Ford Maverick 1970: Ou l’offensive de Ford contre la voiture importée
Cet essai routier a été publié dans le Guide de l'auto 1970.
Vers la fin des années '50, le marché de la petite voiture européenne avait pris une telle importance en Amérique du Nord que les Américains décidèrent de riposter à cette invasion. C'est ce qui donna naissance à toute la série de "compactes" que nous connaissons aujourd'hui. Au début des années '60, cette "guerre à la voiture importée" s'avéra un succès et la vente des autos européennes diminua considérablement. Mais les Américains devaient succomber à leur propre folie des "grandeurs" et soudain tout était redevenu comme avant. D'année en année les "compactes" prenaient de l'embonpoint, si bien qu'elles ne pouvaient plus du tout rivaliser sur le plan dimension ou économie avec la voiture japonaise ou européenne.
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En 1968 les chiffres parlent d'eux-mêmes... La petite voiture importée reprend du poil de la bête. Elle constitué IO% du marché aux États-Unis (30% en Californie) et un peu plus de 15% au Canada, alors que les compactes ne constituent que 8% du parc automobile. Encore une fois, c'est le cri d'alarme à Detroit et les manufacturiers envisagent encore de détrôner les "étrangères". Il eût été si simple de conserver les dimensions originales des compactes. Mais comment voulez-vous annoncer un nouveau modèle américain sans dire... "plus grosse, plus longue, plus confortable", etc.? Detroit ne peut évidemment pas se permettre de négliger ce 10% du marché et passe à l'offensive. Tout comme à l'époque des compactes, c'est Ford qui prend les devants et qui, à la suite de longues études de marché, décide de présenter un nouveau modèle. La Falcon fut la première des voitures "compactes" et la nouvelle Maverick sera aussi la première à faire la lutte à Volkswagen et compagnie. C'est du moins ce qu'on pense chez Ford et ce qu'on nous a annoncé lors de la présentation officielle à la presse, de la Maverick aux usines de St. Thomas, en Ontario. Un digne représentant de Ford a d'abord expliqué aux journalistes présents (dont votre serviteur) pourquoi on avait mis en production cette nouvelle voiture. A l'aide de diapositives, on nous a longuement expliqué ce qu'avaient révélé des sondages effectués un peu partout en Amérique. On note tout de suite une démarcation très nette entre l'acheteur type d'une compacte et l'acheteur d'une voiture importée. Le premier est préoccupé par l'apparence, le confort et les performances, tandis que le deuxième porte son attention sur la durabilité, la construction et la conception technique. On remarque également une personnalité très différente chez les deux types d'acheteurs. Le propriétaire de la voiture compacte s'adonne à la pêche, la chasse et assiste aux parties de hockey et aux courses de "stock cars". Le conducteur de la voiture importée pratique le ski, le bateau à voile et préfère assister à des courses de voitures sport. Ce dernier a généralement un revenu supérieur à celui de l'acheteur d'une compacte. Bref, le petit "speech" du re¬présentant de Ford tend à nous faire croire que Ford s'est donné comme but de combiner les qualités de ses compactes actuelles à celles des voitures importées afin de rejoindre ce public un peu plus sophistiqué qui lui échappe.
On nous raconte enfin que la Maverick a demandé des investissements de l'ordre de 71 millions de dollars et que la plupart des voitures seront construites à St. Thomas à la cadence de 52 à l'heure. Nous brûlons d'impatience d'essayer ce petit chef-d'oeuvre, mais nous sommes quand même un peu sceptique lorsqu'on nous fait savoir que pour assurer à la nouvelle voiture une durabilité et un minimum d'entretien, on a largement utilisé dans sa fabrication des pièces éprouvées sur la Falcon et la Mustang. Comment peut-on concevoir une voiture selon la technique européenne en se servant d'une mécanique aussi conventionnelle que celle de la Falcon ? Autre déception quand on nous ap-prend qu'en fait, la Maverick n'est que de 5 po. plus courte qu'une Falcon. Ce n'est donc pas exactement une voiture de format européen. Elle pèse également 2,487 lb. contre 1,764 pour la Volks ... Mais les apparences sont souvent trompeuses. Attendons ... Après le dîner, on nous dévoile enfin la Maverick. Les femmes sont emballées. On a fait un véritable effort sur le plan des couleurs, autant à l'extérieur que dans la décoration intérieure. Il faut avouer également qu'elle a aussi une "belle gueule" avec son capot assez long et son arrière court de style "fastback".
AU VOLANT
La Maverick est jolie, d'accord… mais qu'est-ce que ça donne sur la route? Troisième phase de nos déceptions... Pour l'instant, 2 moteurs seulement sont disponibles : le 170 po. eu. (6 cyl.) de 105 C.V. et le 200 po. cu. (6 cyl.) de 120 C.V. Nous prenons d'abord le volant de la Maverick avec le moteur standard et la transmission à 3 vitesses avec levier sur la colonne de direction. Le passage des vitesses n'est pas particulièrement agréable, mais malgré une ligne sportive, la Maverick n'entend pas s'adresser à l'amateur de performances. Pas besoin d'ailleurs d'être expert en automobile pour s'en rendre compte. En 1ère vitesse la voiture accélère assez rapidement et laisse supposer d'honnêtes performan-ces malgré tout. En 2e on commence à se rendre compte que l'accélération n'est plus aussi brillante et en 3e c'est l'éva¬nouissement total. Là vraiment on a bien réussi à donner l'impression de conduire une Volkswagen. En poussant le moteur à fond on réussit à atteindre 60 m/h en 16.5 sec. en utilisant la 1ère et la 2e vitesse, mais la plupart des conducteurs n'auront pas le courage d'entendre le moteur gémir à ce point et choisiront de passer la 3e avant 60 Dans ce cas on met 21 sec. à atteindre la même vitesse. besoin d'ajouter que la réserve de puissance pour les passements fait grandement défaut. La Maverick avec moteur de 170 po. cu. a vraiment besoin d'une boite rapports si l'on veut obtenir des performances un peu catholiques. Elle n'est pas disponible malheureuses nous n'osons pas nous imaginer ce que ce serait avec transmission automatique. La direction est légère, mais également très lente avec 51/2 tours d'une butée à l'autre, servo-direction n'est pas nécessaire, et au crédit Maverick il faut souligner son excellent rayon de brui On peut faire un virage en "U" dans un espace relativement restreint.
