Au tour de Berlin d’expulser le diesel du centre-ville
La justice berlinoise a ordonné mardi une interdiction de circulation pour la majorité des véhicules diesel sur d’importants axes de la capitale allemande, un nouveau coup dur pour cette technologie disgraciée par les tricheries des constructeurs.
Ces interdictions sont la bête noire de la très puissante industrie automobile allemande et du gouvernement d’Angela Merkel, qui s’échine à les empêcher depuis un an afin de préserver ce secteur stratégique qui emploie 800 000 personnes.
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Sous les fenêtres mêmes de la chancellerie, en plein cœur de Berlin, les véhicules diesel de normes Euro 0 à 5, soit ceux de plus de trois ou quatre ans, ne pourront plus circuler à compter du 1er avril 2019.
Au total, 15 kilomètres de rues du centre élargi de Berlin, dont la célèbre Friedrichstrasse, sont concernés, selon une décision du tribunal administratif de Berlin.
La décision pourrait concerner jusqu’à 200 000 automobiles, selon des estimations de la presse allemande, même si des exceptions seront faites pour raisons professionnelles notamment.
« C’est une bien belle journée pour l’air que nous respirons », a réagi Jürgen Resch, président de l’ONG écologiste DUH à l’origine de cette procédure, cité par l’agence DPA.
« Gifle au gouvernement »
Mais, signe du degré de sensibilité du sujet dans la capitale allemande, pourtant dirigée par une coalition de gauche, d’extrême gauche et verte, cette interdiction est jugée trop radicale.
Le gouvernement local a fait valoir qu’il préférerait avoir recours à d’autres solutions comme la promotion du vélo et des transports en commun, la mobilité électrique et une gestion plus efficace du trafic avec plus de routes limitées à 30 km/h.
D’autant que les interdictions de ce type, appelées en Allemagne « Fahrverbote », sont difficiles à faire respecter en l’absence de vignettes. À Hambourg, la première ville à avoir mis en place une telle mesure, les contrôles sont occasionnels, et l’amende est de 20 euros pour les contrevenants. Néanmoins, Stuttgart et Francfort doivent emboîter le pas à Hambourg et Berlin.
Pour éviter que ce cauchemar des constructeurs et des propriétaires de diesel ne se généralise à l’ensemble du pays, le gouvernement allemand a annoncé mardi un plan de sortie de crise.
Ce compromis a minima propose des adaptations techniques aux frais du constructeur ou des primes à l’achat pour rajeunir les modèles. Mais ce plan a été perçu comme une opération désespérée de sauvetage du diesel.
« Le diesel et l’essence n’ont plus leur place dans les centres-villes modernes », a commenté dans un communiqué l’ONG Greenpeace, qualifiant la décision berlinoise de « gifle pour le gouvernement » de Merkel.
Rome, Bruxelles, Oslo
Les ventes de diesel sont en chute libre depuis que le géant Volkswagen a admis en 2015 avoir trafiqué des millions de moteurs pour les faire paraître moins polluants.
La décision berlinoise s’ajoute à une longue liste de mesures prises par d’autres villes européennes pour éloigner les vieux diesels des artères centrales, comme à Madrid, Rome et Bruxelles.
Si les gouvernements tardent parfois à agir, les villes européennes bataillent, entre péages, vignettes, malus, journées sans voiture et créations de zones de faibles émissions, pour chasser les moteurs diesel.
L’objectif : remettre les villes dans les clous en ce qui concerne la qualité de l’air et le risque que font peser sur la santé publique les émissions toxiques des vieux diesels.
Le diesel émet moins de CO2 que l’essence, mais plus de particules d’oxyde d’azote (NOx), mises en causes dans des maladies respiratoires ou cardiovasculaires.
La Deutsche Umwelthilfe a ainsi fait valoir que Berlin devait légalement être contrainte à appliquer les normes maximales de pollution de l’air exigées par le gouvernement allemand : 40 mg/m3 annuel d’oxyde d’azote (NOx), contre les 49 mg mesurés actuellement.
Par ailleurs, l’UE a décidé de reprendre la main aussi sur la question des seuils d’émissions de CO2.
La Commission a ainsi lancé en septembre 2017, dans le cadre de son paquet « Mobilité propre », un objectif commun de réduction des émissions de CO2, de 30% d’ici 2030, avec un objectif intermédiaire de -15% en 2025.