Jaguar F-Type 2014: Beautés féroces

Publié le 1er janvier 2014 dans 2014 par Marc Lachapelle

Jaguar a commis quelques atrocités, frôlé la catastrophe à maintes reprises et mis un demi-siècle avant d’offrir à la merveilleuse E-Type des années soixante, une digne héritière. Une vraie sportive qui soit à la fois belle, puissante et parfaitement compétitive. Voici enfin la F-Type, un roadster – conjugué en trois versions distinctes – qui a vite fait de prouver que cette longue attente n’aura pas été vaine.

Il s’est passé plus d’un demi-siècle, en fait, depuis le dévoilement de la première E-Type au Salon de Genève édition 1961. Et près de quarante ans depuis que le constructeur britannique a cessé de la produire. Sublime de grâce et de beauté à son apparition, la Type E s’était allongée, alourdie et empâtée au fil des années. Victime de sa réussite, mais aussi des normes de sécurité et règles antipollution qui allaient étouffer l’automobile pendant plus d’une décennie.

Les ingénieurs et stylistes sont confrontés aujourd’hui à des contraintes toujours plus strictes, mais ils s’y adaptent constamment. C’est assurément le cas chez Jaguar qui vit une renaissance avec le soutien du conglomérat indien Tata. Les berlines XF et XJ récentes, dont le style marque une rupture libératrice avec la tradition, en sont la meilleure illustration. Surtout que leur conception technique, leurs performances et leur comportement sont à l’avenant. Or, la F-Type va encore plus loin.

Long chemin
Parmi les grandes sportives de Jaguar, la C-Type a marqué l’histoire de l’automobile en dominant les 24 Heures du Mans en 1953 équipée des premiers freins à disque. La superbe D-Type a récolté à sa suite trois autres victoires au Mans de 1955 à 1957. C’est toutefois comme voiture sport de série exceptionnellement belle, performante et abordable que la Type E fut marquante. On l’appela aussi XK-E à l’époque.

Si Jaguar ne lui a pas donné suite plus tôt, ce n’est pas faute d’avoir voulu ou essayé. Oublions les consternantes XJ-S, des voitures lourdes et bâclées, aux suspensions flasques, qui ont succédé à la Type E en 1975. La XK8, lancée en 1997, était plus convaincante avec son V8 tout neuf et très réussi. Certaines de ses descendantes sont impressionnantes, notamment la XK-RS et ses 550 chevaux, mais les XK sont essentiellement de puissantes grandtourisme, même avec une coque en aluminium. Pas de vraies sportives, quoi.

Jaguar a également présenté le prototype XK 180 au Mondial de Paris en 1998 et l’étude F-Type au Salon de Détroit en janvier 2000. Deux projets sans suite. Il fallut encore douze ans pour qu’apparaisse enfin un roadster F-Type prêt à être produit en série.

Résolument moderne
Rien de rétro dans les lignes de cette Type F dont la calandre en trapèze qui ressemble à celles des XF et XJ. Seul clin d’œil à la Type E : des feux arrière très minces qui rappellent les parechocs minimalistes de l’aïeule. La F-Type n’a pas les rondeurs de ses glorieuses ancêtres, sauf peut-être des ailes arrière qui évoquent le légendaire prototype XJ13 à moteur central. La coque de la F-Type est faite de pièces en aluminium moulé, coulé ou extrudé qui sont collées ou rivetées. Elle est plus rigide de 30 % aux points stratégiques que toute autre série de Jaguar.

La capote souple est plus légère qu’un toit rigide d’une douzaine de kilos et se replie en autant de secondes, jusqu’à 50 km/h. Les arceaux de protection réduisent aussi la masse de 7 kilos et abaissent encore le centre de gravité. Pour préserver les lignes profilées du coffre, un aileron arrière se soulève à 100 km/h pour réduire la portance et assurer du coup la stabilité.

Pour répartir les masses également entre les essieux, la batterie et même le réservoir de lave-glace sont montés dans un coffre qui est assez grand pour deux sacs à dos, guère plus. Avec un poids qui varie de 1 597 à 1 665 kilos selon le modèle, la F-Type n’est pas la plus légère des sportives. C’est qu’il lui fallait l’équipement, le confort et la sécurité qu’on attend d’une Jaguar, même sportive.

