Volkswagen Phaeton W12, le début d'une ère nouvelle

Publié le 30 mars 2003 dans 2003 par Jacques Duval

On en parlait depuis déjà quelques années, mais personne ne semblait prêter l'oreille, sans doute par scepticisme. Volkswagen, disait-on, allait partir à la conquête du marché des voitures de très grand luxe et tenter d'ébranler l'hégémonie de Mercedes-Benz et BMW dans cette catégorie fort sélecte. Or, c'est maintenant chose faite et l'arrivée de la toute nouvelle Phaeton (prononcez « féton ») marque le début d'une ère nouvelle pour une firme dont le nom rime plus souvent avec économie qu'avec prospérité.

Chose certaine, le revenu et l'âge moyen des acheteurs de Volkswagen sont sur le point de faire un bond spectaculaire. Car, contrairement à Mercedes-Benz qui cherche à rajeunir sa clientèle avec des modèles de moins en moins chers, le créateur de la Coccinelle fait exactement l'inverse. Témoin, cette majestueuse limousine nommée Phaeton, un mot emprunté au vocabulaire automobile mais dans un sens différent de la définition qu'en donne le Petit Robert (voiture automobile découverte à deux ou quatre places). La Volkswagen des gens riches et célèbres est en effet une somptueuse berline à quatre ou cinq places dont le luxe, le confort et les performances n'ont rien à envier à une Mercedes S500 ou à une BMW 745i. Même son prix s'alignera sur celui de ses prestigieuses rivales et bien qu'il n'ait pas été déterminé au moment d'écrire ces lignes, on peut estimer que la Phaeton ne coûtera pas moins de 80 000 $ dans sa version de base et plus de 100 000 $ si l'on succombe aux nombreuses options qui seront offertes.

Afficher ou non son statut social

Je devine tout de suite votre étonnement et je vois l'immense point d'interrogation qui se dessine dans vos pensées. Comment diable une compagnie reconnue pour ses produits bon marché pourra-t-elle vendre une voiture de 100 000$ ? Sachez immédiatement que vous n'êtes pas le seul à vous poser cette question et que les quelques journalistes automobiles chevronnés qui m'accompagnaient en Allemagne lors de l'avant-première de la Phaeton ont tous émis les mêmes réserves. Et cela n'avait rien à voir avec la qualité du produit, mais plutôt avec l'idée préconÇue que l'on se fait d'une Volkswagen.

Bref, une Volks, Ça impressionne moins le voisin qu'une Mercedes ou une BMW. Justement, c'est sur cette perception que mise VW pour vendre sa voiture de 100 000 $ en se basant sur le fait que beaucoup de riches Européens ne veulent pas étaler leur fortune en pleine rue. Le hic, c'est qu'en Amérique, on assiste au phénomène contraire et que la plupart des gens à l'aise veulent que tout le monde sache qu'ils font partie du club des millionnaires. Dur d'afficher son statut social en roulant dans une voiture marquée du sigle VW. Mais laissons l'avenir décider du sort de la Phaeton et attardons-nous plutôt à ses principales caractéristiques.

Un air de famille

Pour vous aider à mieux visualiser ce modèle, précisons qu'il n'est que très légèrement plus long qu'une Mercedes Classe S ou une 745i de BMW. Il les dépassera toutefois de plusieurs centimètres à l'arrivée de la version allongée de la Phaeton qui sera offerte un peu plus tard. La ligne est plutôt classique avec un capot avant surbaissé et un profil qui ne sont pas sans rappeler le style de la Passat. Si le poids de 2 tonnes et demie paraît élevé, il aurait pu l'être davantage n'eût été des ailes avant en matière plastique et des portières, du capot avant et du couvercle du coffre fait d'aluminium.

Sachant que VW est un fervent adepte du partage des châssis et des éléments mécaniques au sein de son portfolio de marques, la Phaeton reprend le moteur W12 utilisé dans l'Audi A8 ainsi que sa traction intégrale.

Il suffit de visiter l'usine où sont assemblées les Phaeton tout près du centre-ville de Dresde, la capitale de la Saxe dans l'est de l'Allemagne, pour se rendre compte qu'il s'agit d'une voiture à part que VW prend très au sérieux. Rien au monde ne se compare en effet à cette chaîne de montage aménagée à proximité d'un jardin botanique dans le plus parfait respect de l'environnement. Construite au coût d'environ 300 millions de nos dollars, cette vaste usine « transparente » fait appel à 27 500 m2 de verre afin de permettre aux acheteurs d'observer derrière les baies vitrées chacune des phases de la construction de leur voiture, dont une bonne partie est faite à la main. J'y ai passé plus de deux heures sans m'ennuyer une seule seconde tellement tout y est différent de ce que l'on a vu jusqu'à maintenant. Sur des parquets en érable canadien d'une propreté immaculée, des employés hautement spécialisés vêtus de blanc assemblent dans un silence troublant les divers éléments de la voiture. Pas une goutte d'huile, pas la moindre petite saleté en vue, pas un seul bruit de métal martelé. C'est le cénacle qui voit naître le dernier chef-d'?uvre de l'ingénierie allemande. Car c'est bien la dernière référence en matière de luxe, de confort et de sécurité que Volkswagen compte proposer à sa nouvelle clientèle.

