Ford Escape 2013: L'Escape n'est plus, vive l'Escape!
Le Ford Escape est-il encore un camion? Est-il devenu une Focus soufflée? Cette 3e génération n'a tellement plus rien à voir avec les précédentes que l'utilitaire compact aurait pu prendre le nom qui le désigne en Europe : le Kuga.
Ce qui, depuis plus d'une décennie, était carré, simple, pratico-pratique et... l'utilitaire le plus vendu au Canada, se paye la traite pour 2013. Finie, la plateforme de Mazda — d'ailleurs, toute comparaison avec le successeur du Tribute, le CX-5, n'a plus aucune raison d'être.
C'est désormais la plateforme de la Focus, développée en Allemagne doit-on le rappeler, qui s'arrime sous un véhicule qui délaisse définitivement les formes « camions ». Le nouveau design est moderne, avec des accents européens qui plaisent à l'oeil. Et ce, même si ce court capot, ces flancs torturés de lignes de caractère et cette glace de hayon qui enrobe ont déjà été inventés par d'autres — le Hyundai Tucson, par exemple.
Transformation totale
Dedans aussi, c'est la transformation totale. Quelqu'un s'est sûrement dit : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? Si vous êtes dépaysé par l'avalanche de fonctionnalités dans la Focus, vous le serez tout autant dans l'Escape, puisque le tableau de bord reprend les mêmes éléments. Plusieurs critiques se sont élevées contre les systèmes Sync et MyTouch, Ford affirme les avoir entendues et a amélioré les choses. Il a cependant fait l'erreur d'enfoncer l'écran, de sorte que les contrôles tactiles (surtout les petits, en bas) sont difficiles à atteindre. Qui dit avalanche de fonctionnalités, dit... avalanche de possibilités. On peut tout contrôler à bord – imaginez : le volant compte une vingtaine de commandes... klaxon y compris. Certes, ça demande un temps d'apprivoisement, mais c'est pas mal plus intuitif que dans le nouveau Honda CR-V.
Toujours dans l'habitacle, et toujours comme pour la Focus, on note une bonne insonorisation, des matériaux de qualité bien assemblés et des rangements là où on les attend. Le coup d'oeil est, là aussi, moderne, européen et tellement distinctif que cet intérieur-là pourrait bien remporter les honneurs des « Best of » de la catégorie, cette année. L'ensemble est toutefois encombrant avec, posé en podium, le levier de transmission (on n'a droit qu'à une automatique six rapports, la boite manuelle n'est plus). Bref, ça retranche de l'espace vital et on se sent envahi.
Le nouvel Escape a l'air de plus petites dimensions que la génération précédente, mais... ce n'est qu'une illusion. De fait, sa longueur et son empattement s'étirent respectivement de 9 cm et de 7 cm, sa caisse s'élargit de 3 cm. Côté volume, ça permet de loger 144 litres de plus derrière la banquette relevée et si ce n'est pas autant que la plupart des utilitaires japonais, c'est nettement mieux que dans les utilitaires coréens.
Vrai que la silhouette de l'Escape est désormais moins haute (de 4 cm), et ça paraît dans le dégagement pour la tête un brin moins généreux. Seule exception : les jambes des passagers arrière y gagnent versus l'ancien Escape. Mais avec 935 mm, ce n'est pas la mer à boire — c'est même l'un des dégagements les plus restreints de la catégorie, après le Volkswagen Tiguan. Ajoutez à cela une superficie vitrée moindre, de même qu'un siège passager qui n'accepte pas de s'ajuster en hauteur et plusieurs se sentiront à l'étroit. Parlant de sièges : ceux-ci sont confortables. Même qu'ils sont très, très enveloppants — on a d'ailleurs davantage l'impression d'y être enfermés qu'enfoncés.
Un, deux... trois quatre cylindres
Alors que les utilitaires compacts proposent un moteur ou deux moteurs, l'Escape se « lâche lousse » avec trois... quatre cylindres. Celui de 2,5 litres demeure en poste comme moteur de base (uniquement avec la boite six rapports) et il permet au prix d'entrée de s'installer sous les 21 500 $. C'est l'unique raison pour laquelle on l’a conservé sans guère le modifier : 168 chevaux, 170 lb-pi, pas d'injection directe et une gourmandise à peine réduite de 5 %.
