Porsche Cayenne S / Turbo, échec ou réussite ?

Publié le 30 mars 2003 dans 2003 par Jacques Duval

Les avis sont partagés. Il y a ceux qui disent que Porsche a fait une gaffe monumentale en s'aventurant dans le créneau des utilitaires sport tandis que d'autres affirment que le constructeur allemand se devait absolument d'élargir sa gamme vers ce type de véhicule pour assurer sa survie. L'avenir nous dira qui a raison mais il est certain qu'une marque consacrée exclusivement à la voiture sport est très vulnérable dans un marché qui n'est jamais à l'abri des revirements. Les événements du 11 septembre 2001, par exemple, ont considérablement fait chuter les ventes de voitures dites « non essentielles ». Dans un tel contexte, que faut-il penser du Porsche Cayenne ?

Précisons d'abord qu'il est au moins fidèle à l'image haute performance associée à la petite firme de Stuttgart. Avec une puissance pouvant aller jusqu'à 450 chevaux, ce 4X4 part gagnant face à un Mercedes ML55 ou à un BMW X5 4,6 (347 chevaux dans les deux cas) dans la conquête du titre du 4X4 le plus rapide de la planète.

Le riche cousin du Touareg

Avant d'aller plus loin, précisons que cet utilitaire sport a été mis au point conjointement par Porsche et Volkswagen qui commercialise sa propre version sous le nom de Touareg (voir essai plus loin). La conduite de ce dernier m'a d'ailleurs permis de recueillir des impressions de conduite qui s'appliquent en bonne partie au Cayenne puisque les deux véhicules, hormis les moteurs, ont plusieurs points en commun. Alors que VW propose quatre motorisations différentes en Europe (V6, V8, V10 TDI et W12), Porsche se contente d'offrir deux V8 de même cylindrée (4,5 litres) en version atmosphérique (340 chevaux) ou biturbo (450 chevaux) couplés à une transmission Tiptronic à 6 rapports.

Pour la petite histoire, soulignons que le Cayenne est la première Porsche à ne pas offrir de boîte de vitesses manuelle. Le premier, qui équipe le Cayenne S, assure des performances équivalentes à celles d'un ML55 avec un 0-100 km/h en 7,2 secondes et une vitesse de pointe de 242 km/h. Quant à la version suralimentée, elle assure au Cayenne Turbo la suprématie absolue dans sa catégorie en termes d'accélération (0-100 km/h en 5,6 secondes) et de vitesse de pointe (266 km/h). En plus d'une paire de turbocompresseurs, le moteur de 450 chevaux bénéficie d'un refroidisseur d'air de suralimentation et de pistons en aluminium forgé (coulé, dans le Cayenne S). Les moteurs du Cayenne, comme ceux des 911, se distinguent par un angle de 90 degrés entre les deux rangées de cylindre et des arbres à cames d'admission à calage variable en continu. Ils bénéficient également d'un graissage à carter sec intégré. Ces deux V8 seront assemblés au quartier général de Porsche à Zuffenhausen et seront acheminés à une usine située à Leipzig, en Allemagne, là où le Cayenne est construit.

Des systèmes sophistiqués

Mais le nouveau 4X4 signé Porsche n'est pas seulement une affaire de moteurs surpuissants. Il a été mis au point pour ne pas se couvrir de ridicule en dehors des sentiers battus. À cette fin, il hérite du PTM (Porsche Traction Management), un tout nouveau système de gestion de motricité mis au point spécifiquement pour ce modèle et assurant la traction intégrale permanente. Au moyen d'un embrayage multidisques à contrôle électronique, le PTM régularise la répartition du couple moteur sur la base de 38 % à l'avant et 62 % à l'arrière.

En fonction de la situation donnée, cette répartition peut varier de 0 à 100 % dans les deux sens. Pour en décider, le PTM ne tient pas seulement compte d'un manque éventuel de traction. En effet, ses capteurs mesurent en plus la vitesse de la voiture, son accélération transversale, l'angle donné au volant et la position de la pédale d'accélération pour que le PTM puisse calculer le taux de blocage optimal des roues avant et arrière. En plus d'un différentiel central verrouillable, le Cayenne peut compter sur une boîte de transfert munie d'un réducteur offrant une gamme de vitesses courtes (low range) pour se sortir des pires impasses. Ses capacités hors route vont même plus loin si l'on coche l'option AOTP ou Advanced Offroad Technology Package qui comprend un différentiel arrière verrouillable, une plaque d'acier protectrice sous le véhicule et des angles d'approche et de fuite de 32° et 27° respectivement. Porsche garantit également que son 4X4 peut franchir un cours d'eau d'une profondeur maximale de 55,6 cm ou 22 pouces.

Hauteur variable

Une suspension pneumatique à hauteur variable est aussi offerte de série dans les versions Turbo. À partir d'une commande sur la console centrale, elle permet de régler la hauteur à six positions différentes et de varier la garde au sol de 15,7 à 27,3 cm. La suspension active permet aussi de choisir trois modes d'amortissement : confort, normal et sport. Le système PSM (Porsche Stability Management), déjà présent dans les 911, se retrouve aussi dans le Cayenne et fait intervenir le freinage ABS (antiblocage) ainsi que l'ASR (antipatinage) pour contrer les excès de survirage ou de sous-virage.

Une capacité de remorquage de 3,5 tonnes

Parmi les autres caractéristiques dignes de mention dans la fiche technique, on peut citer des suspensions indépendantes avec essieu multibras à l'arrière et un système de freinage comprenant des disques ventilés pincés par des étriers en aluminium à six pistons à l'avant et quatre à l'arrière. Ces étriers, incidemment, sont peints en rouge dans le Cayenne Turbo tout comme dans la 911 Turbo. Le Cayenne a peut aussi tracter un poids atteignant 3,5 tonnes. Porsche propose pour la première fois un crochet d'attelage escamotable à commande électrique. Il suffit d'actionner une touche de commande logée dans le compartiment à bagages pour faire sortir ou rentrer automatiquement la rotule d'attelage.

Côté apparence, signalons que le nouveau 4X4 de Porsche ne gagnera jamais un concours d'élégance. À l'avant, on a voulu lui donner un air de famille, mais les grandes prises d'air frontales gâchent un peu le coup d'?il. L'intérieur paraît mieux réussi, bien que l'on constate que les cadrans qui renferment les instruments sont les mêmes que ceux du Volkswagen Touareg. En revanche, le volant a plutôt fière allure avec ses trois branches inférieures épousant la forme d'un triangle et ses nombreuses commandes alignées en V de chaque côté du triangle. Selon la version choisie, les garnitures sont soit en aluminium, soit faÇon titane tandis que les sièges à 12 positions offrent un confort rigoureux. Si j'en juge par le Touareg, le Porsche Cayenne devrait pouvoir rivaliser avec ce qui se fait de mieux en conduite hors route tout en offrant un agrément de conduite à la hauteur de la réputation de la marque.

Les prix sont aussi fidèles à la réputation de la marque et on note un écart pour le moins indécent de près de 50 000 $ entre celui du Cayenne S et du Cayenne Turbo. L'arrivée sur le marché d'un 4X4 portant l'emblème de Porsche en est une preuve irréfutable que l'industrie automobile est en pleine mutation. Ajoutons à cela des Mercedes à 20 000 $ (la Classe A) et des Volkswagen à 100 000 $ (la Phaeton) et on comprendra que cette même industrie n'a pas fini de nous surprendre. Souhaitons seulement que la surprise soit agréable.

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