Porsche 918 Spyder – Laguna Seca dans une hybride de 887 ch

Publié le 27 août 2014 dans Premiers contacts par Marc Lachapelle

Accepteriez-vous de sauter du lit avant les camelots et de vous taper six heures de vol pour aller faire deux tours de piste dans une voiture à l’autre bout du continent? Si vous êtes comme nous, vous seriez debout à deux heures du matin pour des vols deux fois plus longs si la voiture en question était une Porsche 918 Spyder et qu’on vous invitait à la piloter sur le splendide circuit Laguna Seca, en Californie!

Si vous ne connaissez pas encore la 918 Spyder, sachez qu’elle est l’une des trois divas qui règnent actuellement sur le monde de l’automobile. Les deux autres sont cette Ferrari LaFerrari, au nom bizarre, et la McLaren P1. Trois hyper, méga, ultra-sportives à groupe propulseur hybride. Trois voitures produites à quelques centaines d’exemplaires et vendues pour au moins un million de dollars pièce.

Une lignée de pur-sang à moteur central

Porsche compte produire 918 copies de cette nouvelle sportive qui succède à la Carrera GT, produite de 2004 à 2007, dans ce créneau extrêmement sélect au sein de sa gamme. Comme la GT, la 918 Spyder est propulsée par un moteur installé en position centrale dans un châssis en fibre de carbone. Il s’agit d’un V8 de 4,6 litres dérivé très étroitement de celui qui a permis à Porsche de remporter trois titres en série ALMS, une victoire au général aux 12 Heures de Sebring et trois en catégorie LMP2 aux 24 Heures du Mans avec sa RS Spyder, plutôt qu’un gros V10 de 5,7 litres comme la Carrera GT.

Ce cœur de pur-sang fait galoper 608 chevaux pour la 918 Spyder, à un régime impressionnant de 9 150 tr/min, soit presque autant que les 612 chevaux de la GT. Il est toutefois appuyé par un premier moteur électrique de 156 chevaux couplé aux roues arrière et un autre de 129 chevaux qui entraine les roues avant séparément. La puissance totale est de 887 chevaux lorsque les trois moteurs tournent à fond, simultanément. C’est moins que les 903 chevaux de la McLaren P1 ou les 950 chevaux de l’italienne LaFerrari, mais la 918 Spyder est la seule des trois à offrir quatre roues motrices.

Cette occasion exceptionnelle de conduire la 918 Spyder, même très brièvement, se greffait à un programme conçu pour mettre en évidence les voitures à moteur central de Porsche. Elles qui se retrouvent hélas souvent dans l’ombre de cette icône à moteur arrière qu’est la 911. Nous avons surtout pu découvrir et conduire les versions GTS toutes nouvelles des Boxster et Cayman qui seront présentées dans un autre texte.

Porsche a eu l’excellente idée d’amener aussi quelques-unes des sportives à moteur central les plus brillantes qui ont jalonné son histoire. Des spécimens magnifiques de la 550 RSK (ou 718), de la 914/6-GT mais également de ce monstre sacré de la course automobile qu’est la 917, une voiture qui a brillé aux 24 Heures du Mans et dominé la spectaculaire série Can-Am au tournant des années 70. Mieux encore, on a eu droit en plus à la nouvelle 919 Hybrid qui a presque réussi l’exploit de battre la sœur rivale Audi à sa première tentative aux 24 Heures du Mans plus tôt cette année.

C’était quelque chose de voir alignées, côte à côte, les 917, 918 Spyder et 919 Hybrid. Et pas seulement pour la suite numérique de leurs appellations. La 918 Spyder a tout à fait sa place entre ces deux bêtes pour le rôle énorme qu’a eu le savoir-faire de Porsche en course dans sa conception. D’abord pour sa coque entièrement en fibre de carbone. Ensuite pour ses immenses freins en composés de céramique, sa suspension tout aluminium à roues arrière directrices et ses grandes roues de magnésium ultralégères.

Sportive écolo suprême

La 918 Spyder est quand même une vraie hybride rechargeable qui promet environ 30 kilomètres de propulsion électrique après une recharge de 7 heures avec une prise normale de 110 volts et seulement 2,5 heures avec une borne de 220/240 volts. C’est mieux qu’une Prius rechargeable, mais c’est un peu plus cher. Exactement 845 000 $ US pour la version courante et 929 000 $ US pour la version Weissach, plus légère de 41 kilos. On parle donc ici de 889 000 $ et 977 000 $ en huards, donc largement plus d’un million avec les taxes...

Une Prius ne peut certainement pas non plus boucler le 0-100 km/h en 6,2 secondes et rouler jusqu’à 150 km/h en mode purement électrique, comme la 918 Spyder. Avec tous ses moteurs, elle atteint 100 km/h en 2,6 secondes, 200 km/h en 7,2 secondes et 300 km/h en 19,9 secondes, avec une vitesse maxi de 345 km/h. Quant à la 918 Spyder version Weissach, c’est elle qui a réussi un chrono de 6m57s sur la fameuse boucle nord du Nürburgring soit 37 secondes de mieux que la Carrera GT.

