Comprendre les rouages

Publié le 29 mars 2009 dans Technologie par Guy Desjardins

Avec la prolifération des véhicules à quatre roues motrices, il s’impose d’expliquer plus en détails les différents rouages qui s’offrent sur le marché. De plus en plus, les constructeurs proposent des modèles pouvant être livrés en mode traction, propulsion ou intégral. Alors comment faire le meilleur choix et est-ce vraiment nécessaire d’opter pour une intégrale avec nos conditions hivernales ? Voyons brièvement chaque type de rouage avec leurs avantages et leurs inconvénients.

La traction, la plus répandue

Appelée à tort « traction avant » (traction veut nécessairement dire à l’avant), ce type de rouage est sans contredit le plus répandu sur le marché en ce moment. Il s’agit ici d’une configuration où le moteur et les roues motrices sont placés à l’avant du véhicule. On élimine donc l’arbre de transmission qui est présent sur les véhicules à propulsion et qui est nécessaire pour amener la force motrice aux roues arrière. Ce type de configuration a également l’avantage d’être plus compact ce qui permet de dessiner des voitures plus petites. Bien que sa conception remonte à la fin des années 20 et que ce type de rouage apparaisse sur des modèles marginaux comme la Cord L 29 et la Rosengart Supertraction, son utilisation à plus grande échelle s’effectue plutôt au début des années 80 sur des modèles à vocation principalement économique. C’est avant tout la crise pétrolière de 1979 qui pousse les consommateurs à se tourner vers des véhicules moins énergivores. En plus de proposer des voitures plus petites, les constructeurs en augmentent leur efficacité en proposant la traction, qui réduit à la fois le poids de la voiture mais qui permet également des économies de carburant assez significatives. Pendant les années 80, les grands constructeurs abandonnent progressivement leurs gros modèles à propulsion pour introduire de nouveaux véhicules plus petits à traction. C’est également pendant cette période que les fabricants outre-mer introduisent des modèles comme la Mini, la Golf, la Tercel et la Civic.

Un des très bons avantages est sans contredit la traction. En effet, le lourd moteur permet de mettre du poids sur les roues motrices avant afin de favoriser l’efficacité en accélération, surtout en situations hivernales. Avec le moteur positionné juste au-dessus des roues avant, ce poids additionnel permet d’augmenter avantageusement la prise. De plus, en étant directionnelles, les roues avant permettent de diriger la puissante où elle s’avère nécessaire. Les coûts de fabrication sont également moins élevés sur ce type de motorisation car la plupart des véhicules de ce type sont ceux de production de masse, habituellement les plus vendus sur le marché. La dimension réduite de la motorisation permet de libérer plus d’espace pour l’habitacle. On élimine également le tunnel central qui servait à faire passer l’arbre de transmission. Ce design compact et l’absence de pièces mécaniques superflues permettent d’abaisser le poids du véhicule et de diminuer notablement la consommation d’essence.

À l’opposé, certains désavantages viennent ternir l’utilisation de la traction dont un effet de couple en accélération. Cet effet peut s’avérer minime sur de petites cylindrées mais devient rapidement un irritant lorsque la puissance disponible est plus grande. Le véhicule démontre alors une forte tendance à tirer d’un côté ou de l’autre, ce qui nécessite un constant ajustement de la part du conducteur. L’efficacité de la traction est aussi un problème lors de fortes accélérations puisque le transfert de poids vers l’arrière du véhicule allège le train avant, ce qui diminue la prise directe avec le bitume. Ce type de comportement est également typique  lorsque le coffre du véhicule est chargé à pleine capacité et que des passagers sont présents à l’arrière. On remarque alors que le devant du véhicule est plus élevé alors que l’arrière est affaissé.

