Lincoln LS, le meilleur est - encore - à venir
Il y a quelques années à peine, on ne donnait pas cher de la peau de Lincoln, une marque qui, pendant des années, a commercialisé des automobiles dont le comportement ressemblait davantage à celui d'un paquebot qu'à celui d'une auto et dont la clientèle manifestait plus d'intérêt pour l'épaisseur d'une moquette que pour les qualités dynamiques d'une auto. Des efforts ? Il y en a eu, mais Lincoln n'a jamais véritablement donné l'impression de s'engager à refaire son image et à rajeunir sa clientèle.
C'était avant la sortie de la première génération du Navigator ? un Ford Expedition endimanché. Et ensuite de la LS, une berline sport qui, à son tour, nous invitait à laisser nos préjugés sur Lincoln au vestiaire. D'ailleurs, pour nous convaincre du sérieux de ses intentions, la direction du constructeur américain ne manquait jamais une occasion de rappeler que la LS reposait sur une plate-forme pratiquement identique à celle qu'utilisait Jaguar pour sa S-Type (« 45 % des composantes mécaniques leur sont communes », précise Lincoln). Ce ne pouvait être mauvais, même si les consommateurs qui optent pour une LS ne sont pas aussi influencés par la marque que les acheteurs traditionnels de ce segment.
Cela dit, la Jaguar, elle, fait l'objet d'une sérieuse refonte cette année. Pas la LS. N'allez pas en conclure que les concepteurs de cette berline sont demeurés les bras croisés pour autant. Pour preuve, les deux mécaniques qui se proposent d'animer cette Lincoln ont été ragaillardies par l'addition d'un dispositif de calage variable des soupapes. Les gains sont plutôt modestes, dans le cas du V6 3 litres surtout, puisque sa puissance s'est accrue de 12 chevaux seulement. Et, comble de malheur pour les amateurs qui souhaitaient les exploiter pleinement, la boîte manuelle à 5 rapports ne figure plus au catalogue.
Bien que les dernières recrues dans le segment des berlines sport fassent preuve de plus de talents, reste que le comportement routier de la LS risque encore d'en étonner plusieurs. Oubliez les suspensions guimauve, la tenue de cap flottante et les freins vaporeux qui ont ? trop ? souvent été l'apanage des produits Lincoln. Cette LS file, vire et freine (la pédale est un brin spongieuse toutefois) comme aucune autre Lincoln. Et elle accélère bien aussi, surtout lorsque le V8 se glisse sous le capot. Le V6 ? Agréable, mais sans plus. Ce que l'on retient surtout de la livrée équipée du V6, c'est son équilibre. Équilibre des masses, d'abord, avec une répartition presque parfaite (51/49) qui contribue assurément au plaisir que l'on éprouve à la piloter. Ainsi qu'à soigner nos trajectoires dans les virages, la direction étant d'une assez grande précision à défaut de filtrer adéquatement les imperfections de la chaussée.
Nous ne sommes pas les seuls à manquer d'intérêt à l'égard de la version équipée du moteur V6. Les consommateurs aussi préfèrent, et de loin, voir la LS animée du moteur V8. Même si cette version est plus lourde, peu économique à la pompe (plus de 13 l/100 km de moyenne) et ne bénéficie pas d'une répartition des masses aussi avantageuse que la V6, elle n'en est pas moins agréable à conduire. De plus, la boite automatique à 5 rapports est parfaitement adaptée à la courbe de puissance de ce 3,9 litres qui arrache la LS de sa position statique sans s'essouffler. Si l'on prête foi à la rumeur, il y aurait encore mieux à venir puisque les motoristes de Ford travailleraient sur une version suralimentée par compresseur.
Sobre ou moche ?
Esthétiquement parlant, la LS, vous le savez déjà, ne remportera jamais le prix Nobel de l'originalité. Helmut Schrader, celui qui lui a donné formes et couleurs, reconnaissait lorsque nous l'avons rencontré que son dessin était plutôt sobre. « Mais la LS ne prendra pas une ride », disait-il à l'époque. Un avis que ne semble pas partager la direction de Lincoln qui a vu à ce que son dessin soit ? subtilement ? retouché cette année (calandre, phares et feux portent tous le sceau de la nouveauté).
Position de conduite agréable, mais un peu plus de support au niveau des cuisses et des épaules n'aurait pas fait de mal. Ce faisant, ne serait-il pas possible de transférer les commandes des sièges avant, histoire de les rendre plus accessibles ? L'année prochaine sans doute, puisque cette année on s'est assuré de corriger une autre maladresse sur le plan ergonomique : la hauteur de l'accoudoir central.
Repose-pied confortable, pédalier ajustable (désormais de série) et instrumentation complète et facile à consulter sont autant d'éléments qui font oublier la présentation un peu terne de cette Lincoln, et ce, malgré l'ajout d'une applique nickelée au modèle Sport. Sur le plan de la sécurité passive, mentionnons que des rideaux gonflables seront proposés en cours d'année. Au rayon des accessoires, les baquets ne se limitent plus à vous réchauffer le corps, ils l'aèrent aussi, et la chaîne audio adopte la technologie Lucasfilm-THX.
Cela dit, si les deux passagers qui prendront place à l'arrière ne trouveront guère à redire sur l'espace qui leur est réservé, il risque d'en être tout autrement quand ils tenteront d'introduire leurs bagages dans le coffre. Ce dernier manque cruellement de profondeur. Tout n'est pas perdu puisque le dossier de la banquette arrière se replie en tout ou en partie pour accroître le volume de chargement.
Avec la LS, Lincoln compte sur une superbe berline qui mérite davantage que les subtiles transformations qui lui ont été apportées. C'est d'autant plus vrai que la concurrence plus jeune et souvent plus sophistiquée possède tous les atouts nécessaires pour s'imposer face à cette américaine vieillissante et un peu dénuée de saveur.