Saab 95, le culte de la singularité

Publié le 30 mars 2004 dans 2004 par Le Guide de l'auto

Vous vous sentez unique, et vous voulez l'affirmer à la face du monde. Hélas ! les sports extrêmes vous effraient, votre peau est allergique aux tatouages et personne ne vous a invité à participer au dernier défilé de la fierté gaie. Pourquoi ne pas rouler en Saab ? C'est là un moyen sûr d'affirmer sa différence, et qui sait, vous risquez même d'y prendre goût.

Blague à part, comment rendre compte de l'ineffable attrait exercé par cette suédoise d'exception ? Une Saab, c'est en quelque sorte une bière importée, connue d'une poignée d'aficionados qui lui trouvent un goût incomparable ; c'est encore l'aménagement Feng Shui dont seuls quelques émules comprennent la subtile harmonie. Bref, la Saab correspond à un art de vivre qui compte sur un noyau d'ardents défenseurs, de grands incompris qui s'épuisent à répandre leur connaissance salvatrice.

Un turbo en trois versions

Après une courte interruption d'un an, la version « Arc » a repris sa place dans la hiérarchie de la Saab 95 2004, entre la Linear et l'Aero. Vous avez le choix entre la configuration berline ou familiale, sauf avec la Linear, qui n'offre plus que la familiale. Cette dernière nous revient avec un moteur quatre cylindres turbo basse pression de 2,3 litres. Ses 185 chevaux sont bien en deÇà de la puissance que l'on obtient généralement pour une voiture de ce prix, mais rappelez-vous, vous êtes différent, vous n'aspirez qu'à vous distinguer dans les flots de la circulation, pas à arriver le premier ! Voilà bien ce qu'est en mesure de vous offrir ce moteur, grâce à la? linéarité de son couple. Il est de plus économe d'essence et silencieux.

Tout de même, 185 chevaux, Ça commence à faire un peu juste. La « nouvelle » Arc en délivre 220 ; c'est la solution du juste milieu. Le même moteur, placé cette fois sous le capot de la version Aero, développe 250 chevaux à l'aide d'un turbocompresseur qui souffle comme un cachalot. Ses performances sont énergiques, en accélération comme en reprise, mais on se passerait volontiers de son grondement, tout comme de l'effet de couple (le fameux volant qui « tire ») qui résulte des brusques montées du tachymètre. Pas sûr, non plus, que le temps de réponse longuet que prend le turbo pour commencer à compresser soit bien toléré d'un conducteur impatient.

Pour transmettre cette puissance aux roues avant, deux boîtes à cinq rapports se proposent à vous. L'automatique « Sentronic » fonctionne avec douceur et permet le passage séquentiel des vitesses, en plus d'offrir trois programmes de changement de rapports : normal, hiver et sport. Cette dernière configuration permet d'exploiter la puissance du moteur aussi efficacement qu'avec la manuelle, laquelle n'a incidemment rien à se reprocher si ce n'est un fonctionnement moins velouté que chez certaines rivales allemandes ou japonaises.

Même constat pour la caisse, assez rigide, mais qui ne donne pas l'impression de cohésion qu'on observe chez la concurrence germanique. Le comportement routier demeure tout de même neutre (bien que marqué par le sous-virage), les réactions sont prévisibles, et les suspensions très douces nivellent efficacement les inégalités de la chaussée. L'Aero démontre des aptitudes nettement plus sportives grâce à sa caisse abaissée de 10 mm, à des suspensions beaucoup plus fermes, et à ses raides pneus de 17 pouces, mais elle s'incline tout de même (dans tous les sens du terme) vaincue par les forces centrifuges en virage. La version Arc m'apparaît encore une fois la plus équilibrée du trio. Un système de stabilité électronique prévient les glissades sans se monter trop intrusif, mais il n'est pas disponible avec la Linear. Associés à l'ABS et au système de répartition électronique de la force de freinage, les freins à disque assurent des arrêts stables et courts.

Un environnement « saabesque »

Bien qu'elle arbore des lignes plus conventionnelles depuis son remodelage de 2002, la Saab 95 demeure aisément reconnaissable à sa silhouette typée, même si on déplore la disparition du hayon de la berline. Cette année encore, la version Aero subit des retouches qui lui donnent une allure plus sportive, sans bouleverser ses canons esthétiques. L'habitacle a su lui aussi conserver ses repères « saabesques », dont le distinctif et futile emplacement central, entre les sièges avant, pour la clef de contact. Les instruments se lisent avec clarté, les commandes sont ergonomiques, bref, tout semble à sa place hormis quelques particularités qui contribuent au folklore de la marque. La soute à bagages affiche des cotes remarquables dans la berline comme dans la familiale, et les dégagements intérieurs permettent à quatre personnes de voyager à leur aise, le centre de la banquette arrière étant plutôt réservé à de courtes promenades en raison de l'inconfortable couvercle de la trappe à ski qui vous pousse dans le dos. En revanche, les sièges avant prodiguent un soutien digne de mention.

Chacune des trois versions propose une présentation intérieure qui lui est propre. La Linear vous apporte tout de même la sellerie de cuir et la climatisation automatique à deux zones, de même qu'un ensemble de petites courtoisies appréciables, tel le coffre à gants réfrigéré (pour vos bières importées). L'Arc ajoute en plus le toit ouvrant et les fauteuils chauffants, alors que l'Aero surenchérit avec des fauteuils sport ventilés et un système audio Harman Kardon.

La 95 offre donc un ensemble de qualités attrayantes, et on dit sa fiabilité à la hausse, mais ses performances un peu en retrait par rapport à la concurrence la condamnent, pour l'instant encore, à miser sur sa singularité pour séduire.

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