Audi R15 -Des débuts prometteurs à Sebring
La division « Motorsport » de Audi s'est présentée à la piste de course de Sebring en Floride avec une toute nouvelle voiture, la R15. Celle-ci vient succéder aux légendaires R8 et R10 qui ont dominé les courses d'endurance au cours de la dernière décennie. Mais la dernière course des 24 Heures du Mans avait prouvé aux dirigeants de Audi que même s'ils avaient remporté l'épreuve mansoise, les Peugeot 908, elles aussi à moteur diesel, étaient devenues trop rapides pour la R10.
Les ingénieurs d'Ingolstadt ont donc commencé leur travail de planification dès le mois de juillet 2008 afin développer un successeur de la R10. Huit mois plus tard, la R15 était dévoilée à la presse. Même si Audi a dominé les courses d'endurance des 12 Heures de Sebring et des 24 Heures du Mans au cours de la dernière décennie, c'est non sans appréhension que l'équipe s'est présentée à la piste américaine. En effet, contrairement à Peugeot, l'adversaire numéro un, qui a surtout amélioré sa 908, Audi a conçu et fabriqué une toute nouvelle voiture, un nouveau moteur et n'avait pas tellement eu le temps d'effectuer des essais hivernaux sur cette nouvelle venue.
Nouveau, nouveau
Si la R10 était un modèle évolutif de la légendaire R10 et doté d'un moteur diesel V12, la R15 est toute nouvelle. C'est d'ailleurs facile de s'en convaincre juste à regarder la partie avant de la voiture. Alors qu'auparavant on avait joué de finesse avec un museau avant effilé surplombant un plancher bouchant les espaces entre les éléments, cette fois-ci, le nez est obtus et garni d'ouvertures béantes. Cette nouvelle approche a été décidée par les ingénieurs en aérodynamique afin d'utiliser le flot d'air de façon plus efficace afin d'optimiser la pénétration dans l'air et l'adhérence au sol. Pour respecter les nouveaux règlements des 24 Heures du Mans, l'aileron arrière a été rapetissé. Mais dans le but de conserver la même efficacité qu'auparavant, les tuyaux d'échappement sont dirigés vers cet aileron. Détail intéressant, les feux arrière de nuit sont intégrés dans les supports de l'aileron. Il s'agit d'une série de minuscules LED placés sur le tranchant du support. C'est très joli la nuit, mas ça me semble très onéreux à produire. Et comme tout ce qui concerne cette voiture, l'exécution est impeccable.
Afin d'augmenter la stabilité à haute vitesse en ligne droite, l'empattement a été allongé tandis que les éléments de suspension sont placés un peu plus haut que sur la R10 afin d'optimiser la maniabilité. Les roues sont davantage placées vers l'intérieur toujours dans le but de favoriser l'écoulement d'air latéral. Par contre, des fentes de ventilation placées sur la partie supérieure du puits de roue ont été spécialement dessinées afin d'optimiser l'évacuation de l'air chaud. Bref, les ingénieurs ont fait appel à leur grande expérience de la course d'endurance pour peaufiner une voiture fort raffinée. Et ils n'avaient pas le choix d'exceller puisque la Peugeot 908 est une voiture d'exception très rapide et propulsée elle-aussi par un moteur diesel.
À propos de moteur, les ingénieurs d'Ingolstadt ont décidé d'abandonner leur moteur V12 qui avait connu pourtant tant de succès pour le remplacer par un moteur V10 de même cylindrée, 5,5 litres, et dont le turbo est de pression moindre, ceci afin de respecter les nouveaux règlements de l'Automobile Club de l'Ouest, le club organisateur des 24 Heures du Mans. Selon les ingénieurs rencontrés lors du dévoilement de cette voiture avant les 12 Heures de Sebring, ce moteur plus court et plus léger permet d'être logé de façon plus efficace dans le châssis. En plus, sa consommation de carburant devrait être meilleure de même que le rendement du moteur. Comme sur le modèle précédent, la transmission est à cinq vitesses. Cela peut en surprendre plusieurs, mais puisque le couple de ce moteur est de plus de 700 lb-pi, des rapports supplémentaires ne sont pas nécessaires. On a préféré rendre les engrenages plus costauds afin de pouvoir mieux gérer le couple incroyable produit par le moteur.
In Extrémis
Après la course, les responsables de Audi nous ont avoué qu'ils ne savaient pas trop s'attendre de cette course. Leur objectif premier était de mettre à l'épreuve cette nouvelle voiture qu'ils n'avaient pas eu le temps de tester suffisamment à leur goût au cours de la période hivernale car la température en Europe a été assez inclémente et la voiture n'avait jamais roulé à une température de plus de 15 degrés Centigrade. Il est certain que ces gens espéraient une victoire, mais l'objectif premier était d'effectuer un méga test de mise au point avant de se présenter aux 24 Heures du Mans en juin prochain.
La voiture Audi numéro 2 pilotée par Alan McNish était en deuxième position sur la ligne de départ, mais c'est l'Acura numéro 66 de Gil de Ferran qui était en position de tête, le résultat de l'annulation de la séance de qualification après que la Peugeot pilotée par Sebastien Bourdais ait fait une embardée et causé le déploiement du drapeau rouge et l'arrêt de la session. Puisque l'Acura numéro 66 avait enregistré le temps le plus rapide des séances d'essai, elle a eu droit à la « pole position ».
Mais dès que le départ a été donné à 10h30 du matin, Alan McNish se sauva littéralement au volant de sa Audi et prit une avance relativement substantielle jusqu'au premier ravitaillement. Par la suite et au cours des heures qui ont suivi, ce fut en chassé-croisé en tête entre les Audi et les Peugeot. Ces dernières semblant être plus rapides sur la ligne droite.
La situation a perduré jusqu'à la dernière heure de course. Avec un peu moins de 45 minutes à faire, la Peugeot Numéro 08 pilotée par Sébastien Bourdais s'arrête aux puits. Frank Montagny prend le volant et cède la première place à Alan McNish qui se montre plus rapide que le pilote français au fil des kilomètres. Reste à savoir si la Audi peut terminer la course sans ravitailler en carburant.
McNish se forge une avance d'un peu plus d'une minute alors qu'il en reste 15 pour terminer la course. Dans le box Audi, la discussion est vive, passionnée même, entre les dirigeants allemands. Quoi qu'il en soit, alors qu'il ne reste que 10 minutes pour boucler l'épreuve des 12 Heures, McNish rentre au puits pour abreuver sa voiture. Après un arrêt de tout juste 23 secondes il reprend la piste et Montagny demeure en seconde place. La partie de poker est gagnée: les allemands jubilent, c'est la consternation chez Peugeot. Le trio de Alan McNish, Dindo Capello et Tom Kristensen a remporté les 12 heures de Sebring et ce sera une cinquième victoire pour Tom Kristensen qui devient le recordman de Sebring.
Et les deux écuries se sont données rendez-vous les 13 et 14 juin prochains sur le légendaire circuit de la Sarthe. L'an dernier, les Peugeot étaient plus rapides que les Audi, mais la pluie et une stratégie astucieuse a permis à la marque allemande de l'emporter.
Un beau duel en perspective !