Mercedes-Benz 300 SL Roadster: Ce que les Américains veulent...

Publié le 20 mars 2014 dans Voitures anciennes par Alain Morin

Durant les années 50, prendre une voiture de course et en faire une voiture de route était un concept osé. Prendre une voiture dont l’ouverture verticale des portières constituait un symbole de prestige et en faire une décapotable ne tenait plus du concept osé mais plutôt de l’hérésie! Et ça a marché. Bienvenue dans le monde de la Mercedes-Benz 300 SL.

Après la Deuxième Guerre mondiale, Mercedes-Benz veut revenir dans la course automobile, un domaine où elle excellait avant le conflit. C’est en 1952 que la marque à l’étoile d’argent revient officiellement à la compétition. Avec une voiture pour le moins particulière, la 300 SL (S pour Sport et L pour Leicht – ou, si vous préférez, Léger). Quant au 300, il réfère au moteur de 3,0 litres.

Cette 300 SL fut conçue en un temps record autour d’un châssis tubulaire révolutionnaire, très léger pour compenser, dit-on, le poids élevé du moteur et de la transmission. À cause de la largeur étonnante du châssis au niveau des portières, les ingénieurs doivent repenser leur ouverture, devenue impossible sur charnières conventionnelles. C’est ainsi que sont créées les fameuses portes en aile de mouette qui donneront leur nom à la voiture, Gullwing. Cette voiture n’aurait pu être simplement qu’une caricature si, dès sa première année sur les circuits, elle n’avait pas prouvé sa grande valeur. Ce qu’elle a fait de main de maitre, signant triomphes par-dessus records de vitesse.

Vendre une voiture qui n’existe pas

La 300 SL est une machine à victoires quand Max Hoffman, l’importateur de la marque pour les États-Unis, décide de vendre une version route pour riches Américains. Sauf qu’elle n’existe pas encore! Répondant à la demande, Mercedes concocte ce qui allait devenir la première super sportive moderne, la 300 SL de route, montrant ainsi la voie aux futures Ferrari Enzo, Porsche 959 et autres Jaguar XJ220. Entre 1954 et 1957, environ 1 400 300 SL seront produites, 80 % d’entre elles vendues aux États-Unis.

Vendre une autre voiture qui n’existe pas

Durant les années 50, les voitures décapotables sont très populaires, surtout chez nos voisins du Sud. Pour plaire à cette richissime clientèle, Mercedes-Benz, sous, semble-t-il, les pressions exercées par Max Hoffman (encore lui!), décide de créer une 300 SL décapotable. Tout un défi que d’enlever la partie supérieure d’une voiture qui, justement, se démarque par sa partie supérieure! La 300 SL Roadster, dévoilée au Salon de Genève en 1957, sera vendue à 1 858 exemplaires entre 1957 et 1963. Un peu moins rare et moins chère que sa version coupé, la décapotable n’en demeure pas moins un monument de grâce et de prestige.

Pour aller faire des courses…

Nous avons récemment eu la chance de découvrir une 300 SL Roadster dans le musée de RM Classic Cars à Chatham en Ontario. Cette édition 1957 a été acquise par Rob Myers, président et fondateur de l’entreprise désormais reconnue mondialement. Sans être parfaite, cette voiture était solide, ne présentait aucune rouille, avait été très bien entretenue et possédait une peinture et des chromes en excellent état. Dès que la température le permet, elle sert de véhicule à tout faire (daily driver) pour RM Classic Cars, et il n’est pas rare que Rob ou un employé parte faire des emplettes ou aille chercher un client à l’aéroport au volant de cette voiture. Comme moyen de transport quotidien on a déjà vu pire… Rob s’amuse même à lui délier les suspensions dans différentes épreuves de type Touring comme le Colorado Grand en 2011 et en 2013.

Pour en arriver à créer une version décapotable avec des portières conventionnelles, les ingénieurs ont dû revoir le châssis pour le rendre plus bas sur les côtés. Ils en ont aussi profité pour apporter des modifications à la partie arrière pour permettre de loger le pneu de secours sous le plancher du coffre et, surtout pour apporter plusieurs changements techniques à la suspension arrière question d’améliorer la tenue de route. En 1961, les freins à tambour ont été enfin remplacés par des freins à disque aux quatre roues. Malgré tout, le caractère du Roadster demeure plus grand tourisme que celui du Coupé. Selon les informations obtenues de RM Classic Cars, la production du Roadster débute dès que se termine celle du Coupé.

Techniques d’avant-garde

Sous le capot de cette superbe allemande, on retrouve le même moteur que dans la 300 SL Coupé, soit un six cylindres en ligne de 3,0 litres (2,996 cc pour être précis) à arbre à came en tête mais poussé à 240 chevaux à 5 800 tours/minute et 203 livres-pied de couple à 4 600 tours/minute. Cette augmentation de puissance compense le poids plus élevé du Roadster (mécanisme du toit et renforts de châssis entre autres). Parmi les particularités, notons que, pour améliorer l’aérodynamisme, les ingénieurs durent incliner le moteur à 45 degrés pour permettre l’utilisation d’un capot le plus bas possible. Évidemment, le Roadster reprend les mêmes caractéristiques. Il y a aussi un système d’injection d’essence Bosch et un carter sec (dry-sump). La transmission est une manuelle à quatre rapports synchronisés. L’ensemble amène la voiture à 250 km/h… en 1957 ne l’oublions pas!

Le Guide de l’auto n’a malheureusement pas pu conduire la superbe 300 SL Roadster mais un recherchiste de RM Classic Cars nous a confié qu’elle était confortable et facile à piloter. Ayant conduit plusieurs voitures de la même époque, il la considère même en avance sur son temps. Contrairement à une Corvette des mêmes années dotée elle aussi de l’injection, la puissance de la Roadster est livrée linéairement. En conduite plus dynamique, on ne la sent pas nécessairement légère, mais elle se place facilement et son comportement est très prévisible. Elle est parfaite pour des rallyes comme le Colorado Grand alors que sa puissance toujours disponible, son excellente tenue de route et ses freins solides l’avantagent.

Le 8 février 1963, la dernière 300 SL Roadster quitte les chaines d’assemblage. La série 300 SL avait apporté à Mercedes-Benz une image moderne et une réputation de maitrise technique indéniables. Cependant, ce prestige s’accompagnait d’un prix pour la marque de Stuttgart… En effet, ce n’est pas avec la 300 SL que Mercedes-Benz faisait des profits!

Mercedes n’a peut-être pas fait de profits avec cette voiture mais aujourd’hui, l’histoire est tout autre! Même si la plupart des gens ne sauraient reconnaitre une 300 SL Roadster dans la circulation, sa valeur dépasse facilement le million de dollars. C’est d’ailleurs le cas de la voiture qui fait l’objet de ce reportage. Pas mal pour un daily driver! En plus, alors que les coupés tenaient le haut du pavé il n’y a pas si longtemps, la valeur des roadster s’en approche de plus en plus. Un roadster, vendu à Amelia Island par RM Auctions, s’est envolé pour… 1 842 500 $!

L’auteur tient à remercier RM Classic Cars et particulièrement Katherine McFadden, Don McLellan, Greg Duckloe et le département de recherches.

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