SRT Viper 2013, venin concentré en formule améliorée

Publié le 17 décembre 2012 dans Premiers contacts par Marc Lachapelle

La première Viper est née dans l’esprit de quatre mordus qui voulaient créer une version moderne de la démoniaque Shelby Cobra. Parmi eux, Bob Lutz – qui était alors un des grands bonzes chez Chrysler – et le légendaire Carroll Shelby, père du premier reptile (ben oui : cobra!) et de tous ses rejetons. Connaissant ces deux-là, le projet a sans doute pris forme aux petites heures, dans une discussion animée, cigare au bec et whisky à la main!

Le prototype de la Viper a fait sensation au Salon de Detroit en 1989. En trente mois, il fut transformé en modèle de série par un commando de 85 ingénieurs, techniciens et stylistes. Au lancement mondial de la Viper R/T 10, tenu en Californie au milieu du mois de novembre 1991, les journalistes ont découvert un roadster long, large et costaud, propulsé par un V10 de 8,0 litres et 400 chevaux. Une machine étonnante, y compris sur le rapide circuit Willow Springs.

Je le sais parce que j’y étais. Seul journaliste québécois, représentant à la fois le Guide de l’auto et le Toronto Star. Fasciné par ce qu’avait réussi cette bande d’illuminés, en un temps record, avec un budget ridicule pour un constructeur américain de l’époque.

Serpent charmeur

Cette première Viper allait être construite à quelques centaines d’exemplaires comme modèle 1992. Elle était loin de la perfection avec ses portières sans poignée, sa capote qui n’était qu’un mauvais imperméable, un habitacle où sévissait le plastique gris, et des seuils qui rôtissaient les cuisses avec les échappements qui passaient juste dessous... Elle avait cependant le cœur de King Kong sous son grand capot, une gueule d’enfer et du caractère à revendre. Et ça, c’est rare.

Vingt-et-un ans plus tard, je me retrouve à nouveau en Californie à la mi-novembre pour le lancement d’une nouvelle Viper qui amorce la cinquième génération. Entre-temps, elle s’est transformée en coupé, a gagné les 24 Heures de Daytona, dominé sa catégorie aux 24 Heures du Mans et recruté une armée d’inconditionnels. La Viper a été redessinée en 1996, 2003 et 2008 mais on a cessé de la manufacturer en 2010.

Avec la fusion virtuelle des groupes Chrysler et Fiat, des rumeurs ont couru entre autres sur la création d’une nouvelle Viper dérivée de la belle Alfa Romeo 8c et propulsée par un V8 italien. De quoi provoquer une émeute parmi les fanatiques. C’est plutôt le contraire qui s’est produit puisque la Viper a prêté l’essentiel de sa structure au coupé Alfa Romeo Zagato TZ3 Stradale, dont seulement neuf exemplaires ont été fabriqués.

Pour la nouvelle Viper, la vérité est nettement plus conforme à sa jeune tradition de grande sportive américaine et rivale de la Corvette sexagénaire. Elle est effectivement construite sur une version bonifiée de son châssis à caissons sur lequel est posée une carrosserie aux lignes familières et pourtant inédites, avec un V10 à culbuteurs de 8,4 litres entièrement revu et un habitacle tout neuf.

Et si elle existe seulement, c’est grâce à Ralph Gilles, chef styliste et patron du groupe SRT, qui a convaincu Sergio Marchionne, grand manitou de Chrysler-Fiat, de la nécessité de faire renaitre une pure sportive alors que le groupe se débattait dans la pire des tourmentes financières.

Deux versions pour deux missions

Contrairement à la toute première Viper, la nouvelle est lancée d’abord comme un coupé. Un roadster suivra certainement toutefois, on ne dit pas quand. Pour combler les passionnés purs et durs de la Viper mais attirer aussi de nouveaux acheteurs, le groupe SRT (pour Street and Racing Technology) a créé deux versions différentes de la bête : SRT et GTS.

La Viper SRT est conçue pour livrer les sensations plus brutes et viscérales que recherchent les habitués tout en offrant un confort certain et des systèmes de sécurité à la fine pointe. Elle est moins insonorisée, moins équipée, sa finition est moins riche et sa suspension plus simple cependant, elle profite du même V10 de 8,4 litres et de la même boite manuelle à 6 rapports.

La mission de la nouvelle GTS est plutôt de faire grimper la Viper dans la hiérarchie des sportives et de la rendre plus polyvalente et attrayante aux yeux de plus de gens. Sa double vocation est de savoir filer sur la route en douceur pour ensuite attaquer les circuits avec férocité. La clé de ce dédoublement de personnalité est une suspension dotée d’amortisseurs Bilstein réglables qui permet au pilote d’une GTS de choisir entre un réglage Street axé sur le confort de roulement et un mode Race sans compromis pour les circuits.

