Stanley Steamer, l'eau et le feu
La révolution industrielle qui a changé la face du monde durant les années 1800 a été rendue possible grâce à la maîtrise de la vapeur. Le principe de fonctionnement est fort simple : On fait bouillir de l’eau et la vapeur ainsi dégagée est canalisée vers une machine qui sert, par exemple, à évacuer l’eau des mines ou le minerai lui-même. En fait, déjà au début du XIXème siècle, les applications sont nombreuses. On associe rapidement la vapeur aux bateaux, qui n’attendaient qu’une source d’énergie facilement maîtrisable pour devenirs immenses, et à l’industrie ferroviaire naissante. La première automobile à jamais avoir roulé, le fardier de Cugnot, est mue par la vapeur. Alors que, vers la fin des années 1800, l’automobile se développe de plus en plus, il est naturel de faire appel à la vapeur comme source d’énergie. En 1900, pas moins de 125 manufacturiers américains fabriquent des voitures mues par la vapeur.
C’est ainsi que les jumeaux Francis Edgar et Freelan Stanley fabriquent leur première voiture en 1897 après avoir vendu, à gros prix, leur entreprise de fabrication de plaques photographiques à Eastman Kodak. Dès lors, les frères Stanley vendent les droits de cette voiture à Locomobile. Deux années plus tard, flairant la bonne affaire, les jumeaux reviennent sur le marché de la voiture à vapeur mais cette fois, ils persévèrent et donnent leur nom à l’entreprise. En 1901, donc, débute l’odyssée des Stanley, mieux connues sous le nom Steamer à Newton dans le Massachussetts.
Une Stanley Steamer près de chez vous!
Don Darlington de Carignan, possède une Stanley 1910, modèle Gentleman’s Speedy Roadster. Cette voiture n’a jamais été restaurée et son histoire mérite au moins un paragraphe! Don avait souvent entendu parler d’un "steamer" qui était caché quelque part sur la Rive-Sud. Et cette voiture, il l’a cherchée durant plus de 20 ans, sans succès. Un jour, il reçoit un appel d’un ami qui, prenant un verre dans un bar de Knoltown , en Estrie, avait entendu des gens parler d’un "steamer" qui allait être vendu d’ici quelques jours à des Californiens. Comble de chance, cet ami avait même entendu le nom du propriétaire actuel de la voiture tant recherchée. Il téléphone sur le champ à Don qui va immédiatement voir le propriétaire en question. L’homme ne veut absolument pas vendre la voiture à Don Darlington puisqu’elle est déjà promise à des Américains. Mais l’odeur de l’argent, vous savez…
La Stanley arrive enfin chez Don… Mais il lui faudra plus de six mois pour apprendre le fonctionnement particulier d’un véhicule à vapeur. Aussi surprenant que cela puisse paraître, il faut trois ingrédients pour faire avancer le véhicule. De l’eau bien entendu mais aussi de l’essence (ou n’importe quoi qui brûle, en fait) et du propane. L’essence est injectée à très forte pression dans un filet de propane, créant ainsi une flamme vive qui vient chauffer la chaudière, située sous le capot avant. La pression générée par la vapeur qui sort de la chaudière est alors canalisée vers un moteur. Et contrairement à ce qu’on serait porté à croire, la consommation d’essence est très élevée. L’efficacité énergétique n’avait pas encore fait son apparition en 1910! En conduite normale, le réservoir d’eau se vide tous les 15 à 30 milles, ce qui signifie qu’il faut souvent faire le plein. Et il y a un autre "mais" : il faut au moins une demi-heure de "chauffage" avant de pouvoir prendre la route… À l’époque, par contre, bien des gens préfèrent un véhicule à vapeur, moins dangereux à mettre en route que les moteurs à essence dont il faut manipuler la redoutable manivelle.
Un moteur peu conventionnel
Ce moteur, peu conventionnel, s’avère d’une simplicité technique désarmante. Celui d’une Stanley comporte seulement deux cylindres. Le moteur de la Stanley de M. Darlington développe l’équivalent de 20 chevaux, ce qui est suffisant (selon les normes de l’époque bien entendu!) pour déplacer les 1800 livres (seulement 816 kilos) du véhicule fait principalement de bois. Contrairement aux voitures mues par un moteur à combustion interne qui doit constamment créer de la puissance, une voiture fonctionnant à la vapeur possède toujours une réserve de puissance dans la chaudière. On peut donc dire de ce moteur qu’il est à combustion externe. Avec ce type d’énergie, nul besoin d’embrayage ou de transmission. Le couple maximum est disponible dès que la voiture se met en route. Pour rouler, il suffit de déplacer le levier placé sous le volant vers le haut pour accélérer et vers le bas pour ralentir. On retrouve aussi une pédale de frein, freins dont l’efficacité s’avère très douteuse! Sur la route, le silence de fonctionnement étonne. Outre le "tchick-tchick-tchick" caractéristique de la vapeur (rappelez-vous les trains des films western), aucun bruit n’émane de la voiture. Et le moteur se montre aussi silencieux que doux. Fait à noter, de par leur configuration technique, les véhicules à vapeur sont très performants. D’ailleurs, plusieurs Stanley ont battu des records de vitesse au fil des ans.
La vapeur perd de la valeur...
En 1917, les frères Stanley vendent leur prospère entreprise à Presscott Warren qui la maintiendra en vie jusqu’en 1924. Vers le milieu des années ’10, l’utilisation du démarreur électrique se généralise, facilitant énormément la vie des conducteurs. De plus, Henry Ford vend ses voitures à un prix dérisoire, comparativement aux Stanley qui demandent un prix très élevé. Ces deux événements viendront mettre un terme aux voitures à vapeur.
Comme celle de Jay Leno!
Aujourd’hui, les Stanley sont des voitures très recherchées par les collectionneurs, surtout d’origine américaine. Le célèbre animateur Jay Leno en possède plusieurs dont une identique à celle que nous vous avons présenté aujourd’hui. À une époque où les moteurs hybrides ou fonctionnant au diesel (ou au biodiesel ou à l’hydrogène) semblent l’avenir, la Stanley Steamer et plusieurs autres marques ayant utilisé la vapeur ou l’électricité nous rappellent qu’il y a bien longtemps, les sources d’énergies aussi différaient.