Jaguar XJ8 / XJR, le jeu des sept erreurs
Trouver les différences entre l'ancienne et la nouvelle Jaguar XJ équivaut ni plus ni moins qu'à s'adonner au jeu des sept erreurs. Car la différence est loin d'être évidente, surtout si les deux modèles ne sont pas côte à côte. Bref, il faut se méfier des apparences. Si, en surface, la plus récente limousine de la marque de Coventry ressemble à sa devancière comme deux gouttes d'eau, il en va tout autrement dès qu'on gratte un peu sa peinture british racing green pour se rendre compte que la carrosserie est faite d'aluminium plutôt que d'un vulgaire métal sans distinction. Noblesse oblige.
Avant de voir si tous les changements intervenus améliorent la sensation de conduite, voyons en quoi la dernière série des XJ se distingue des précédentes. Disons d'abord, pour ceux qui aimeraient jouer au jeu des sept erreurs, que, vues de profil, les portes arrière sont plus arrondies près du passage des roues.
Cela dit, précisons que, contrairement aux S-Type et X-Type, le modèle haut de gamme de Jaguar ne partage aucun élément avec des modèles Ford (propriétaire de la marque anglaise). Son plus grand titre de gloire est de faire appel à une construction en aluminium autant pour le châssis que pour la carrosserie. On a d'ailleurs eu recours à la technologie riveté-collé empruntée à l'aéronautique, un principe qui offre une résistance supérieure à la simple soudure. En matière de robustesse, la nouvelle carrosserie monocoque possède une rigidité accrue de 60 % alors que le poids total a été réduit de plus de 200 kg. Et cette économie de poids réalisée grâce à l'alliage d'aluminium a permis d'augmenter toutes les dimensions de cette Jaguar et conséquemment son habitabilité. L'empattement a progressé de 16 cm, la longueur de 6 cm (par rapport à l'ancienne version allongée) et la largeur de 7 cm. Ces chiffres ont aussi permis d'agrandir de 30 % le coffre à bagages autrefois très restreint des grandes Jaguar.
Une anglo-américaine
Sous le capot, la cylindrée et la puissance du moteur de série ont aussi fait un léger saut en avant : 2 litres et 14 chevaux respectivement. Le V8 de 4,2 litres offert dans le modèle de base et dans la Vanden Plas vous met 294 chevaux sous le pied alors que la version R de notre match comparatif (voir première partie) dispose de 390 chevaux grâce, entre autres, à l'ajout d'un compresseur. La seule transmission offerte est une boîte automatique désormais à six rapports qui retient le même détestable levier en J que tout le monde considère comme une erreur grossière sur le plan ergonomique.
Si l'on devait décrire la nouvelle XJ en une seule phrase, je dirais qu'elle constitue une sorte de compromis entre une limousine à l'américaine et une berline de prestige européenne. Elle n'a pas cette fermeté que dégagent les voitures allemandes et plusieurs s'en trouveront fort aise. La douceur proverbiale des Jaguar a été préservée et l'insonorisation aux bruits mécaniques ou autres est particulièrement réussie.
Malgré une suspension pneumatique privilégiant le confort, la tenue de route est néanmoins assez remarquable et on doit l'imputer à la rigidité impressionnante du châssis tout comme à la gestion électronique des réglages en fonction des conditions?
Si le moteur de série de 294 chevaux laisse initialement entrevoir une bonne réserve de puissance, il s'essouffle rapidement. Le manque de progressivité de l'accélérateur est trompeur alors que le verdict du chrono est inexorable : autour de 8 secondes pour le 0-100 km/h. Ceux qui souhaitent un peu plus de nerf sous le capot devront jeter leur dévolu sur la XJR. L'assistance de la direction est bien dosée et la transmission automatique, exception faite du levier biscornu, fonctionne adéquatement. La seule ombre au tableau est le freinage qui gagnerait à être plus résistant. Il faut déjà 41 mètres pour stopper cette berline de luxe à partir de 100 km/h et la distance grimpe dès la seconde application. La même surchauffe est intervenue lors des essais de la XJR et la pédale de freins devenait rapidement spongieuse.
Plus spacieuse, mais?
Autrefois un peu coincée au point de vue espace intérieur, la XJ8 est devenue plus accueillante et se compare même à certaines de ses rivales. Il n'en demeure pas moins que les conducteurs plutôt costauds et les grands gabarits auraient intérêt à vérifier s'ils sont à l'aise au volant. Les sièges sont certes très confortables, mais certains risquent de les trouver un peu bas, un effet amplifié par la ceinture de caisse relativement élevée. De bonnes notes en revanche pour l'écran du système de navigation plus intuitif que les autres et pour le tableau de bord moins énigmatique qu'autrefois. Les quelques irritants se limitent à l'aspect bon marché de certains commutateurs et, dans un sens, à leur désordre. Celui qui contrôle la persienne arrière se confond aisément avec celui de la commande d'ouverture du toit. On peut se demander aussi qui a eu l'idée saugrenue d'insérer les haut-parleurs des aiguës (tweeters) dans le creux de la poignée d'ouverture de la portière. Même protégé par un treillis métallique, celui-ci risque de s'égratigner avec le temps et de laisser pénétrer des poussières qui iront se loger sur le haut-parleur. Anglais un jour, anglais toujours !
En conclusion, bien que les nouvelles Jaguar XJ soient de meilleures voitures que les précédents modèles de cette série, elles risquent fort de passer inaperÇues en raison de leur manque de différenciation visuelle. Car, à moins d'être un inconditionnel de la marque, l'apparence joue encore un rôle de premier plan dans l'achat d'une voiture de cette catégorie. (Voir aussi match comparatif XJR contre E55.)