Mercedes-Benz SL, des chevaux récalcitrants
L'une des voitures les plus désirables sur cette terre, la Mercedes-Benz SL500, poursuit cette année son petit numéro de séduction en se faisant accompagner de deux nouveaux modèles haute performance de puissance quasi similaire issue de deux moteurs différents : un V12 bi-turbo (493 chevaux) emprunté à la Maybach pour la SL600 et un V8 à compresseur (469 chevaux) pour la SL55 AMG. Après avoir fait l'essai de cette dernière, ma question est la suivante : que faire de tant d'abondance sous le capot ?
Aurais-je pris un coup de vieux ? Peut-être, mais ce n'est pas l'âge qui fait que je m'interroge sur le surcroît de puissance de la SL55 AMG. C'est plutôt la difficulté d'exploiter adéquatement toute l'armada de la plus performante des Mercedes de série à ce jour. Ses 493 chevaux, fortifiés par un compresseur à échangeur thermique, sont tellement récalcitrants que l'on en vient à se demander à quoi ils peuvent servir.
Au sprint de 0 à 100 km/h, le fait d'accélérer à fond à partir d'un arrêt se solde par une franche intervention de l'antipatinage qui fait bafouiller le moteur et vous laisse pratiquement cloué sur place. Et si vous prenez soin de déconnecter le contrôle de la traction, vous aurez droit au patinage intempestif des roues motrices et à un « show de boucane » qui ne changeront rien au scénario initial. Bref, le temps d'accélération de 4,7 secondes entre 0 et 100 km/h invoqué par l'usine est quasi impossible à rééditer. Alors, contentons-nous de 5,5 secondes (ce qui n'est pas si mal tout de même) et passons à autre chose.
Une GT? sportive
Pour faire de la SL55 la plus sportive et la plus rapide des Mercedes, on l'a dotée non seulement d'un moteur V8 de 5,5 litres assemblé à la main, mais aussi d'une série de modifications qui lui permettent de rôder sur une piste de course sans se couvrir de ridicule. Ce modèle est d'ailleurs souvent utilisé comme voiture d'intervention dans les Grands Prix de F1. À l'?il nu, il se distingue d'une SL500 ordinaire par ses jantes spécifiques, ses bas de caisse enveloppants et ses quatre sorties d'échappement qui multiplient la très belle sonorité du moteur. C'est toutefois ce que l'on ne voit pas qui fait la différence, soit des roues de 18 pouces abritant d'énormes disques ventilés, une transmission automatique dont les rapports s'enclenchent 35 % plus vite que la normale et une suspension active programmée pour diminuer le roulis de 68 à 95 % selon le désir du conducteur.
Fort de ces renseignements, je m'attendais à trouver dans cette SL55 AMG un comportement sportif très pointu obligeant à oublier toute forme de confort. Or, cette Mercedes reste essentiellement une belle et bonne voiture grand-tourisme à caractère sport. On en vient même à se demander la raison d'être de cette troisième version de la gamme SL, la 600, dont le moteur V12 double turbo possède 24 chevaux de plus que le V8 de la SL55 tout en affichant un couple supérieur (590 lb-pi contre 516). Mercedes-Benz affirme que la SL600 a un caractère distinctif et qu'elle rejoindra une clientèle différente. On aurait tort toutefois de négliger la SL500 nouvellement équipée d'une transmission automatique à sept rapports qui, avec ses 306 chevaux et un prix plus avenant, saura faire le bonheur de la majorité.
Des reprises foudroyantes
Pour ceux qui ne se contentent de rien de moins que le sommet de la gamme, revenons à la SL55. Si les accélérations souffrent de l'intervention trop insistante des systèmes électroniques, les reprises par contre sont foudroyantes avec un temps de 3,2 secondes entre 80 et 120 km/h, l'une des meilleures performances relevées par Le Guide de l'auto à ce chapitre. L'excellente transmission automatique à cinq rapports y est pour beaucoup et son nom de SpeedShift est loin d'être usurpé. Elle permet aussi de passer les rapports manuellement au moyen de commandes placées derrière les branches centrales du volant.
Conduite sur le circuit Gilles-Villeneuve, la voiture a encore une fois été trahie par son système de contrôle de la stabilité qu'il m'a fallu débrancher pour contrer le sous-virage et amener l'arrière à décrocher. À l'épingle surtout, on peut alors réaliser de beaux dérapages contrôlés et se payer un certain plaisir. Sur piste, le freinage résiste admirablement bien aux abus et, comble de raffinement, le système est doté d'un capteur de pluie qui, imperceptiblement, pince les étriers pour assécher les disques si nécessaire. Et l'ABS est d'une telle discrétion que l'on a l'impression que la voiture en est dépourvue. Comme toutes les Mercedes, la SL55 s'accommode d'un diamètre de braquage assez court malgré la présence de pneus extralarges. En revanche, ces grosses pointures sont assez bruyantes une fois sur la route.
Malgré une qualité de construction fort soignée, la SL n'échappe pas totalement à la critique. Par exemple, le superbe toit rigide qui permet de transformer ce coupé en cabriolet en quelques secondes ne fait pas que rogner de l'espace dans le coffre à bagages. Il laissait filtrer quelques bruits de vent autour de 120 km/h dans la voiture mise à l'essai. Compte tenu des performances dont cette voiture est capable, l'éclairage en conduite nocturne paraît insuffisant malgré les phares au xénon dont elle est équipée. Une légère chute de neige de fin d'automne m'a aussi donné la conviction que la SL55 vous fera haïr l'hiver à vous en confesser.
Tout cela pour en venir à la conclusion qu'il vaut peut-être mieux acheter une SL500 plutôt qu'une SL55 AMG et utiliser les 30 000 $ économisés pour vous procurer une petite berline à quatre roues motrices pour l'hiver.