Les nouvelles Viper sont également équipées de systèmes antidérapages pour la première fois. Celui de la GTS offre quatre modes distincts : Pleinement activé, Sport, Circuit et entièrement Désactivé. Le système de la SRT est soit entièrement activé, soit le contraire.

La fonction et la forme

Mais la Viper, c’est d’abord une silhouette de fauve, longue, large et basse. Si la nouvelle se reconnait instantanément, ses lignes sont plus élégantes, plus modernes. Chaque détail a été soigneusement étudié et raffiné à la fois dans l’atelier de design et la soufflerie. Tout ce travail a produit un coupé assez spectaculaire dont le coefficient de trainée a été ramené à 0,369 et qui est censé rester plaqué à la route ou la piste jusqu’à une vitesse de pointe annoncée de 330 km/h.

La Viper nouvelle est également plus légère que la précédente de 68 kilos grâce à un capot-coquille, un toit et un hayon en fibre de carbone, de même que des portières en aluminium. À 1 495 kilos, la version la plus simple est donc plus légère qu’une Corvette ZR1 ou une Porsche 911 Turbo et pèse environ 200 kilos de moins qu’une Nissan GT-R.

On peut encore réduire le poids de 26 kilos en cochant l’option Track Pack qui comprend des disques de frein rainurés plus légers et des roues d’alliage plus légères aussi, chaussées de pneus Pirelli P Zero Corsa dont la gomme est plus souple et mordante que celle des P Zero de série.

De l’extérieur, la SRT se reconnait surtout par les six évents de son capot alors que celui de la GTS n’en compte que deux. Les jantes Rattler de la première ont également cinq larges rayons tandis que les roues Venom de la GTS ont six minces rayons doubles. Autre signe distinctif : les larges bandes optionnelles de couleur contrastante se terminent en pointe arrondie sur le capot des SRT alors qu’elles conservent leur pleine largeur jusqu’au bas du parechoc sur les GTS.

Les deux versions de la Viper partagent une large écope à l’avant du capot, laquelle gave le moteur d’air frais et donne à la Viper des airs de 575 Maranello. Amusant si l’on songe que Ferrari est une autre des marques du groupe Fiat. Les nouveaux coupés Viper ont encore de grandes sorties d’air en forme de croissant derrière leurs ailes avant, des échappements latéraux et un toit à double bulle.

Du confort à l’opulence

L’habitacle est une nette amélioration avec un tableau de bord aux lignes simples et dégagées, une finition soignée et une console centrale plus basse qui dégage mieux les coudes. Les cadrans sont clairs, tout comme l’écran tactile de 8,4 pouces au centre et le tableau d’affichage de 7 pouces droit devant. La multitude de menus et de commandes interactives est toutefois déroutante au premier contact.

Les versions GTS se démarquent surtout par le cuir qui recouvre pratiquement toutes les surfaces qu’on peut voir ou toucher. Les SRT ont droit aux mêmes sièges sport du spécialiste italien Sabelt qui équipe également Ferrari mais ils sont enveloppés plutôt de nylon « balistique » et de vinyle robuste et n’offrent que des réglages manuels. Leur cabine n’a rien d’austère pour autant avec du cuir Nappa pour le tableau de bord et les contrôles principaux.

La seule lacune sérieuse est l’espace limité pour le pied gauche du conducteur. Même un soulier de taille moyenne se trouve à l’étroit sur le petit repose-pied en aluminium, à quelques millimètres de la pédale d’embrayage. La position centrale avant du gros V10 permet une répartition des masses quasi parfaite de 49,6/50.4 % au prix d’une console et de flancs plus larges.

Un V10 pareil et pourtant tout nouveau

Le V10 de la Viper a conservé les mêmes dimensions essentielles de course et d’alésage que le précédent, mais toutes ses composantes sont nouvelles et son arbre à cames central fait toujours varier le calage des soupapes d’échappement. Il a gagné 40 chevaux pour des valeurs maxi de 640 chevaux à 6 200 tr/min et 600 lb-pi de couple à 5 000 tr/min, soit plus que tout autre moteur atmosphérique actuel.

Le collecteur d’admission en matériau composite, les soupapes refroidies au sodium et le volant en aluminium qui permet des montées en régime plus vives ont permis de réduire le poids de près de 12 kilos. Les nouveaux pistons forgés Mähle aident aussi, mais on les a choisis pour leur robustesse en pensant aux propriétaires qui vont inévitablement ajouter des turbos et faire grimper la puissance à plus de 1 000 chevaux.

La boite manuelle Tremec TR6060 est encore la seule offerte. Ses rapports sont plus serrés et on peut maintenant rouler en ville et atteindre la vitesse maximale avec un 6e rapport plus démultiplié. La course du levier, monté directement sur la boite, est un peu plus courte, et il faut un geste énergique et une bonne poigne pour bien passer les vitesses.