Le rendez-vous de la haute technologie

La longue liste des technologies mises de l'avant dans la Phaeton commence sous le capot où loge un 12 cylindres en W constitué de deux VR6 disposés dans un angle de 15°, ce qui en fait un moteur très compact mesurant seulement 51,3 cm de longueur par 71 cm de largeur. Ce W12 de 6 litres à 48 soupapes développe 420 chevaux qui sont mis à profit par une boîte automatique à 5 rapports acheminant la puissance aux 4 roues motrices du système de traction intégrale 4Motion. Un V8 4,2 litres de 310 chevaux sera aussi proposé dans les Phaeton destinées au marché nord-américain. En Europe, l'acheteur peut opter pour un V6 de 3,2 litres ou encore un V10 TDI (voir essai du Touareg).

Le comportement routier est géré par une suspension pneumatique offrant deux niveaux de hauteur et quatre réglages d'amortissement : Confort, Base et Sport 1 ou 2. Le châssis, au dire de VW, offre une rigidité insurpassable dans sa catégorie et a été étudié pour se prêter à des vitesses allant jusqu'à 300 km/h, bien que la vitesse maximale soit limitée à 250 km/h. De telles vitesses sont freinées par des disques à étriers à double piston de 16 pouces à l'avant et 18 à l'arrière. Ajoutez à cela une monte pneumatique dans des dimensions pouvant aller jusqu'à 18 pouces et toute une batterie de systèmes d'assistance au conducteur à contrôle électronique et vous avez les ingrédients d'une grande routière bien élevée.

Quatre places en option

La moins luxueuse des Phaeton est une cinq places, mais il existe une version quatre places optionnelle qui est sans doute moins logeable mais combien plus confortable pour les passagers arrière. Au lieu de la banquette traditionnelle, ceux-ci bénéficient de sièges individuels séparés par une console surmontée d'un petit écran servant à contrôler séparément la climatisation à quatre zones. Les sièges pour leur part se prêtent à une dizaine de réglages différents. Tout, en somme, pour voyager en première classe. L'attention apportée aux moindres petits détails est inouïe. Ainsi, les articulations des accoudoirs à l'arrière sont en chrome massif tandis que les charnières du coffre à bagages en métal poli font partie de ce que l'on appelle a conversation piece. Ce même coffre, très vaste, s'ouvre en appuyant simplement sur le logo VW placé au milieu du couvercle.

À l'avant, le conducteur n'est pas en reste ; son fauteuil personnel se règle sur 18 positions différentes tout en étant doté d'un ventilateur et d'un vibromasseur intégré. Et tout ce beau monde est protégé par huit coussins gonflables. Le climatiseur a ceci de particulier qu'il réchauffe ou refroidit l'habitacle sans que l'on ressente de courants d'air désagréables. Un contrôle de l'humidité prévient aussi la formation de buée sur le pare-brise. Au centre du tableau de bord, un écran de 7 pouces permet de visualiser les quelque 150 données du centre Infotainment, un ordinateur de bord capable de contrôler le système de navigation, la chaîne audio, les réglages de la suspension et que sais-je encore. Sans être un parangon de simplicité, ce module de commande est de loin moins complexe que ceux que l'on retrouve dans les grandes Mercedes et, surtout, dans la récente BMW 745.

Si l'emblème VW au milieu du volant tend à nous rappeler les modestes origines de la marque, la richesse de la finition a tôt fait de remettre les pendules à l'heure. Le bois, le cuir et les chromes (que l'acheteur peut agencer lui-même) soulignent avec bon goût le caractère particulier de la Volkswagen des aristocrates.

Une page d'histoire

Les quelque 400 km parcourus au volant d'une Phaeton W12 entre Wolfsburg et Dresde en Allemagne m'ont donné l'occasion non seulement d'évaluer un nouveau modèle mais d'être le témoin privilégié d'un événement qui fera époque dans l'histoire de l'automobile. De prime abord, le défi considérable que constituait la création et la mise en marché d'un modèle de très haut de gamme semble avoir été surmonté de faÇon magistrale par Volkswagen. La Phaeton est une voiture bien née qui ne cache aucun défaut mineur ou majeur. Son pédalier en métal et ses quatre sorties d'échappement donnent tout de suite le ton au tempérament sportif de la version W12. Les 420 chevaux paraissent néanmoins un peu timides et le moteur a un petit côté rugueux à mi-régime, mais l'agrément de conduite ne s'en trouve pas diminué pour autant. Et pour une première fois, le mode manuel de la transmission automatique se fait agréable à utiliser grâce aux deux leviers (+ et -) disposés sur la colonne de direction juste sous le volant.

Les qualités marquantes de cette Phaeton se résument en deux mots : silence et stabilité. À 180 km/h sur l'autobahn, on peut causer sans élever la voix d'un octave tandis qu'à 250 km/h, on a vraiment l'impression de rouler à 130 tellement la voiture est rivée à la route. Bref, la tenue de cap est phénoménale, supérieure à mon avis à celle d'une Classe S ou d'une Série 7. La voiture n'a sans doute pas la maniabilité de cette dernière, mais son comportement routier ne décevra personne. Ce n'est vraiment qu'au moment d'un freinage d'urgence que la Phaeton avoue son embonpoint alors que le transfert de poids vers l'avant la fait piquer du nez plus que de raison. Comme quelques collègues, j'ai aussi noté quelques trépidations de la suspension sur certains revêtements, dont les fameux pavés belges.

Les voitures essayées étaient cependant très jeunes et il faudra attendre l'arrivée des premières Phaeton chez nous avant de pouvoir poser un verdict définitif sur leurs qualités routières. Ce qu'il importe de retenir pour l'instant, c'est que le nom de Volkswagen ne sera jamais plus un synonyme de produits bon marché destinés à un public de masse. La grande question demeure toutefois de savoir si cette image n'est pas déjà trop enracinée dans la mémoire collective pour nuire au succès d'une VW de 100 000 $. La réponse appartient à la Phaeton.

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