Même si elle veut concurrencer la petite voiture importée et malgré qu'on nous ait annoncé que les acheteurs de genre de voiture étaient attirés par la conception technique, la Maverick ne possède pas de freins à disques. Toutefois nous devons avouer que les tambours s'acquittent bien leur tâche et que plusieurs arrêts successifs n'ont p aucune perte de puissance du système de freinage. Nous n'avons noté aucune déviation de la voiture en freinage brusque.
La tenue de route n'est pas mauvaise, mais un point est à revoir. À plus de 60 m/h la voiture dévie continuellement de sa trajectoire en ligne droite et demande de constantes corrections au volant. Avec le peu de puissance disponible il nous a été virtuellement impossible de faire déraper le train arrière, et c'est définitivement l'avant qui refuse passer quand on négocie un virage rapidement. Malgré pires acrobaties sur le terrain de stationnement de nous avons été incapable de perdre le contrôle de lavoiture. La même voiture avec moteur de 200 po. cu. que nous avons aussi essayée se contrôle quand même mieux et il est possible de faire "sortir" l'arrière quelque peu. La vitesse maximale avec le 170 po. cu. est d'environ 78 m/h, tandis que le moteur de 200 permet un foudroyant 90 m/h et de meilleures reprises au-dessus de 50 m/h.
La Maverick à moteur de 200 po. eu. et transmission malique à 3 vitesses nous a semblé le meilleur achat possible, mais cela nous éloigne évidemment du prix original de $2,375 et nous amène plus près des compactes. C'est donc dire que dans sa forme standard la voiture offre peu d’attrait.
Côté carrosserie, mentionnons que la visibilité arrière très réduite en raison de l'inclinaison du toit. Il n'y a pas coffre à gants, mais plutôt une sorte de planche de bord que l’on retrouve sur plusieurs voitures européennes. Celle-ci n'est toutefois pas assez profonde pour être vraiment utile, car elle accepte tout juste un paquet de cigarettes. Les instruments se limitent à des témoins lumineux, mais l'indicateur de vitesse est calibré jusqu'à 120, ce qui laisse présager un moteur V-8 sous le capot pour bientôt. Il y a d'ailleurs beaucoup d'espace à cet endroit pour loger plus gros moteur. En d'autres termes, le prix va monter et petit à petit avec les nombreuses options qui viendront ajouter, et nous sommes prêt à parier que la carrosserie va grossir d'une année à l'autre, de sorte qu'on risque de se retrouver une fois de plus au même point.
La Maverick actuelle offre une bonne position de conduite et certains accessoires comme le cendrier et la radio sont bien groupés près du conducteur. C'est selon nous 4 places, car l'arrière n'apparaît pas assez spacieux pour 3 personnes. L'espace est toutefois très convenable et même plus généreux que sur certaines sportives. La malle est aussi de bonnes dimensions. Les vitres à l'arrière s'ou¬vrent en poussant vers l'extérieur comme sur plusieurs toitures importées. Comme sur ces dernières également on ne trouve pas de ressort pour tenir en place le capot avant, mais une tige peu pratique. La finition ne casse rien non et nous avons remarqué un gondolage prononcé sur la garniture en cuirette autour des vitres. En somme, si l'on veut nous faire croire que La Maverick est une voiture de conception européenne, c'est de l'imposture pure et simple. La Maverick ne correspond pas du tout à l'image qu'on a voulu nous en faire, c'est-à-dire une voiture américaine d'une conception technique nouvelle et quasi révolutionnaire. C'est une autre voiture américaine avec les mêmes défauts et les mêmes qualités. Elle n'a ni le format, ni la finition, ni la technique, ni même le prix d'une petite voiture importée, même si l'on assure qu'elle peut faire 27 milles au gallon. Si l'on veut faire la guerre à Volkswagen, on est parti du mauvais pied, car la Maverick nous apparaît beaucoup plus comme une rivale de la Chevy 2. La Maverick est plutôt, selon nous, une compacte ramenée aux dimensions de 1960, que la première vraie petite voiture américaine.
FICHE TECHNIQUE
Marque: Ford
Modèle: Maverick
Moteur : Avant, 6 cyl. de 200 po. eu.
Puissance : 120 C.V. à 4,200 t m
Transmission : Automatique à 3 vitesses
Freins: A tambours
Pneus : 6.00. 13 Empattement : 103 po.
Longueur : 179.4 po. Largeur : 70.6 po. Hauteur • 52.3 po. Poids 2,487 lb. Prix $2,375.
TABLEAU DES PERFORMANCES
Accélération: 0-60 : 16 sec.
Vitesse maximale : 90 m/h
Consommation moyenne : 20 milles au gallon
Meilleur tour au circuit Mont-Tremblant : 2 min. 39 sec.
Distance d'arrêt à 60 m/h : 159 pi.
Voiture d'essai : Gracieuseté de Ford Canada, Oakville, Ontario