Jaguar XK 2013: Pattes de velours et griffes acérées

Publié le 1er janvier 2013 dans 2013 par Marc Lachapelle

C’est par les coupés et décapotables de la série XK que s’est amorcée la renaissance de Jaguar à la fin d’un autre siècle. Dix ans plus tard, la grande marque britannique réinventait ses voitures grand-tourisme en leur offrant une carrosserie tout aluminium dessinée sous la gouverne de son génial chef styliste, l’Écossais Ian Callum. Quelques années encore et le fauve rugissait plus fort que jamais sous les traits de la fabuleuse XKR-S qui distille une férocité qui n’a rien de très britannique. Grand bien nous fasse puisque la bête est belle!

Lancée en 1997, la XK8 était élégante, performante et solide. Elle permettait cependant surtout à Jaguar d’entrer enfin dans l’ère moderne grâce au premier V8 entièrement conçu par ses ingénieurs et fabriqué dans ses usines retapées. Une décennie plus tard, la marque de Coventry lançait des versions entièrement redessinées du coupé et de la décapotable XK qui étaient plus longues, plus larges et plus hautes que leurs devancières mais plus légères aussi grâce à leur nouvelle coque d’aluminium. La série XK prenait un nouvel élan en 2010 après que Jaguar ait retrouvé un soutien ferme et de bonnes ressources de développement à la faveur de son rachat par le conglomérat indien Tata Motors.

Classique et moderne
Jaguar présenta alors la troisième génération de son V8 de type AJ dont la cylindrée passait à 5,0 litres et qui profitait des derniers raffinements dont l’injection directe. Le V8 atmosphérique des versions XK produit 385 chevaux et les XKR, toujours plus sportives, ont droit à une version suralimentée par compresseur dont les cotes de puissance sont de 510 chevaux et 461 lb-pi de couple étalé de 2 500 à 5 500 tr/min. Ces deux moteurs sont jumelés à une boite de vitesse automatique à 6 rapports et les XKR profitent aussi d’un différentiel autobloquant électronique.

L’équipe de Ian Callum avait légèrement redessiné la carrosserie des XK et XKR cette année-là. Pas de révolution esthétique pour elles tandis que la nouvelle XF, lancée l’année d’avant, marquait une rupture avec le style classique de Jaguar. On a raison d’y voir une reconnaissance lucide des qualités intemporelles de la silhouette des XK actuelles. À l’extérieur, à tout le moins, puisqu’elles ont hérité du sélecteur de vitesse électronique de la XF qui est tout sauf passéiste et rétro. Cette molette circulaire, qui a presque exactement la dimension d’une rondelle de hockey qu’on aurait taillée dans l’aluminium, se soulève de la console centrale lorsqu’on appuie sur le bouton de démarrage. Il suffit alors de tourner pour choisir marche avant ou arrière. Ça fonctionne plutôt bien.

Somme toute, les XK sont dans le jeu avec les allemandes pour la conception et la finition de l’habitacle. Les cuirs et les boiseries sont magnifiques, tradition oblige, mais les commandes écrites et les différentes icônes et images devraient être plus lisibles et contrastées sur un écran tactile dont le fonctionnement lui-même est sans reproche. Il se démarque avec des éléments simples et utiles comme une touche pour l’éteindre directement plutôt qu’en fouillant dans trois menus successifs. Les sièges avant sont impeccablement confortables et offrent un très bon maintien latéral. On a forcé la dose avec les baquets des XKR-S par respect logique de leur aptitude impressionnante à s’accrocher en virage. On oublie évidemment les places arrière ridiculement exiguës, une tradition étrangement tenace pour les coupés et décapotables de la marque.

La bête merveilleuse
Si les XK et XKR sont des autos grand-tourisme très silencieuses, confortables et puissantes, avec un dosage plus corsé pour les secondes, les XKR-S sont véritablement d’une race à part. Apparus l’an dernier, ces coupés et décapotables devenaient du coup les voitures les plus puissantes que Jaguar ait jamais produites avec leur V8 compressé qui crache 550 chevaux à la faveur de nombreuses modifications. Elles trouvent un écho dans celles qu’on a apportées à la carrosserie pour soigner l’aérodynamique de voitures qui peuvent atteindre 300 km/h. La suspension plus ferme, les jantes d’alliage plus légères et les pneus plus mordants se chargent d’aiguiser la tenue de route. Les freins ont de plus grands disques aussi. On devine pourquoi.

Les XKR-S sont des bêtes uniques et rares, plus fougueuses que les sportives allemandes et plus rageuses que les américaines. Déjà impressionnantes sur la route où leur dégaine est plus ferme que celle des XKR, et la sonorité de leur V8 réjouissante à tout régime − profonde et rauque à la fois −, elles sortent vraiment les griffes sur un circuit. Sans surprise, elles se pilotent comme la Corvette ZR1 ou la Shelby GT500, deux propulsions à moteur compressé de plus de 600 chevaux : en exploitant à fond l’excellente adhérence du train avant et en respectant les limites des pneus arrière avec un tel déferlement de puissance et de couple. Les oreilles toujours pleines d’un rugissement fabuleux.

Ce côté animal devient de plus en plus rare à une époque où même une Porsche 911 se conduit du bout des doigts, sans risque de sentir perler la moindre goutte de sueur. De toute manière, le fauve qui sommeille sous la peau d’aluminium des XKR-S ne sera libéré que si son maitre le veut et appuie sur le bouton qui désactive ses carcans électroniques. Sinon la XKR-S se contentera de grogner en sourdine et de filer droit. Bonne panthère.

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