La toute première

Publié le 26 avril 2019 dans Blogue par Antoine Joubert

Inutile de vous dire que depuis mon tout jeune âge, mon rêve ultime était de posséder ma propre voiture. Un jour de 1994, j’ai donc 17 ans, seulement 850$ en poche, et je suis bien déterminé à m’acheter une voiture avant le week-end. Mes amis conduisent déjà la leur, et il est hors de question que je prenne place sur le siège passager un jour de plus. Mais...quoi acheter?

À cette époque, mon rêve est une Volkswagen Golf GTI 16V 1992. Ce que je n’achèterais évidemment pas pour 850$. Une Rabbit GTI 1984? Ouais…j’aimerais bien. Sauf qu’en 1994, il n’y a ni Kijiji, ni Lespac. Et les « minounes » qu’on retrouve dans le magazine AutoHebdo et dans les petites annonces du Journal de Montréal sont toujours vendues en quelques heures. Ne reste donc comme solution que les voitures de particuliers ou de commerçants avoisinants.

Cas d’inconscience

À 17 ans, je n’ai pas encore conscience qu’une voiture peut devenir un cauchemar. Qu’à 850$, les risques de problèmes sont très élevés. Surtout pour un jeune blanc-bec qui n’a qu’en tête que de se procurer une voiture « cool »…le plus rapidement possible!

Bien sûr, j’ai déjà mes préférences. Et à l’époque, je ne suis pas amateur des marques américaines. Une Ford Tempo? Non merci ! Cela dit, la première voiture qui me tombe dans l’œil est une Chrysler Laser XE 1984, avec comme seul défaut apparent un point de rouille sous le volet de carburant. Mais, le nez levé, je ne m’imagine pas au volant d’une Chrysler. Pas pour moi!

Un peu plus tard dans la journée, je me retrouve chez un marchand de véhicules d’occasion situé à quelques pas du marché aux puces de Chambly. J’y aperçois une Volkswagen Jetta 1982 de couleur bleu acier. Son prix? 850$! Voilà, j’ai trouvée!

Le vendeur se présente, m’ouvre la porte de la voiture. J’adore. Elle a un peu de rouille et des pneus en fin de vie, mais ça me passe dix pieds par-dessus la tête. J’aime les Volkswagen. J’aime ce modèle. Alors, je demande timidement au vendeur s’il peut me faire un bon prix. Sa réponse : pour toé l’jeune, 800 piasses pas d’taxes. Vendu! Je suis excité à un point qui ne se décrit pas.

La vitre baissée, la radio allumée, je prends donc la route, cheveux au vent. Je profite de chaque seconde de cette nouvelle liberté, réalisant que j’ai maintenant la vie devant moi. Bref…l’aboutissement d’un rêve!

À peine 40 minutes plus tard, je stationne la voiture chez un ami pour la lui montrer. J’en suis si fier. Aussitôt sorti de la maison, je la fais démarrer, mais…elle ne démarre plus. Elle est morte!

J’entre donc dans la maison et appelle le vendeur qui vient de me livrer la voiture. Il me dit sur-le-champ que la voiture a été vendue sans garantie et qu’il n’est aucunement responsable. Le père de mon ami me mentionne alors que je peux lui demander de me rembourser, puisque je n’en suis propriétaire que depuis quelques heures. Au téléphone, le vendeur m’invite alors à jeter un œil sur mon contrat. Ce dernier indique une somme payée de 100$, non pas de 800$. Un détail que je n’avais évidemment pas vérifié en signant sur-le-champ. Je craque. Je pleure. Je crie. Ma vie s’écroule. Je réalise que je me suis littéralement fait rouler et que je n’ai plus un rond pour réparer la Jetta.

Le père de mon ami la vérifie et m’indique rapidement qu’il me faudra acheter une batterie et un alternateur. Essentiellement, on avait survolté la Jetta pour la démarrer à mon insu. Coût de l’opération : 235$. Que je n’ai pas. Fiston téléphone donc à papa pour lui demander de lui prêter la somme. Ce qu’il fit, malgré son découragement.

Ce que mon père ne savait pas, c’est qu’il allait s’agir d’une première parmi une longue série de mésaventures mécaniques. Il faut dire qu’en conduisant le pied au plancher, je ne donnais que peu de chances à cette pauvre Jetta. Mais il s’agissait clairement d’un citron. Une voiture accidentée reconstruite, dont le compteur avait été trafiqué. En plus ou moins six mois, j’aurai (souvent avec le portefeuille du paternel) dépensé quelque 1 500$ en pièces achetées dans les centres de recyclage, afin de maintenir cette Volkswagen en vie. Et la chance que j’aurai eue, c’est l’accès à un mécanicien (le père d’un ami) qui malgré son dédain pour les voitures européennes, a bien voulu me la réparer gratuitement, chaque fois que j’avais un problème. Pauvre lui…

Morale de l’histoire? Cette Volkswagen aura été pour moi un apprentissage à la dure du monde de l’automobile, qui peut être aussi mesquin que magnifique. Et avec le recul, il aurait sans doute été plus logique de me procurer la Chrysler Laser. Sauf que l’histoire n’aurait sans doute pas fait l’objet d’une chronique…

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