Mclaughlin-Buick 1933: Le luxe sans l'ostentation

Publié le 30 avril 2014 dans Voitures anciennes par Alain Morin

Tout le monde connait la marque Buick. Par contre, très peu de gens connaissent McLaughlin-Buick. Avant de nous concentrer sur le modèle qui nous intéresse aujourd’hui, un peu d’histoire s’impose question de mieux l’apprécier dans quelques paragraphes.

L’Ontarien Robert McLaughlin avait trois fils, dont un qui se prénommait Sam et qui reviendra souvent dans cette histoire. Il y avait aussi George qui travaillait avec le paternel. Il y en avait un autre, John, qui inventera un jour le breuvage Canada Dry mais ça, c’est une autre histoire. Robert McLaughlin possédait une prospère entreprise de fabrication de carrioles. De carrioles de qualité devons-nous préciser. En 1892, il fait de George et de Sam ses partenaires. Sous leur direction, les affaires continuent de rouler rondement, ce qui est une bonne chose quand on est dans le domaine des carrioles.

Le jeune Sam McLaughlin voit poindre une menace pour son entreprise… l’automobile. Plutôt que de se battre contre ce nouvel ennemi, il décide de l’exploiter. C’est ainsi qu’au cours d’un voyage aux États-Unis pour en apprendre plus sur cette invention pour gens riches et fous, notre Canadien rencontre Billy Durant, propriétaire de la marque Buick. Les deux hommes s’entendent aussitôt, ce qui est plutôt rare avec Durant. Reste à Sam et son frère George de convaincre le patriarche qui a encore son mot à dire dans l’entreprise familiale. Ce qui semble-t-il fut réalisé, car un beau jour de 1907, Durant débarque chez les McLaughlin à Oshawa et signe avec eux une entente de 15 ans pour la fourniture de moteurs Buick à la toute récente McLaughlin Motor Car Company. Les McLaughlin, de leur côté, doivent créer la voiture qui ira autour du moteur. L’entente est bonne pour les McLaughlin mais aussi pour Durant qui, en produisant des voitures au Canada, peut les vendre dans le Commonwealth en étant moins taxé.

Les débuts de la General Motors du Canada

Au début de la production, les voitures portent le nom de McLaughlin-Buick. Entre 1916 et 1923, elles seront des McLaughlin uniquement. Puis, jusqu’en 1942, le nom McLaughlin-Buick en entier revient. Ensuite, les Buick ne seront que… des Buick!

En 1915, les McLaughlin entreprennent en sol canadien la production d’une autre marque américaine appartenant à Durant, Chevrolet. De là à dire qu’il s’agit des débuts de la General Motors du Canada, il n’y a qu’un pas que nous franchissons allègrement, tournant les coins de l’Histoire un peu ronds, question d’espace. Bref, à la fin 1918, La General Motors du Canada nait et Sam McLaughlin en est le président.

La production augmente rapidement à Oshawa. Oldsmobile, Oakland (précurseur de Pontiac), Cadillac, LaSalle, Marquette sont construites par la General Motors du Canada. Il faut d’autres usines pour tenir la cadence : St-Catharines et Walkerville s’ajoutent à celles d’Oshawa. En 1928, on compte 100 000 unités ontariennes, 104 198 l’année suivante. Puis, la Grande Dépression fait son œuvre : 55 000 véhicules en 1930, seulement 19 500 en 1932. Les ventes remontent très légèrement en 1933.

Évolution chez Buick

La McLaughlin-Buick que nous avons eu le privilège de photographier l’automne dernier date de cette période trouble. Il s’agit d’un Sedan Convertible Series 60 1933. Cette année-là, la Series 60 (en passant, on peut parler des différentes séries de Buick en utilisant le français – Série – ou la dénomination originale en anglais, Series), la Série 60 donc, comprend cinq modèles, le Sedan Convertible étant, de par son prix et ses caractéristiques techniques, supérieur aux autres.

Comme suite au dévoilement des révolutionnaires Graham en 1932, le style de plusieurs marques change. En 1933, chez Buick comme chez Graham l’année précédente, les ailes avant et arrière englobent davantage les roues. De même, les fausses ailes avant cachent mieux les éléments de la suspension. La hauteur totale est réduite de 2 ¼ pouces (5,7 cm), ce qui donne aux Buick 33 une apparence plus moderne. Toutefois, cet élément se remarque plus difficilement sur une décapotable que sur un modèle fermé. De plus, élément non négligeable, la grille de radiateur prend une forme de V plus aérodynamique. Lentement mais sûrement l’automobile se dirige vers une intégration de ses divers éléments dans une carrosserie de plus en plus dépourvue d’accessoires extérieurs. Dans moins de dix ans, les phares seront incorporés aux ailes, les ailes se fondront presque entièrement aux flancs, les coffres arrière seront de moins en moins des coffres même s’ils garderont toujours cette appellation et les pentures des portières seront cachées. 

Les Buick 1933 roulent sur un nouveau châssis plus résistant, s’accommodant fort bien des 97 chevaux à 3 200 tr/min du huit cylindres en ligne de 273 pouces cubes (272,6 pour être précis). La transmission est une manuelle à trois rapports synchronisés. À noter qu’il s’agit de la dernière année des engrenages de transmission droits. Dès l’an prochain, tous les modèles Buick auront droit aux engrenages à denture hélicoïdale.

Début de carrière en Alberta

La McLaughlin-Buick en vedette aujourd’hui appartient à Richard Coulombe, fin connaisseur de voitures anciennes qui possède aussi une Wills Sainte Clair et une Franklin. Sa McLaughlin-Buick, Richard Coulombe l’a trouvée à Calgary, chez son ami Georges M. Girard, un Franco-albertain. En fait, il était tombé amoureux de son style (on parle de la voiture…), et quand son ami est décédé en 2012, la fille de ce dernier a proposé la voiture au Québécois en premier. Et il n’a pas laissé passer l’offre!

Retour en 1933. Un certain Nielsen, un immigré danois de Calgary, avait décidé d’offrir des tours d’observation aux rares riches qui venaient en vacances à Banff, Jasper ou à Lake Louise. La compagnie Murray Hill offrait déjà ce service et pour les concurrencer, Nielsen avait besoin de quelque chose de classe… comme la McLaughlin-Buick Sedan Convertible Series 60 dont nous parlons aujourd’hui! L’anecdote veut que la présentation du Danois laissât à désirer et qu’il se serait fait éconduire de la salle d'exposition de McLaughlin-Buick… avant de sortir 3 200 $ comptant de la poche de sa salopette sale. Comme la voiture coutait 3 300 $, on imagine que le client fut soudainement traité avec tous les égards séants à son statut financier!

La McLaughlin-Buick de Richard Coulombe rappelle fièrement le passé glorieux de cette marque de luxe. D’ailleurs, les Buick de l’époque n’étaient-elles pas les voitures préférées des médecins ou des notaires qui voulaient profiter de leur statut et de leur fortune sans devoir se promener au volant d’une Cadillac trop ostentatoire?

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