Le match des étoiles: Trois grandes sportives s'affrontent

Publié le 8 juillet 2015 dans Matchs comparatifs par Marc Lachapelle

- Tel que publié dans le Guide de l'auto 2015 -

La Corvette Stingray a fait une entrée spectaculaire l’an dernier pour lancer en beauté la septième génération de cette grande sportive américaine. Révélation et vedette incontestée du Salon de Detroit, la Stingray a collectionné ensuite les prix et les honneurs. Y compris le titre de Voiture nord-américaine de l’année. Il nous fallait maintenant vérifier sérieusement les ambitions de cette nouvelle Corvette en la confrontant aux meilleures voitures sport actuelles dans un des matchs comparatifs dont le Guide de l’auto a le secret. La Stingray s’est donc mesurée à la Porsche 911, autre grand classique, et à une redoutable nouvelle venue qui porte également un nom légendaire : la Jaguar F-Type Coupé R. Ces trois sportives d’exception se sont affrontées au circuit ICAR et sur une boucle de plus de 400 kilomètres, à la faveur d’épreuves et d’essais fascinants dont nous vous présentons les résultats dans les pages qui suivent. 
 
La Porsche 911 abordait ce nouveau match de sportives comme tenante du titre, en quelque sorte. Renouvelée entièrement pour son 50e anniversaire il y a deux ans, elle avait alors devancé nettement les Audi TT-RS et Mercedes-Benz SL 550 au terme d’un match dans le Guide de l’auto édition 2013. La voiture fétiche du constructeur de Zuffenhausen se pointait cette fois-ci en version Carrera 4 S à rouage intégral. Une des trois variantes présentées depuis le lancement de ce classique qui en est, comme la Corvette, à sa septième génération. Notre voiture d’essai était dotée de la boîte de vitesses PDK à double embrayage automatisé de 7 rapports pour transmettre les 400 chevaux de son six cylindres à plat de 3,8 litres à ses roues d’alliage de 20 pouces, chaussées de pneus Pirelli P Zero. À ces options s’ajoutaient, entre autres, la suspension réglable, des sièges sport, le groupe Sport Chrono et une chaîne audio Bose qui ont fait de la 911 la voiture la plus chère du trio, par une bonne marge. 

La première de ses rivales est britannique et provient d’une marque et d’une lignée célèbres. Elle n’a pourtant rien de sage ou de conservateur. La Jaguar F-Type Coupé est même la plus nouvelle des trois puisqu’elle nous arrive un an après la F-Type décapotable. Le coupé complète ainsi, avec splendeur, une série que Jaguar présente comme l’interprétation moderne de sa sublime E-Type, qui fut toujours produite en coupé et décapotable. Les F-Type Coupé sont construits, eux aussi, entièrement en aluminium et leur structure est plus rigide que celle des décapotables de 80 %, selon ses créateurs. De quoi soigner leur tenue de route et harnacher les 543 (SAE) chevaux que génère le V8 de 5,0 litres surcompressé du Coupé R de notre match, soit une cinquantaine de plus que celui de la décapotable V8 S qui est néanmoins plus lourde d’une quinzaine de kilos. Il y avait du cuir partout dans l’habitacle déjà cossu de la belle Jaguar, grâce à deux groupes optionnels qui ajoutent quelques milliers de dollars à la note, sans parler du toit vitré panoramique. Pas étonnant que la voiture la plus puissante du match soit aussi la plus lourde, malgré sa coque en aluminium. 

Dans la Corvette Stingray, c’est le châssis qui est maintenant fabriqué entièrement en aluminium. Parce que la carrosserie est en matériaux composites, comme toujours pour cette grande sportive américaine. La fibre de verre des débuts a été remplacée par des polymères modernes et c’est de la fibre de carbone pour le capot et le panneau de toit amovible. La Stingray est propulsée par un V8 à culbuteurs de 6,2 litres LT1 qui profite de l’injection directe, du calage variable des soupapes et même de la cylindrée variable qui le transforme carrément en V4 à vitesse constante. La nôtre était équipée du groupe Z51, une aubaine absolue et incontournable qui ajoute des roues plus grandes, la lubrification du V8 par carter sec, un échappement variable qui augmente puissance et couple, des rotors avant plus grands pour les freins Brembo et un différentiel électronique avec refroidisseur intégré en plus d’un becquet avant et d’un aileron arrière. Ouf ! Elle avait aussi les excellents amortisseurs à variation magnétique mais nous aurions volontiers troqué ses jantes chromées, vestiges d’un folklore dépassé, pour les jantes noires ou « titane ». Parce que, croyez-nous, cette Stingray est une sportive parfaitement moderne, sérieuse et raffinée. 