L’embrayage à double disque réduit l’inertie de rotation de 20 % et la pédale est assez légère, mais sa course pourrait être réduite de moitié tellement le point de friction est haut. Comme dans les premières Viper. Le différentiel autobloquant de série répartit le couple entre les immenses pneus arrière de taille 355/30ZR19, et un nouveau mode Départ-canon commandé par un bouton au volant permet de soigner les départs arrêtés.

Caractère et contrôle
Je n’avais eu aucun mal avec la première Viper de première génération, même à fond sur le circuit Willow Springs sans aucun système électronique, et j’ai bouclé plus tard l’ovale PMG à près de 295 km/h de moyenne dans un coupé GTS. Sans crainte, ou presque. Pourtant, je ne me suis pas senti à l’aise au premier contact avec la nouvelle Viper malgré les gains évidents et importants en raffinement et en qualité de finition et de fabrication. Malgré aussi l’antipatinage, l’antidérapage, les freins ABS et la collection de coussins gonflables.

Surtout à cause du peu d’espace pour mon pied gauche de taille rigoureusement moyenne et de l’embrayage qui mord très haut. Sans doute aussi à cause du grondement bas et sourd de l’échappement au démarrage et de la pluie qui tombait. Même avec l’électronique qui veille, les 600 lb-pi de couple de la Viper inspirent le plus grand respect.

Dès le premier virage, j’ai par contre été impressionné par la finesse et la précision de la direction et du train avant, avec ses larges pneus de taille 295/30ZR18. La grande entretoise d’aluminium en X sous le capot y est pour beaucoup. Elle a certainement sa large part dans le gain en rigidité de la structure que les ingénieurs de SRT évaluent à 50 %.

Sur l’asphalte enfin sec du circuit Sonoma, une fois apprivoisés les quelques virages fortement ondulés, au point de corde oblique, la Viper fait étalage de son adhérence élevée et de son équilibre. Elle inspire confiance, néanmoins, il aurait fallu plus que ces quelques tours accompagnés pour explorer correctement ses limites. Le couple du V10 est toujours là mais la puissance déferle et la sonorité rauque s’affine et s’amplifie joyeusement à plus haut régime.

Les vertus de la civilité

La version GTS m’est apparue un peu plus stable et précise en piste, la fermeté de ses amortisseurs Bilstein DampTronic trois fois supérieure en mode Race. Sur ce réglage, ils réagissent par contre à la moindre fente ou bosse sur la route, alors que le roulement est un peu plus souple et confortable que dans le modèle SRT en mode Street.

On peut alors profiter de la chaine audio Harman Kardon et des autres joujoux et raffinements de ce modèle, comme dans la grand-tourisme qu’elle a voulu devenir. Sans compter cette odeur de cuir qui monte aussitôt que vous ouvrez la portière. Il faudra voyager léger, toutefois, parce que le coffre n’a rien de caverneux sous le grand hayon à l’arrière.

Il faudra évidemment y mettre les sous avec un prix de base de 120 395 $ US pour la GTS et de 97 395 $ US pour la SRT avec quelques groupes d’options qui pourront faire une facture nettement plus salée. Les prix canadiens n’ont pas encore été annoncés.

Chose certaine, ces nouvelles Viper nettement plus modernes et raffinées n’ont pas renié le côté animal de leurs ancêtres. En fait, leurs crocs sont encore plus redoutables mais elles savent maintenant les rétracter à volonté.

Fiche d'évaluation
Modèle à l'essai n.d.
Version à l'essai GTS
Fourchette de prix 97 395 $ – 120 395 $
Prix du modèle à l'essai 120 395 $
Garantie de base 3 ans/60 000 km
Garantie du groupe motopropulseur 3 ans/60 000 km
Consommation (ville/route/observée) n.d.
Options n.d.
Modèles concurrents Nissan GT-R
Points forts
  • Puissance et couple exceptionnels
  • Silhouette spectaculaire
  • Habitacle confortable et bien fini
  • Train avant précis
  • Suspension à deux modes (GTS)
Points faibles
  • Repose-pied étroit
  • Course longue de l’embrayage
  • Sonorité basse et creuse du V10
  • Soute cargo étriquée
  • Museau bas qui frotte parfois
Fiche d'appréciation
Consommation 2.5/5 À cylindrée énorme, grosse soif probable
Valeur subjective 4.0/5 Pour le look, le muscle, la tenue de route
Esthétique 4.0/5 La mue réussie d’un archétype américain
Confort 3.5/5 Roulement raisonnable et sièges bien sculptés
Performances 5.0/5 Le géant des moteurs atmosphériques
Appréciation générale 4.0/5 Jeune légende américaine rajeunie et relancée
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