ford, on ne s'en offusquerait pas tellement les Jaguar ont progressé depuis l'acquisition de la marque anglaise par le géant américain. Les usines anglaises de Birmingham où sont construites les S-Type ont été robotisées et ont fait l'objet d'une modernisation qui n'aurait jamais été possible à l'époque où ce constructeur faisait cavalier seul en produisant quelques milliers de voitures par année.

Et les autres

Si la R est la vedette incontestée de la nouvelle gamme des S-Type, la version 4,2 n'est pas négligeable pour autant. Son moteur a lui aussi été revitalisé avec une puissance accrue de 7 % (de 280 à 300 chevaux) et un couple amélioré de 8 %. Vous devrez patienter 7 dixièmes de secondes de plus pour atteindre 100 km/h, mais vous aurez la consolation de savoir que chaque petit dixième vous vaudra un millier de dollars de plus dans vos goussets puisque la diminution de la facture se chiffre à 7 000 $. Ou encore, vous pourriez aussi vous priver de 2 cylindres et opter pour le V6, qui, lui, vous fera épargner 13 000 $ supplémentaires.

À ce jeu, vous risquez toutefois de vous retrouver avec une Lincoln LS, cette berline à l'accent américain qui partage sa plate-forme et certains de ses éléments mécaniques avec les S-Type. Mais cela, c'est une autre histoire qui se raconte sans doute avec les mêmes mots mais dont les verbes se conjuguent différemment.

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