Si l'on compare à l’occasion le circuit Laguna Seca au Nürburgring, c’est surtout à cause du célèbre virage surnommé Corkscrew (le tire-bouchon), un enchainement gauche-droite extrêmement serré, combiné à une descente qui équivaut à une chute de trois étages. Avec ses 11 virages et ses 3,6 km, le circuit californien est loin des 154 virages et 20,8 km du Nordschleife, mais c’est une joie à piloter avec ses virages rapides et lents, ses montées, ses descentes et cette plongée toujours excitante dans le Corkscrew.

Le programme est simple. D’abord une courte présentation technique où nous découvrons, en bord de piste, les principaux contrôles de la 918 Spyder. Surtout la petite molette entre les branches du volant qui permet de choisir entre les cinq modes de conduite. Comme le mannetino des Ferrari.

Une fois en piste, on doit suivre une 911 Turbo S sur deux tours. Une grande sportive de 550 chevaux à rouage intégral, pilotée dans mon cas par Hurley Haywood, trois fois vainqueur aux 24 Heures du Mans et toujours recordman aux 24 Heures de Daytona, avec cinq victoires. Une autre 911 Turbo est menée par David Donohue, fils du légendaire Mark Donohue et lui-même coureur et champion.

Bon sang mécanique ne sait mentir

Il faut cependant d’abord s’installer au volant. La 918 Spyder est longue, large et basse. Belle aussi. Sa silhouette est un croisement entre celles de la 911 et de la Carrera GT. La portière ouverte, la 918 me rappelle encore la GT que j’ai pilotée au circuit Waterford Hills il y a plusieurs années. La console est haute et dépouillée. Le tableau de bord affiche les cadrans et instruments essentiels. Rien de plus. Le seuil est assez large et il faut ramener le siège sculpté comme un baquet de course vers l’arrière – à la main sur une voiture d’un million – pour arriver à se glisser à bord. Le cockpit est plutôt étroit mais le volant gainé d’Alcantara est superbe et la position de conduite impeccable.

On nous suggère de démarrer en mode E-Power pour gouter à la propulsion électrique. Je veux bien, mais la 918 refuse de passer en mode D avec le petit levier à droite. Électronique oblige, la 918 est truffée d’ordinateurs et je dois couper le contact et relancer la machine entièrement, comme on doit le faire parfois avec un ordi. J’appuie sur le frein, ensuite sur le bouton du frein de stationnement électrique, je tire le petit levier du sélecteur vers la position D et c’est parti.

Je rattrape la 911 Turbo les oreilles pleines du sifflement prononcé du gros moteur électrique qui entraine les roues avant. Un silence relatif et musclé vite percé par le cri rauque du V8 qui s’éveille d’un coup. La batterie lithium-ion refroidie par liquide de 6,8 kWh qui fait grimper le poids de la 918 Spyder à près de deux tonnes (1 797 kg tous pleins faits) a rendu les derniers électrons accumulés pour l’instant.

Ça n’a pas d’importance puisque j’escamote le mode Hybride et fais pivoter la rondelle noire vers le mode S pour Sport où le V8 tourne continuellement et les moteurs électriques s’enclenchent sur commande. Je pousse du pied droit et en deux secondes, je me retrouve juste derrière la 911 Turbo à l’amorce du virage 3. Une courte ligne droite et je reste facilement dans le parechoc de Haywood qui roule à fond dans la 911 Turbo.

Après le quatrième virage, j’enfonce l’accélérateur et la Spyder bondit vers l’avant en hurlant. La 918 est la seule voiture de série dont les embouts d’échappement crachent leur chaleur vers le haut, sur le capot-moteur arrière. Question de réduire au maximum la chaleur dans le compartiment-moteur et favoriser d’autant le refroidissement de la grosse pile lithium-ion. Le son du V8 est cru, presque sauvage. Son ADN de pur-sang ne fait aucun doute. Mon sang ne fait qu’un tour, lui aussi.

Électrons libérés

La 918 avalerait cette pauvre 911 Turbo d’une seule bouchée si la puissance des freins n’était pas proportionnelle avec leurs étriers à six pistons devant et quatre derrière. Je me suis rappelé seulement par la suite que le V8 de cette bête est atmosphérique et que la poussée irrésistible est produite par deux moteurs électriques plutôt qu’une paire de turbos. Des moteurs qui portent le couple maximum combiné à 944 lb-pi. Le son et les sensations me rappellent d’ailleurs la McLaren Can-Am Edition, une authentique voiture de course à V8 biturbo, essayée sur piste il y a quelques mois. Y compris en virage où la 918 Spyder est imperturbable et encore loin de ses limites.

Pour mon deuxième tour, je fais pivoter le bouton noir vers le mode Race et c’est comme si la 918 s’éveillait une deuxième fois en rugissant. L’aileron arrière se dresse encore plus haut pour un maximum d’appui et les 7 rapports de la boite PDK à double embrayage passent encore plus net et sec, avec ou sans les manettes. Et le mode Hot Lap qu’on invoque en appuyant sur le bouton rouge au milieu de la molette de sélection et qui pousse tous les moteurs à fond? Déjà rivé au pare-chocs de la 911 Turbo, je n’y ai même pas pensé, très franchement.

De toute manière, son clignotant gauche s’est allumé juste après le virage Rainey. Il était déjà temps de rendre cette bête merveilleuse. Quelques heures de recharge et j’aurais pu m’éclipser discrètement en mode électrique pour filer ensuite sur la légendaire Route 1, sur le mode hybride, en consommant moins qu’une Honda Fit. Ils n’ont pas voulu.

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