Après avoir complété nos mesures d’accélération, de reprises et de freinage, nous sommes passés au circuit ICAR à Mirabel pour évaluer pleinement la tenue de route de nos trois aspirantes en toute sécurité et inscrire des chronos de référence pour les départager. Le lendemain, nous avons parcouru 425 kilomètres sur un écheveau extrêmement varié de routes des Cantons de l’Est qui sont certainement parmi les plus belles et intéressantes au Québec. Il y avait de tout : descentes sinueuses, longues montées, courbes de tous les rayons imaginables, sections lisses et droites ou chaussées raboteuses, truffées de fentes et semées de trous. Aux commandes de nos trois sportives, un groupe d’essayeurs expérimentés qui se sont régalés, même sous la pluie, dans ces voitures d’une qualité rare. Place aux résultats, à l’analyse et aux conclusions de ce match exceptionnel. 

1re: Chevrolet Corvette Stingray 

Pointage: 347,56 points
Prix de la version essayée: 78 840$ 

C’est Zora qui serait content 

Vous pouvez mettre les vieilles blagues au recyclage. La Corvette est maintenant une sportive de calibre mondial qui peut affronter les étalons des grandes marques sans le moindre complexe. 

Elle l’a prouvé avec panache, sur le circuit et sur la route, durant ce match fascinant. C’est l’ingénieur Zora Arkus-Duntov qui a fait de la Corvette une vraie sportive au tournant des années 60. Il serait ravi de voir et conduire cette Stingray qui amorce la septième génération d’une véritable icône américaine. S’il est difficile d’en tirer les meilleures accélérations en départ arrêté avec la boîte manuelle, la Corvette a par contre inscrit la plus courte distance au freinage à 100 km/h. Elle s’est ensuite imposée sur le circuit grâce à son équilibre exceptionnel, au muscle rageur de son gros V8 et à ce freinage signé Brembo dont la puissance et l’endurance sont remarquables. La Stingray a inscrit un chrono de 53,84 secondes, soit 2,25 secondes de mieux que ses rivales, un avantage inouï sur un tracé aussi court. Ses sièges sont infiniment meilleurs, mais certains auraient préféré les baquets de compétition (une option de 2 095 $) qui sont encore plus sculptés, pour un meilleur maintien en courbe. Parce que la nouvelle Corvette n’impose aucun autre sacrifice pour livrer une telle performance. 

Elle n’a effectivement cessé d’étonner et d’impressionner sur la route par son confort, sa civilité et un amalgame convaincant de douceur et de silence de roulement. Elle fut même presque aussi frugale que la Porsche malgré les 6,2 litres de son V8 et l’absence d’un mode d’arrêt automatique. La Stingray a obtenu les meilleures notes pour son tableau de bord, ses affichages, l’intégration et l’efficacité de ses systèmes, ses rangements commodes et le coffre le plus vaste où se range facilement le panneau de toit amovible. Bref, l’américaine offre plus de presque toute chose, à prix radicalement moindre. En vraie championne qu’elle est. 

2e: Porsche 911 Carrera 4S 

Pointage:341,51 points
Prix de la version essayée: 140 405$ 

Noblesse et raison obligent 

En se fiant uniquement aux chiffres, on pouvait croire que la Porsche 911 aurait du mal à défendre son titre face à des rivales aussi musclées. C’était compter sans le raffinement de sa mécanique, sans un équilibre et une stabilité exemplaires — sur un circuit comme sur la route — et sans une visibilité et une solidité du même calibre. 

