Bentley Mulsanne 2012: Mieux vaut être riche et en santé…

Même si Bentley est passé dans le giron de Volkswagen depuis plusieurs années, il en a fallu des lunes avant que la direction de cette filiale britannique passe à l'action. Sa grosse berline de luxe, l’Arnage, était sur le marché depuis 1998 avant qu'elle soit remplacée par la Mulsanne en 2010, ce qui constitue une éternité dans le monde de l'automobile, même chez les voitures de luxe.
Cette nouvelle venue conserve la silhouette très massive de sa devancière. Par contre, signe des temps, les angles sont moins aigus, la grille de calandre plus stylisée et la partie arrière arrondie rappelle un peu certaines Bentley des années 50. La tradition se maintient dans l'habitacle avec de multiples appliqués en bois exotiques et du cuir presque partout. Et du chrome, mes amis, du chrome partout, et pas du plaqué.

Un gros morceau

Ce cuirassé des routes ne fait pas dans la dentelle quant à ses dimensions. Histoire de vous donner quelques points de repère, cette Bentley est plus longue de 432 millimètres qu'une Cadillac Escalade et son empattement surpasse celui de la grosse Américaine de 320 millimètres.

L’habitacle de la Mulsanne est immensément vaste, on s’en doute, mais ce n’est pas ce qui saute aux yeux lorsqu’on y prend place pour la première fois. C’est le luxe suranné qui impressionne à coup sûr. Pourtant, derrière le tableau de bord, c’est tout ce qu’il y a de plus moderne. Pour les audiophiles, il faut souligner que le système audio a été concocté par la compagnie écossaise Naim dont la réputation en fait de qualité sonore n'est plus à faire.

Si, à l’avant, la note est quasi parfaite, que dire de l’expérience vécue par les bienheureuses personnes qui ont la chance de voyager à l’arrière! Espace et luxe sont omniprésents et le nombre de commandes pour gérer ces sièges est sans doute plus élevé que le nombre total de commandes d’une Toyota Yaris. Curieusement, le coffre n’est pas tellement grand et les dossiers des sièges arrière ne s’abaissent pas. Mais qu’est-ce qu’un propriétaire de Mulsanne doit s’en foutre!

La Mulsanne est immense, bourrée de matériel insonorisant et d’accessoires de toutes sortes, améliorant ainsi la sécurité et le luxe. Mais tout ça, ça pèse et il faut tout un moteur pour déplacer cette masse de près 3 tonnes à des vitesses vraiment illégales, et ce, en un rien de temps. Depuis fort longtemps, les grosses berlines de Bentley ont une cylindrée de 6,8 litres, ou, pour respecter la tradition, de 6 ¾ litres. Puisque l'on a conservé les soupapes en tête, la course et l'alésage du moteur précédent, on serait porté à croire qu’il s’agit du même moulin. Mais le bloc-moteur, les culasses et toutes les pièces internes sont nouvelles. Mieux encore, la désactivation des cylindres a été intégrée à ce moteur dont la puissance est de 505 chevaux et le couple de 752 lb-pi grâce à la présence de deux turbocompresseurs Mitsubishi.

Lors d’accélérations brutales, la voiture hésite à s’arracher de la force d’inertie. Puis, après environ une seconde, c’est la folie. Dans un vrombissement un peu feutré des huit cylindres, la montagne de kilos qu’est la Mulsanne est catapultée vers l’avant et rien, rien, rien ne semble vouloir l’arrêter. Et même rendue à des vitesses à en faire fondre un radar, la voiture ne présente aucun signe d’essoufflement! À noter que la ligne rouge du moteur débute à 4 500 tours/minute. On se croirait à bord d’une voiture diesel. Ce n’est pas le cas même si son moteur en possède le couple phénoménal. Cette fabuleuse pièce d’orfèvrerie est couplée à une non moins fabuleuse boîte automatique à huit rapports qui passe ses vitesses de façon tout à fait transparente.

Lors d’un test éclair, nous avons abattu le 0-100 km/h en 6,0 secondes pile. Bentley parle de 5,0, sans doute avec les pneus de 20 pouces alors que notre voiture d’essai possédait des Pirelli P Zero Rosso P265/40ZR21 (le journaliste sent son bras gauche s’engourdir quand il pense au coût de remplacement… mais sans doute pas le propriétaire d’une Bentley…)

Le sport, façon Mulsanne

Conduire une voiture de près d’un demi-million de dollars est toujours une expérience qui sort de l’ordinaire. Il faut tout d’abord s’assurer de ne pas l’abîmer lors des manœuvres de stationnement. Et puis s’habituer au regard des gens, souvent envieux, quelquefois hargneux (ce devaient être des écolos, la Mulsanne consommant une quantité indécente d’hydrocarbures). Le moteur est hyper puissant, les sièges divins, le luxe indicible, mais la conduite ne laisse pas cette impression de contentement qu’offre, par exemple, une Bentley Continental GT. La faute va à la direction, un peu trop vague et ne procurant pas suffisamment de retour d’information. Pourtant, même poussée au-delà de la logique dans un coin de rues, la Mulsanne tourne avec aplomb, affichant un certain roulis. Compte tenu du poids que les suspensions ont à gérer, nous ne pouvons que lever notre chapeau aux ingénieurs britanniques (et allemands, bien sûr).

La Mulsanne est une voiture hors de l'ordinaire pour des gens qui ont des ressources financières hors de l'ordinaire. Si jamais vous êtes suivis sur la route par une voiture dont les phares comprennent un cercle de diodes électroluminescentes, cédez donc le passage : c'est une Mulsanne.