Les femmes et l'automobile: De Bertha à Danica

Publié le 8 mars 2017 dans Blogue par Alain Morin

Au fil des années, le rôle des femmes dans la société a beaucoup évolué. Mais qu’est-ce qu’elles ont dû se battre pour faire valoir leurs droits, que ce soit en politique, en éducation ou au travail! D'ailleurs, elles comptent leur part de pionnières. De Marie Curie à Mère Teresa et d’Amélia Earhart à Helen Keller en passant par une foule d’inconnues qui ont grandement aidé à faire progresser la société. Heureusement, le monde de l’automobile ne leur a pas échappé…

Bertha Benz

Moins connue que Karl, son illustre mari, Bertha Benz (1849 – 1944) n’en est pas moins importante. En fait, c’est peut-être grâce à elle que les affaires de son mari ont si bien fonctionné! La légende veut que ce soit elle qui aurait poussé Karl à fabriquer une voiture sans chevaux. Mais il semble que le génie de la mécanique ne veuille pas montrer au public un véhicule qui ne soit pas parfait. Une chose est sûre, le 5 aout 1888, Mme Benz, accompagnée de ses deux fils, Richard et Eugen, prend, sans permission, la Patent Motorwagen que son mari vient de terminer.

Elle parcourt, en une journée, les 106 kilomètres qui séparent Mannheim et Pforzheim devant s’arrêter pour trouver de l’essence (ou quelque chose d’inflammable, à l’époque les injecteurs d’essence n’étaient pas scrupuleux!) et réparer une chaine et les freins. Ce voyage, le premier long trajet jamais effectué en automobile était, pour Bertha, une façon de prouver à son mari que sa voiture pouvait être commercialisée. Sans Bertha, y aurait-il des Mercedes-Benz aujourd’hui?

Hellé Nice

La Française Mariette Hélène Delangle (1900-1984) avait tout pour réussir dans un monde dominé par les hommes : beauté, jeunesse, talent et entêtement. Et elle réussit!

D’abord connue comme danseuse de music-hall, Hélène Nice (son nom de scène qui deviendra Hellé Nice un peu plus tard) amasse un beau petit pécule, ce qui lui permet de se payer du luxe dont un yatch et des voitures sport. On lui prête aussi plusieurs relations amoureuses avec des hommes influents, dont Philippe de Rotschild et un certain Jean Bugatti.

Un accident de ski alpin lui laissant un genou en mauvais état, Hellé Nice se tourne vers la course automobile où elle pourra assouvir sa passion pour la vitesse. Commence alors une seconde carrière dans laquelle elle brille, battant régulièrement des records de vitesse féminins. À partir de 1931, elle s’attaque aux hommes en participant, sur une Bugatti T35C, à cinq Grand Prix en France et au Grand Prix d’Italie à Monza. Elle court aussi sur une Alfa Romeo 8C Monza et rivalise avec des noms tels que Tazio Nuvolari, Rudolf Caracciola, Brend Rosemeyer, Louis Chiron et Jean-Pierre Wimille. Hellé Nice se permet même de battre des records de vitesse.

En 1936, un grave accident la laisse dans le coma quelques jours, mais c’est surtout au niveau psychologique qu’elle est le plus atteinte. Elle se contente donc de participer à des courses d’endurance réservées aux femmes. Après la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945), Hellé Nice tente de reprendre du service au plus haut niveau de la compétition, mais Louis Chiron l’accuse en public d’avoir été un agent à la solde de la Gestapo ce qui, à l’époque, est une accusation extrêmement grave. Même si Chiron n’avance aucune preuve (et il n’y en a toujours pas malgré les recherches de sa biographe Miranda Seymour), le mal est fait et plus personne ne veut être vu avec elle.

Après avoir été l’une des femmes les plus en vue de la course automobile, Hellé Nice meurt en 1984 dans une pauvreté et une solitude extrêmes. Triste fin pour une femme qui a tant profité de la vie.

Mary Anderson

Les objets sont là, faisant partie de nos vies sans qu’on les remarque. On s’interroge encore moins sur leur création. Prenez l’essuie-glace, article commun s’il en est un!

Il a été inventé par Mary Anderson (1866-1953). Lors d’une visite à New York durant l’hiver 1903, elle remarque que le conducteur du tramway doit conduire la vitre ouverte pour éviter qu’elle se givre. De retour à la maison, elle engage un designer (Mary Anderson n’était sans doute pas très pauvre!) et élabore avec lui un mécanisme destiné à garder les vitres des véhicules exemptes de pluie ou de verglas. Elle demande ensuite à une entreprise locale de fabriquer l’objet en question. Quelques mois plus tard, elle dépose un brevet (US Patent No 743,801) pour une bande de caoutchouc à l’extérieur du parebrise commandée par un levier à l’intérieur de l’habitacle. Un ressort permet le retour de l’essuie-glace tandis qu’un contrepoids permet à ce dernier de demeurer en contact avec le parebrise.