Une propulsion de plus en plus populaire

Très populaire à une certaine époque, la propulsion est disparue du marché au milieu des années 80 suite à la crise pétrolière et à la popularité grandissante de la traction. Ce type de configuration place le moteur à l’avant et les roues motrices à l’arrière. La transmission est située juste derrière la motorisation et un arbre de transmission permet de diriger la puissance aux roues arrière via un différentiel sur l’essieu arrière. La propulsion est surtout populaire pour sa simplicité de conception et sa facilité de fabrication. En plaçant les roues motrices à l’arrière, on libère plus d’espace pour la transmission ce qui permet de produire un arrangement moins compact de la mécanique et élimine par le fait même les restrictions techniques complexes nécessaires présentes sur une traction.

La plupart des véhicules de grande puissance utilisent ce type de configuration puisque l’énorme transfert de poids vers l’arrière en forte accélération est avantageusement réutilisé afin de placer un poids plus élevé sur le train arrière. La prise est donc optimisée ce qui permet d’éviter de faire patiner les roues. Il faut toutefois mentionner que ce type de véhicule possède habituellement une motorisation plus volumineuse et ne pourrait être placée en position transversale, comme c’est le cas pour les modèles à traction.

Les véhicules adoptant la propulsion offrent habituellement une meilleure répartition du poids, du moins meilleure que celle caractérisant les véhicules à traction. On note également une absence d’effet de couple et un meilleur diamètre de braquage. Une meilleure répartition du poids permet également de procurer un freinage plus efficace et un meilleur contrôle lorsque le véhicule tire de lourdes charges. BMW, Mercedes, Chrysler et récemment Hyundai proposent aujourd’hui des véhicules à propulsion.

En contrepartie, la propulsion est nettement désavantagée en situation hivernale alors que les roues arrière patinent plus souvent. La légèreté du train arrière handicape la prise et plus la puissance de la motorisation est élevée, plus il y a désavantage. Il faut toutefois mentionner que les récentes avancées technologiques en ce qui a trait à l’aide à la conduite permettent de limiter significativement le patinage. On gagne alors en traction mais on perd en puissance alors qu’elle est diminuée afin de pallier au manque de prise. Sur des voitures de grande puissance, la propulsion peut à l’occasion engendrer une déficience au niveau de la direction lors de fortes accélérations puisque l’arrière du véhicule a tendance à vouloir passer devant le train avant. La propulsion est évidemment plus lourde que la traction et l’espace dans habitacle est quelque peut réduit par la présence du tunnel de l’arbre de transmission qui vient empiéter sur l’espace disponible aux jambes pour les passagers à l’arrière.

La totale? L’intégrale!

On serait alors porté à croire que l’efficacité optimale passe par une combinaison des deux rouages. De cette idée est né le rouage intégral. En combinant la traction et la propulsion, on s’assure d’obtenir les qualités des deux modes tout en éliminant les défauts propres à chacun. L'origine de la transmission intégrale est presque aussi ancienne que celle de l'automobile. Déjà dans les années 1920, il existait des véhicules équipés de quatre roues motrices, même s’ils étaient alors peu répandus. La Mitsubishi PX33 de 1933 fut notamment la première voiture japonaise à 4 roues motrices.

Le résultat est phénoménal puisque l’efficacité de la prise disponible en est presque doublée. On obtient donc des accélérations optimales dans presque toutes les situations, qu’elles soient hivernales ou sur pavés mouillés. Ce type de rouage est largement utilisé en rallye mondial où les routes sont souvent de terre et de gravier. L’intégrale s’est récemment taillée une place dans les voitures de hautes performances comme la Lamborghini Murcielago et l’Audi R8.

Dans les années 1970, le constructeur japonais Subaru fut le premier constructeur automobile à avoir l'idée d'utiliser la transmission intégrale sur des berlines routières de grande série. Il est aujourd'hui reconnu comme l'un des plus grands spécialistes de la transmission intégrale et possède la gamme de 4 roues motrices la plus étendue au monde. Audi suivra le mouvement dans les années 1980 en lançant l'Audi Quattro, née selon la volonté de Ferdinand Piech, qui avait été épaté par les capacités de motricité du tout-terrain militaire Volkswagen Iltis. Audi généralisa la transmission Quattro en la proposant sur la plupart de ses modèles.