La Carrera 4 S (C4 S pour les intimes) a d’ailleurs devancé ses deux rivales sur les 21 points d’évaluation du match et coiffé de peu la Corvette au classement brut pour toutes ces qualités. C’est la pondération pour son prix qui lui a coûté une autre victoire, par quelques points seulement. Sa silhouette, classique ou intemporelle pour les uns, immortelle pour Jacques Duval qui « fréquente » la Porsche 911 depuis un demi-siècle, n’enflamme plus autant les passions. Tous ont par contre été impressionnés autant par son agilité et la qualité de son comportement que par la finesse et la précision d’une servodirection électrique qui n’est jamais affectée par le couple acheminé aux roues avant. Le volant sport gainé de cuir lisse ne fait qu’ajouter au plaisir, tout comme les cinq cadrans entrelacés typiques de la 911, impeccablement clairs et utiles. Nos essayeurs ont beaucoup moins apprécié la tonne de minuscules boutons qu’il faut déchiffrer et manipuler pour régler la climatisation, au bas de la console. Ils ont toutefois pardonné à la C4S son roulement ferme, ses réactions sèches sur les fentes et un bruit de roulement proportionnel à la rugosité du bitume en songeant au hurlement de son six cylindres en pleine accélération, à plus de 7 000 tours/minute, modulé du bout des doigts grâce à une boîte de vitesse PDK remarquablement précise et rapide. Comme le dit Claude Carrière, la 911 est « le choix des cartésiens » qui auront peut-être la patience de laisser la dépréciation faire son oeuvre, lentement, à défaut de pouvoir se l’offrir dès maintenant.  

3e: Jaguar F-Type Coupé R 

Pointage: 337,08 points
Prix de la version essayée: 119 193$ 

La belle est une bête

Cette Jaguar vous accroche d’abord par les yeux, avec sa silhouette fuselée et la rondeur exquise de ses ailes arrière. C’est ensuite par les oreilles qu’elle se glisse en vous lorsque vous appuyez sur le bouton doré et que son V8 de 543 (SAE) chevaux s’éveille en crachant un rugissement rauque par ses échappements inoxydables. Mais c’est finalement aux tripes et au plexus qu’elle vous saisit dès que vous enfoncez sérieusement l’accélérateur une première fois. 

Le plaisir est viscéral, irrésistible, indescriptible. Et il se prolonge à volonté si une route sinueuse et dégagée se déroule devant elle. La F-Type Coupé R a été jugée la plus belle de ce match, dehors comme dedans. Et l’équipe du chef styliste Ian Callum n’a pas raté son coup pour l’habitacle non plus, à en juger par les notes accordées pour la qualité de la finition et des matériaux. Nos essayeurs ont également apprécié l’ergonomie des commandes et le silence louable qui règne à bord. Sauf pour le bruit de vent autour de ses gros rétroviseurs extérieurs dont le gauche bloque d’ailleurs sérieusement la vue du pilote sur le point de corde. La ligne de toit fuyante et la lunette très inclinées n’aident pas non plus la visibilité vers l’arrière. Si la Coupé R a facilement largué ses rivales en accélération, elle a montré ses limites sur le circuit. Son surpoids de deux cents kilos, par rapport à la Porsche 911, produit un roulis que tous ont noté. Son pilotage est également délicat avec tout ce couple qui déferle aux roues arrière. De toute manière, l’attrait du fauve ne se mesure pas bêtement en chiffres. Une fois leurs notes remises et leurs commentaires soumis, c’est effectivement la Jaguar que nos essayeurs ont préférée, en majorité, dans leur classement personnel. Une affaire de sensations, de séduction ou de pure passion. En ajoutant confort, aplomb, performance et raffinement, le compte est bon.  

Trois gagnantes, une championne 

Trois grandes sportives au sommet de leur forme. Deux héritières parfaitement dignes de leur lignée et une troisième qui fait revivre l’esprit d’un grand classique dans la plus pure modernité. Après des heures à mesurer leurs performances avec rigueur, après une journée au circuit ICAR à explorer leur comportement à la limite, après des centaines de kilomètres de conduite et une soigneuse compilation des notes accordées, elles se sont retrouvées presque nez à nez au classement final. 

Vous verrez, en examinant le tableau de pointage, que la Porsche 911 Carrera 4 S a devancé la Corvette Stingray d’un maigre 1,73 point au pointage brut et que la Jaguar F-Type Coupé R est seulement 3,73 points derrière. Des marges infimes, sinon microscopiques, sur un total possible de 500 points. Et lorsqu’on applique le facteur de pondération pour le prix, le même qui est utilisé pour les prix annuels de l’AJAC, l’écart entre les trois n’est encore que de 6,05 points. Cette fois, par contre, il est à l’avantage de la Corvette dont le prix est nettement inférieur. L’écart est quand même de 40 353 $ avec la Jaguar et de 61 565 $ avec la Porsche. 