On voudra donc plutôt se tourner vers les deux nouvelles motorisations Ecoboost (injection directe et turbo), dont celui de 1,6 litre qui, pour sa toute première application sur notre continent, produit 178 chevaux et un bon 237 lb-pi de couple. Si l’on ne tire ni roulotte ni motoneige, c'est suffisant pour déplacer celui qui, malheureusement, ajoute une centaine de kilos de plus. Cet Ecoboost est doux et de belle sophistication, mais il faut néanmoins être conscient de ses limites — que nous avons notées dans les escarpements qui font la renommée de San Francisco. La consommation promet d'être très frugale, mais si l'on compare uniquement en ville, c'est le Mazda CX-5 qui l'emporte — à ce chapitre, ce japonais est le seul utilitaire à s'afficher (en ville) sous les 6 L/100km.
L'Escape n'offre plus de V6. C'est l'Ecoboost de 2,0 litres (un transfuge des Edge et Explorer) qui le remplace, pour sensiblement la même puissance, à 240 chevaux, mais encore plus de couple : à 270 lb-pi, c'est 43 lb-pi en extra. Oui, la capacité de remorquage demeure la même : 3 500 livres (1588 kilos). Certes, on n'a pas droit à la profondeur gutturale d'un bon vieux V6, mais la vigueur se fait souple et bien déliée sur une large bande. Les reprises ne manquent pas d'air et l’on oublie qu'il y a un turbo là-dedans, sauf en démarrage brusque — à notre avis, c'est alors la transmission qui se cherche un instant qui est la cause de cette légère hésitation. Le reste du temps, cette transmission passe ses six rapports de façon bien étagée et tout à fait imperceptible. Par contre, son mode manuel, par le biais d'une petite commande chromée au levier, exige une désagréable contorsion du coude. C'est peu instinctif et après deux ou trois usages, on laisse tomber. On aurait préféré les passages au volant...
Si ça vaut la peine, cet Ecoboost 2,0, côté consommation? Selon les données de Ressources naturelles Canada, oui, puisqu'il consomme de 15 à 20 % de moins versus l’ancien V6. Bon, on sait que ces cotes sont toujours très optimistes et que les moteurs turbo, lorsque poussés dans leurs retranchements, ne sont pas la panacée de la frugalité. D'ailleurs, après quelques envolées dynamiques, nous avions enregistré 10,2 L/100 km: sur l'autoroute, sans faire d'excès, nos 7,8 L/100 km nous sont apparus fort raisonnables pour un utilitaire AWD de 240 chevaux qui pèse presque 1 700 kg. Soit dit en passant, ne cherchez plus de variante hybride : pour ça, le C-Max prendra la relève.
Y'a de la Focus là-dedans
Côté comportement, c'est pas mal plus sportif qu'escompté. Rappelez-vous : y'a de la Focus, là-dedans, notamment avec cette suspension indépendante Control blade, qui sépare les amortisseurs des ressorts, pour plus de contrôle. La garde au sol, réduite à 201 mm (soit d'un bon 1,5 cm par rapport à l’ancien Escape), abaisse le centre de gravité (en plus de faciliter les entrées et sorties), et accorde donc un meilleur équilibre des forces en présence. On a aussi ajouté des contrôles de la vitesse et des accélérations en courbe, tout comme on a rehaussé (l'optionnelle) traction intégrale de capteurs plus nombreux, afin que les réactions soient plus rapides.
Et ça marche : notre Escape s'est révélé agile, dégourdi... et même très ferme sur le bitume, avec ses roues de 19 pouces. Même qu'à ce chapitre, il faudra sans doute bientôt parler « d'accommodements raisonnables », sinon les plus douillets se plaindront. Le freinage est convaincant et la direction (électrique, bien sûr) est précise, bien qu'elle aurait gagné à disposer d'un peu plus de consistance. Dans l'ensemble, l'attitude est mieux composée, manifestement plus serrée.
De base, avec son « vieux » quatre cylindres et peu ou prou de toute cette nouvelle technologie dont peut se vanter Ford, le nouvel Escape demeure l'un des utilitaires les moins chers du marché. Mais si l'on veut la modernité de la nouveauté, la marche financière est haute : presque 27 000 $ pour un Escape Ecoboost 1,6 L — et presque 30 000 $ pour un Escape à traction intégrale. La variante Titanium, la plus équipée de toutes avec son stationnement automatisé, ses alertes de circulation latérale et transversale, son toit panoramique et son hayon qui s'ouvre d'un coup de pied (oui, oui!), va quasiment chercher dans les 38 000 $. Euh... c'est pas le prix d'un BMW X1, ça?