Mais l’intégrale, malgré le fait qu’elle élimine bien des défauts, en crée certains autres. Notamment, une perte d’efficacité lors de la transmission de la puissance, ceci majoritairement attribué aux nombreux éléments mécaniques qui occasionnent des pertes à différents niveaux. Les coûts de fabrication sont aussi plus élevés ainsi que les coûts d’entretien résultats des éléments mécaniques plus nombreux et plus complexes. Le poids du véhicule est aussi plus élevé ce qui entraîne une consommation d’essence plus élevée. On distingue 2 types de transmission intégrale.

La transmission intégrale semi-permanente

Utilisée principalement sur les berlines ou VUS à moteur transversal, le principe est que le véhicule roule normalement en 2 roues motrices (traction pour la plupart des véhicules de ce type). Puis, lorsque le véhicule détecte une grande différence de vitesse entre les roues avant et arrière, un viscocoupleur envoie une partie du couple sur le train de roues jusqu'ici inexploité. Les principaux avantages sont que le système prend peu de place, et se révèle économe en carburant. Le désavantage est que le système est moins réactif, par rapport à une transmission intégrale permanente.

La transmission intégrale permanente

Utilisée principalement sur les berlines et VUS plus luxueux, le principe est que le véhicule possède un différentiel central avec une transmission qui répartit la motricité en permanence sur les 4 roues. Le rapport avant/arrière peut changer selon les conditions. C'est le système idéal en termes de motricité. Par contre, il prend beaucoup de place et consomme plus de carburant.

Le 4X4, c’est du sérieux

Le 4X4, communément appelé 4 roues motrices (4WD), fonctionne de façon similaire à la traction intégrale, à la différence qu’il est possible de faire manuellement le transfert pour le rouage désiré. En Amérique du Nord on utilise le terme 4WD alors que dans le reste du monde le terme utilisé est plutôt la transmission intégrale enclenchable.
Utilisée principalement sur les véhicules tout-terrains traditionnels, le principe est que le véhicule roule normalement en 2 roues motrices (traction ou plus régulièrement propulsion). Puis, lorsque l'adhérence devient précaire, le conducteur peut sélectionner à l'aide d'une manette le pont avant ou arrière. On peut donc passer aisément, à la simple rotation de ce bouton, entre les modes 2 et 4 roues motrices. Puis entre les modes 4 roues motrices élevé (4HI) et 4 roues motrices basse (4LO). Certain véhicule tout terrain, spécialement conçu pour les sentiers hors route, permettent également de verrouiller le différentiel (LOCK) pour en augmenter significativement la prise. Le véhicule ne possède alors pas de différentiel central et ne peut pas rouler en mode 4 roues motrices sur pavé sec, ce qui constitue le principal désavantage de ce type de rouage.

C'est dans le milieu militaire que la transmission 4x4 s'est imposée, avec la nécessité pour les véhicules de disposer d'une meilleure motricité que celle d'une simple transmission à 2 roues motrices classique pour faciliter la progression en terrain difficile. C'était notamment le cas de la célèbre Jeep Willys, véhicule tout-terrain américain, apparu lors de la Seconde Guerre mondiale, et qui jouera un rôle de précurseur dans les véhicules tout-terrains, militaires comme civils.

Quel est le bon choix alors?

En fait, le choix d’un rouage est souvent dicté par le modèle de voiture désiré. Si tous les véhicules vendus au Québec offraient le rouage intégral, une grande partie des véhicules qui circulent sur nos routes en seraient équipés. Malheureusement, les coûts plus élevés à l’achat, la consommation d’essence plus importante et une facture d’entretien plus salée forcent les acheteurs à se rabattre sur des modèles à traction, souvent l’apanage des véhicules économiques et d’entrée de gamme. Et bien que le rouage intégral offre un sentiment de sécurité inégalé, la plus grande efficacité en hiver reste la prudence.

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