La nouvelle Stingray qui chauffe de si près la Porsche 911 et devance légèrement la Jaguar F-Type en comparaison directe, c’est déjà un exploit. D’autant plus que ses performances exceptionnelles ne sont plus livrées au détriment du confort ou du raffinement. Qu’elle réussisse à le faire à un prix aussi intéressant par rapport à ses rivales, c’est carrément remarquable. Surtout que Chevrolet affirme dégager un profit sur chacune des voitures produites à l’usine de Bowling Green dans le Kentucky. La victoire finale de cette nouvelle Corvette, dans notre match des étoiles, est pleinement méritée. Reste à voir comment elle subira le passage du temps avec les quelques peccadilles d’assemblage et de finition qu’ont remarquées nos essayeurs. 

La longévité n’est certainement pas un problème pour la Porsche 911 dont c’est une des forces. Tout comme une valeur de revente élevée qui compense un prix vraiment corsé et le coût épicé des options. La Carrera 4 S est la plus facile à vivre au quotidien. La plus polyvalente aussi, avec un rouage intégral qui se moque des conditions routières et ne rechigne aucunement sur un circuit. C’est le couteau suisse du trio, comme l’a noté Claude Carrière. Une voiture robuste qui ne craint ni la route ni la piste, été comme hiver. Sa conduite est également la plus fine de ce trio et son comportement sûr met en confiance. On se glisse dans la 911 comme on enfile un gant avec des sièges sport qui vous enveloppent et vous tiennent en place impeccablement, pour la bagatelle de 3 360 $. Le volant sport gainé de cuir est superbe, les commandes sont précises, les cadrans clairs et nets. La Carrera 4 S est par contre la moins douée des trois pour les longs trajets avec un bruit de roulement qui peut devenir agaçant et une suspension encore allergique aux lézardes et autres joints de dilatation qui foisonnent sur nos routes. 

La Jaguar F-Type Coupé R est à la fois reine de beauté et bête féroce. Elle se transforme de voiture grand tourisme cossue en un missile terrestre redoutable en activant le mode Dynamique, en plaçant le sélecteur de la boîte automatique en mode Sport et en appuyant sur l’accélérateur. Son V8 est comme un cœur de dragon qui fait tout sauf cracher le feu. Le chant des quatre échappements est hallucinant et la poussée incroyable, avec ce différentiel autobloquant électronique remarquablement efficace. Chose certaine, il faut une mécanique d’exception pour éclipser des références comme le V8 costaud de la Corvette et le légendaire moteur boxer de la 911 qui sont pourtant meilleurs que jamais. La F-Type est la plus large, spacieuse et confortable de ce trio, et sur la route, son aplomb et la solidité de sa carrosserie impressionnent. Sur chaussée rugueuse ou bosselée, le roulement est ferme, jamais sec, et on n’entend jamais le moindre craquement. Aimer la belle anglaise, c’est toutefois se rappeler qu’elle apprécie moins les circuits que ses rivales. Ses kilos en plus sont la rançon probable du confort, de l’élégance et du raffinement. 

Le portrait est complet. D’un côté, deux européennes racées au caractère tranché, presque opposé. Chacune a ses forces, ses préférences, ses spécialités et ses envers. Face à elles, on retrouve une grande sportive américaine qui sait tout faire pour beaucoup moins cher, toujours avec brio. C’est notre championne. 

Merci à nos essayeurs: Claude Carrière, Jacques Duval, Théo De Guire-Lachapelle, Alexandre Langlois et Michel Sallenbach. 

Merci à Éliane Gilain, Jean-François Ménard-Boissonneault et toute l’équipe du Circuit ICAR pour leur accueil et leur aide précieuse dans la réalisation de ce match.

Circuit ICAR 

12800, Henri-Fabre
Mirabel (Québec) J7N 0A6
Téléphone : 514 955-ICAR (4227)
Web : www.circuiticar.com
Courriel : info@circuiticar.com 

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