Dodge Viper, catapulte sauvage
Icône et symbole d'une Amérique de la démesure et de la surpuissance, la Viper s'est refait une santé (et une beauté aussi) l'an dernier, à l'occasion de son 10e anniversaire. Plus sophistiqué et surtout plus facile à maîtriser, ce reptile, foi de chroniqueur, n'a rien perdu de son caractère.
Caricaturale sans doute, la Viper n'en était pas moins une sportive dans l'âme et un monstre sans compromis. Par contre, cette Dodge se faisait surtout apprécier des conducteurs experts, capables de maîtriser sa puissance et ses ? nombreux ? écarts. Les autres la détestaient, surtout quand la Viper leur échappait pour les mener directement dans le fossé?
Le caractère orageux, parfois indomptable, des précédentes Viper s'est effacé au profit d'une tenue de route presque exemplaire, à la condition bien entendu que la chaussée soit sèche et impeccable. On ne se lasse pas des sorties de virage lorsqu'on lâche toute la puissance et le couple sur le train arrière. Toujours excitant ! Toutefois, même si la Viper est aujourd'hui plus docile, ce roadster ne se pilote pas comme une vulgaire berline. Les appuis en freinage comme en accélération sont francs et clairs, mais ne nous racontons pas d'histoires : la Viper est encore capable de se comporter comme une brute.
Toujours dépourvue de tout dispositif antipatinage ou antidérapage, la Viper requiert de son conducteur pas mal de sang-froid et assez de jugement pour jouer sans danger avec le volume et le poids de la bête. Ses concepteurs ne semblent pas douter un seul instant que ses clients en disposent. Comment en être sûr ?
Contact à la clé, démarrage au bouton (le rouge), le gros V10 de 8,3 litres s'éveille avec sa traditionnelle voix éraillée. Grâce à de multiples transformations (l'alésage et la course ont été augmentés, le vilebrequin renforcé et le système de lubrification redessiné), ce moteur délivre désormais 500 chevaux et 525 lb-pi de couple aux roues arrière.
Après une mise en jambes rapide sur les routes sineuses, nous attaquons les virages en épingle l'esprit tranquille. En ligne droite, les immenses roues avant de cette Viper cherchent moins qu'autrefois leur chemin sur le bitume bosselé.
Si la barre mythique des 500 chevaux est atteinte, les 45 chevaux supplémentaires ne se sentent guère. Le V10 n'a rien perdu de sa rage faussement placide à bas régime. Tiraillé entre la prudence que nécessite la découverte d'un tel engin et l'obligation de procéder à un véritable essai, je lâche toute la cavalerie, qui, dès le premier rapport enclenché, me propulse au-delà du réel. Inutile de passer le deuxième rapport (heureusement, car j'ai les omoplates plaqués contre le dossier de toute faÇon), la Viper n'a besoin que du premier pour atteindre les 100 km/h. Ce qu'elle parvient à faire en moins de cinq secondes. Je viens à peine d'enfiler le quatrième rapport que déjà la Viper file à plus de 220 km/h. Et, à la condition de diriger correctement son long museau, elle vous taille des trajectoires avec une précision chirurgicale et vous catapulte d'une courbe à l'autre. D'accord, on peut mener la Viper très vite, mais non sans effort. De plus, tôt ou tard, il faudra songer aux freins? Et heureusement, ils sont suffisamment puissants pour immobiliser la bête sur de courtes distances.
Taillé pour deux
Même immobile, la Viper ne peut qu'attiser les convoitises avec ses caractéristiques au superlatif, emballées dans une robe qui transpire le venin par tous les pores. La Viper, dessinée chez DaimlerChrysler par le Japonais Osamu Shikado, distille doucement une lente séduction. Strict coupé à deux places, la Viper sait aussi se découvrir (et facilement à part Ça) au premier rayon de soleil. Bonne nouvelle, le dessin du toit (toujours de toile, mais de meilleure qualité) est beaucoup plus élégant et ne nécessite pas un couvre-capote pour dissimuler son mécanisme.
Imposante en apparence (l'empattement a, il est vrai, été accru), la Viper est pourtant plus courte qu'une Corvette. Et plus lourde aussi, malgré une carrosserie en matériaux synthétiques, une armature de tableau de bord en magnésium et deux arceaux de sécurité en aluminium au cas où Ça tournerait mal.
Se glisser dans l'habitacle nécessite un peu de souplesse, surtout en raison de l'épaisseur des flancs, qui, précisons-le, intègrent les échappements. Attention, c'est chaud !
355 km/h ?
Même si le pédalier est réglable, il demeure toujours décalé vers la gauche. Un repose-pied est désormais ancré au fond de la caisse, mais il n'en est pas moins étroit. Bien que l'habitacle soit plus confortable, on s'y sent toujours un peu serré et privé de précieux rangements. En revanche (et n'est-ce pas là l'important ?), le siège vous place idéalement, les fesses au ras du sol, devant toutes vos responsabilités. Et on les voit mieux maintenant que le capot a été rasé de quelques millimètres. En regardant un peu plus bas, vous constaterez aussi que le tableau de bord a fait peau neuve. Le compte-tours est gradué jusqu'à 7000 tr/min alors que l'indicateur de vitesse, lui, s'échelonne jusqu'à 355 km/h. Sur la console centrale s'alignent quelques indicateurs.
On n'ira pas faire son épicerie en Viper, vu les dimensions de son coffre. Et impossible de cruiser sur l'autoroute en sirotant un bon café, car la Viper n'a pas de régulateur de vitesse ni même de porte-verres. Mais que l'on se rassure : dépouillée à l'extrême, la Viper se pare tout de même de cuir et d'une climatisation de série.