AUDI A8, la perfection n'est pas de ce monde
À chaque édition du Guide, la même question se pose : « L'Audi A8 est-elle la meilleure voiture au monde ? » Cette année, l'interrogation est d'autant plus pertinente qu'après plus de huit années de production, ce porte-étendard de la marque se renouvelle de fond en comble.
Alors que la carrosserie de la précédente version paraissait un peu terne et sans originalité, la nouvelle présente un dessin plus achevé, avec une ligne du pavillon qui s'élance élégamment vers l'arrière, des panneaux aux formes délicates et un porte-à-faux particulièrement ramassé. Ces éléments, ainsi que son carénage inférieur, lui permettent d'afficher un Cx de 0,27, une prouesse pour une voiture de ce format roulant sur des pneus aussi larges.
Un régime minceur inefficace
Depuis 1994, la marque aux anneaux met de l'avant son régime minceur « aluminium ». La nouvelle A8 L adopte donc elle aussi l'Audi Space Frame qui, contrairement à une monocoque classique, est constitué d'un assemblage de pièces d'aluminium coulées ou profilées, sur lequel on fixe les éléments de la carrosserie, majoritairement en aluminium eux aussi. Comme tous les régimes miracles, cette solution ne respecte pas vraiment ses promesses, puisque le poids de la belle fait osciller la balance à 2 tonnes, soit à quelques kilos près d'une BMW 745i ou d'une Mercedes Classe S 4MOTION. Remarquez que cette dernière bénéficie aussi de la traction intégrale. Heureusement, la plate-forme démontre une rigidité sans faille malgré des dimensions qui s'apparentent plus à celles d'une limousine qu'à une berline sport, puisque toutes les A8 livrées en Amérique sont des versions allongées.
Il faut dire que la raison principale de ce relatif embonpoint est que l'A8 arrive, comme ses rivales d'ailleurs, abondamment « enveloppée » d'équipements. On y retrouve en effet des coussins gonflables pour la tête, le torse et les genoux presque partout dans l'habitacle et des assistances électriques tellement nombreuses qu'elles s'avèrent quelquefois superflues, tel le dispositif d'accès/lancement sans clef, le frein de stationnement électromagnétique, des sièges qui s'ajustent électriquement dans 16 sens avec quatre mémoires, et j'en passe. Heureusement, certains se révèlent plus commodes, comme le nouveau système MMI (Multi Media Interface) qui permet, à l'aide d'une molette et d'un écran semblables à ceux de la BMW Série 7, d'intervenir sur les réglages de la sonorisation, du système de navigation (en option), de la climatisation, et sur une multitudes d'autres fonctions, sans sombrer dans l'inutile complexité de sa cousine teutonne. Au surplus, plusieurs de ces fonctions se contrôlent à l'aide de boutons classiques qui leur sont dédiés. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué pour épater la galerie ? La présentation de l'habitacle est tout simplement somptueuse, réalisée avec des matériaux recherchés, installés par des travailleurs qui doivent mesurer un par un leurs Rice Krispies au micromètre chaque matin. Les fauteuils avant offrent un confort exceptionnel, et l'espace disponible sur la banquette arrière vous permettra de croiser les jambes sans jamais effleurer le dossier antérieur.
Côté moteur, l'A8 ne souffre pas trop de la concurrence. Son V8 4,2 litres avec 40 soupapes livre avec silence et douceur les 330 chevaux annoncés, et lui permet de présenter, en accélérant, son arrière à la majorité de ses contemporaines. Même si elle peut recevoir en Europe un W12 de 420 chevaux, il lui manque encore, en Amérique, une « option V12 » pour soutenir le rythme infernal imposé par ses concitoyennes de Stuttgart et de Bavière. Sa boîte séquentielle à six rapports semble un peu paresseuse, jusqu'à ce que le conducteur effectue quelques kick downs énergiques, lui commandant ainsi d'effectuer son travail avec plus de célérité. Le silence de fonctionnement atteint des seuils extrêmement bas, et les bruits de roulement ne parviennent que rarement aux oreilles des occupants.
Des ajustements perfectibles
Car la nouvelle A8 roule sur des coussins d'air, autrement dit une suspension pneumatique conÇue pour lui permettre de changer le niveau de sa caisse et d'ajuster la dureté des amortisseurs à quatre niveaux, soit Lift, Comfort, Dynamic, et Automatic. Au lieu de lui procurer un ascendant certain sur ses concitoyennes, les performances offertes ne font pas l'unanimité. À la base, elle arrive en effet avec des pneus de taille 17 pouces qui donnent satisfaction. Ma voiture d'essai roulait cependant sur d'impressionnants Pirelli P Zero Rosso en taille 255/40R19 durs comme la pierre des roues des Flintstones. Avec de telles « chaussures de course », l'adhérence ultime était de très haut niveau, mais la grosse berline avait tendance à suivre les ornières comme un chien de chasse une piste fraîche, et les suspensions semblaient aussi sèches que le c?ur d'un agent du fisc. Dans la même veine, le freinage confié à quatre gros disques assistés d'un ABS à quatre canaux, lui même complété par un EBD (Electronic Brake Distribution) et une assistance hydraulique au freinage, manquait de progressivité, même si sa puissance ne pouvait être prise en défaut. La direction un peu légère à basse vitesse demeure quand même très précise.
Alors, que dire, sinon que la perfection en matière d'automobile n'est pas incarnée par cette A8 L. Bien sûr, tous les ingrédients semblent présents pour en faire une routière encore plus redoutable, mais il lui manque un savant dosage de tous ces éléments. Et comme Audi a déjà de la difficulté à assurer la fiabilité de ses modèles plus anciens, on peut se demander si cette A8 sera à la hauteur d'une réputation que certains disent surfaite.