Clarté, simplicité et qualité
L’habitacle conçu pour le conducteur, c’est un refrain connu que Jaguar interprète avec rigueur et talent dans la Type F. Surtout pour la forme et la finition des boutons et commutateurs montés sur la console centrale. On a pris grand soin de les faire assez grands, de les espacer et de les fabriquer avec des métaux et plastiques de manipulation fort agréable. Voilà du travail bien fait.

Le dessin du tableau de bord est simple, presque dépouillé mais enveloppé de cuir comme à peu près tout le reste. Une grande nervure qui tient également lieu de poignée délimite clairement les espaces respectifs du pilote et du passager à droite de la console. Jaguar a été la pionnière des écrans tactiles et celui des F-Type est clair et brillant avec des menus bien conçus. Bravo aussi pour les trois grandes molettes de la climatisation et les buses d’aération qui s’élèvent automatiquement au-dessus de la planche de bord, au besoin. Les grands cadrans pourraient cependant être plus contrastés et mieux illuminés.

Les sièges sport optionnels se règlent facilement et dispensent confort et maintien en égales mesures. On se taille vite une bonne position de conduite et on l’enregistre aussitôt avec les boutons montés sur la portière. Au catalogue, un volant gainé de cuir avec une section plate au bas ou un autre dont la jante en alcantara est ronde et plus mince.

Si la F-Type est spacieuse pour une sportive, c’est qu’elle est plus large qu’une Audi R8, une Mercedes-Benz SL et même sa grande sœur, la XK décapotable. Avec ses porte-à-faux tronqués, la F est plus courte même que la Porsche 911, pourtant compacte.

Règle de trois
Les trois versions de la F-Type visent des rivales et des clients différents. Leurs moteurs à injection directe et calage variable des soupapes sont suralimentés par un compresseur à double hélice, technique que Jaguar maitrise parfaitement. Ils profitent aussi d’un coupe-moteur qui réduirait leur consommation de 5 %.

Les F-Type et F-Type S partagent un V6 de 3,0 litres qui fournit 335 chevaux à la première et 375 chevaux à la seconde grâce à une gestion électronique modifiée. Les deux affichent une paire d’embouts d’échappement jumelés au centre, comme la Type E. Le troisième modèle est la F-Type V8 S qui se reconnait à ses paires d’échappements montés de part et d’autre du parechoc arrière. Son V8 de 5,0 litres produit 488 chevaux et 460 lb-pi de couple à 2 500 tr/min.

Les versions S ont également des amortisseurs réglables et des freins avant plus grands pour les deux et plus grands encore à l’arrière sur la V8 S. Leur échappement « actif », particulièrement sonore, est en option sur la F-Type.

Une seule boite de vitesses automatique ZF pour les trois, dont les 8 rapports sont identiques. Les changements sont plus rapides, l’accélérateur plus vif, la direction et les amortisseurs plus fermes en mode sport (Dynamic Mode). En pleine accélération, en mode manuel, avec le sélecteur électronique à la console ou les manettes derrière le volant, les vitesses passent encore plus sec.

Les belles bêtes sont lâchées
En conduite, qualité de roulement et solidité sont sans reproche, même si les trois versions conduites roulaient sur les jantes de 20 pouces et les pneus à taille ultrabasse qui sont de série uniquement sur la V8 S. À rythme mesuré, les F-Type sont agréables et dociles. Capote baissée, les turbulences sont minimes mais le bruit assez présent sur l’autoroute.

C’est cependant par l’autre facette de leur personnalité que les F-Type jouent les envoûteuses. En poussant d’abord un grognement rauque aussitôt qu’on appuie sur le démarreur. Sur la route, elles attaquent les virages avec une belle férocité, qu’ils soient serrés, rapides, bosselés ou pas. On croit l’adhérence des roues avant sans limites et elles décrochent doucement lorsqu’elles approchent cette limite, sans crissement ou presque.

La servodirection hydraulique est précise et rapide, à défaut d’être riche en sensations. La V8 S est évidemment la plus délinquante mais ses accélérations plus intenses, rugissement à l’appui, se payent par une touche de roulis et des réactions un peu plus lourdes. Son freinage est toutefois exemplaire, à la fois puissant, constant et d’une endurance remarquable.

Vous ne rêvez pas, c’est bien d’une Jaguar dont il est question! Une Jaguar élégante, racée, performante et agile. Une Jaguar comme on n’en a pas vu depuis, disons, quelques décennies.

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