Toyota Celica, en perte de vitesse
La part du marché automobile dévolue aux coupés sport a fondu comme la calotte glaciaire au cours des dernières décennies. L'offre devant en principe s'ajuster à la demande, qui aurait pu prédire, lors du lancement de la Toyota Celica de septième génération en l'an 2000, que celle-ci aurait à batailler quatre ans plus tard contre une horde de nouveaux et redoutables compétiteurs ?
Depuis lors, en effet, plusieurs fabricants ont suivi la nouvelle tendance consistant à élaborer une version sport de leur berline compacte grand public. C'est ainsi que les MazdaSpeed, Nissan Sentra SE-R, Honda Civic SiR et autres Ford Focus SVT proposent des caractéristiques résolument sportives, tout en bénéficiant de l'attrait dévolu aux marques à grande diffusion. De plus, leur habitabilité est souvent supérieure à celle d'un coupé, ce que même un célibataire finira par trouver avantageux.
Il n'y a pas 36 faÇons de parer à ces arguments pour un coupé sport, il faut offrir un style et des performances inspirants. C'est le défi que tente de relever la Celica.
Un manque de substance
Deux versions sont offertes : la GT, au tempérament réservé, et la GT-S, plus bagarreuse. La première reÇoit un moteur quatre cylindres de 1,8 litre délivrant un couple identique à celui d'une Toyota Corolla, et seulement 10 chevaux de plus, ce qui en dit long sur ses capacités « athlétiques ». Non seulement la puissance restreinte laisse l'amateur de vitesse sur sa faim, mais le couple limité à bas régime n'autorise que des accélérations et des reprises assez tranquilles.
Le même engin, dans la GT-S, a été préparé de faÇon à développer 180 chevaux. À 100 chevaux par litre, il s'agit certes d'une belle réussite technique, mais ce surcroît de puissance n'est disponible que dans la dernière partie du tachymètre, et le couple est à peine plus costaud que dans la GT. Résultat : il vous faut constamment ramer avec le levier de vitesses pour que le moteur exprime son potentiel. C'est encore pire qu'avec les moteurs Honda, pourtant réputés pour leur caractère pointu ; il ne se passe rien avant 4500 tr/min, et le petit engin ne prend vraiment son envol que 1500 tours plus haut. Maintenant, imaginez-vous un instant sur la neige, chaussé de larges pneus quatre saisons, comme j'ai eu le « privilège » de l'expérimenter : autant jouer avec une grenade dégoupillée !
La boîte manuelle à six rapports de la GT-S se manie heureusement comme un charme. Une automatique à quatre rapports avec commandes de changement séquentiel au volant arrive en option, et il faut bien sûr l'éviter, considérant la nécessité de pousser constamment le moteur pour en extirper la substantifique moelle. La GT reÇoit pour sa part une boîte manuelle à cinq vitesses agréable à man?uvrer ou une automatique (sans changement séquentiel) bien adaptée à ses 140 chevaux, mais c'est à se demander, avec les performances quelconques obtenues, à quoi peut bien servir un coupé sport !
Dommage que les groupes motopropulseurs ne soient pas plus inspirants, car la Celica s'avère plaisante à conduire. La plate-forme partagée avec la Matrix et la Corolla fait preuve de rigidité, tandis que les suspensions indépendantes se montrent aussi fermes que précises dans leurs guidages. Les réactions sont vives, la direction est rapide et bien assistée, et l'adhérence ultime assez élevée, malgré une évidente tendance au sous-virage. Le système de freinage de la GT-S (quatre disques munis de l'ABS et d'un répartiteur de la force de freinage) assure des arrêts courts, stables et faciles à doser. La GT, qui n'est décidément pas équipée pour veiller tard, se contente pour sa part de la combinaison disque/tambour (avec ABS en option).
Rien pour écarquiller les yeux
D'inspiration « New Edge Design », les lignes de la Celica témoignent d'une belle maîtrise des formes, encore que son côté « pliage origami » laisse assez froid ; aucun risque de délire collectif sur son passage ! On observe la même tendance avec l'aménagement intérieur, qui obéit aux lois du genre (pédalier d'aluminium, cadrans vivement illuminés et joli volant à trois branches dans la GT-S) sans que l'enthousiasme ne soit au rendez-vous, en raison d'un environnement somme toute assez banal.
Hormis l'insonorisation qu'on souhaiterait plus imperméable, la finition est sans reproche, les commandes sont disposées « ergonomiquement » et les espaces de rangement nombreux et bien conÇus. Le coffre de bonne contenance s'agrandit par le fractionnement 50-50 du dossier de la banquette, et devrait donner satisfaction à un couple qui voyage en week-end. Les symboliques places arrière accueillent des passagers? de passage. Par contre, les sièges avant vous enveloppent confortablement.
L'économique GT arrive assez bien équipée : climatiseur, principales assistances électriques, sans oublier le lecteur CD et une sono à six haut-parleurs. La GT-S, outre des pneus de 16 pouces reflétant son caractère plus sportif, ajoute la sellerie de cuir, le régulateur de vitesse, un système sonore JBL à huit haut-parleurs et le toit ouvrant électriquement. Dommage qu'on n'ait pas trouvé assez d'espace pour des coussins latéraux, surtout si l'on songe qu'il s'agit d'une petite voiture destinée à être conduite nerveusement.
Bref, la Celica ne constitue sans doute pas une mauvaise affaire, mais elle a de plus en plus de mal à se démarquer dans son environnement chaudement concurrentiel. L'Acura RSX, par exemple, offre un équipement plus riche et une puissance supérieure, pour quelques centaines dollars de moins. Un exemple qui illustre à lui seul la perte de vitesse de la Toyota.