Mary Anderson tente de vendre son brevet à une entreprise canadienne qui la refuse, ne voyant pas son utilité. Pourtant, dès 1912 ou 1913, l’usage de l’essuie-glace se répand. En 1917, une autre femme, Charlotte Bridgwood brevète le premier essuie-glace électrique. Décidément, pour mieux voir et mieux voir loin, il faut se fier aux femmes. Les hommes ont des yeux… d’hommes, on le sait bien!

Mary Barra

Depuis que l’automobile existe, il y a eu des centaines de femmes cadres, autant pour de grandes entreprises mondiales que pour des fournisseurs de pièces ou de service. Toutefois, Mary Barra, née le 24 décembre 1961, est la première femme à être à la tête d’un manufacturier automobile mondial. En effet, Barra occupe, depuis janvier dernier, le poste de présidente-directrice générale de General Motors.

La femme de 51 ans a d’abord obtenu un baccalauréat en ingénierie électrique puis une maitrise en administration. Elle a commencé sa carrière chez GM en 1980 en occupant différents postes en ingénierie et en administration. Elle fut aussi directrice de l’usine d’assemblage Detroit/Harmtrack. Au fil des années, elle occupe des postes de plus en plus importants jusqu’à devenir directrice du développement des produits avant sa nomination suprême.

Le magazine Forbes, dans son édition 2014, place Mary Barra à la première position des 50 femmes les plus puissantes de l’industrie. Ce n’est quand même pas rien!

Danica Patrick

Danica Patrick est un peu la Hellé Nice moderne (sans le destin tragique, souhaitons-le) : belle, jeune, talentueuse et dotée un front de bœuf. Née le 25 mars 1982, d’une mère mécanicienne et d’un père ex coureur en motoneige, Danica Sue Patrick amorce sa carrière en karting en 1992. À 16 ans, elle s’exile en Angleterre pour parfaire son pilotage en Formule Ford et en Formule Vauxhall. En 2002, retour aux États-Unis où elle court sur le circuit Barber Dodge Pro Series puis, l’année suivante, on la retrouve en Toyota Atlantic Championship. En 2004, elle termine troisième au classement général.

Les choses sérieuses débutent en 2005 alors que Danica Patrick commence en IRL. Aux 500 Miles d’Indianapolis, elle termine au quatrième rang, la meilleure position jamais obtenue par une femme dans cette prestigieuse course. Elle terminera la saison en douzième position au classement général.

Entre 2006 et 2011, Danica continue à faire parler d’elle en accumulant les bonnes performances… et quelques moins bonnes! Elle figure la plupart du temps parmi les dix premiers, sinon sur le podium. D’ailleurs, le 20 avril 2008, elle remporte l’Indy Japan 300. Il s’agit de la première victoire d’une femme en IndyCar.

À partir de janvier 2010, on retrouve la pilote au volant de bolides NASCAR, tout d’abord en K&N Pro Series East puis en Nationwide et, depuis 2012, en Sprint Cup, le plus haut échelon du stock-car américain. L’apprentissage est un peu plus difficile et il lui arrive souvent de rouler à l’arrière du peloton. Pourtant, le 24 février 2013, elle est la première femme à mener un Daytona 500!

Danica Patrick n’a pas que des amis parmi les autres pilotes. Jolie et à l’aise devant les caméras, elle vole la vedette partout où elle va, ce qui n’est pas sans déplaire à certaines vedettes établies… À elle seule, elle a amené plus de spectateurs et de téléspectateurs aux séries IRL, IndyCar et NASCAR que n’importe quel autre pilote, ce qui a sans doute permis à ces séries de survivre à un moment où les commanditaires se font rares. En plus, Danica Patrick possède un très bon coup de volant. Et à ceux qui lisent ces lignes et qui ont des doutes sur ses qualités de pilote, je vous invite à la suivre sur une piste de course…

Les cinq femmes mentionnées plus haut ne sont que quelques-unes parmi des milliers. On pourrait aussi parler de :

Florence Lawrence, une actrice d’Hollywood qui a inventé le feu de frein et le bras de signalisation (sémaphore) sur les voitures.
Shirley Muldowney, une des meilleures pilotes de dragster (NHRA) dont la carrière a failli se terminer dans les rails de la piste de Sanair à cause d’un bris mécanique.
Denise McCluggage qui fut une pilote de course, une photographe et une journaliste automobile très respectée.
Alice Huyler Ramsey qui, entre le 9 juin et le 7 aout 1909, a parcouru les 3 800 milles (6 115 km) entre New York et San Francisco.
Elizabeth Junek dont le mari pilote avait de la difficulté à passer les rapports de ses voitures de course à la suite d’un accident. Elle le remplaça avec succès et devint une célébrité instantanée!

Et j’en ai passé des dizaines : Janet Guthrie, Lyn St-James, Courtney Caldwell, Elizabeth Ann Tatcher, Anne de Rochechouart de Mortemart, Camille du Gast, Michelle Mouton, Maria Grazia Lombardi, Giovanna Amati, Anne Belec, Tatiana Calderón

Mesdames, merci!

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