L’avenir des véhicules électriques selon Karim Zaghib d’Hydro-Québec

Publié le 16 octobre 2019 dans Blogue par Daniel Breton

Considéré comme un des scientifiques les plus influents de la planète troisannées consécutives selon le palmarès « World’s most influential scientific minds », Karim Zaghib est chercheur et directeur général du Centre d’excellence en électrification des transports et en stockage d’énergie d'Hydro-Québec.

Récipiendaire il y a quelques jours à peine du prix Lionel Boulet, la plus haute distinction accordée par le gouvernement du Québec dans le domaine de la recherche et du développement en milieu industriel, M Zaghib répond à nos questions sur sa vision de l’avenir de l’électrification des transports.

DB : M. Zaghib, d’où vient votre intérêt pour la recherche en électrification des transports?

KZ : Depuis mon plus jeune âge, j’ai souffert de problèmes de santé liés à la pollution atmosphérique et je me suis dit que lorsque je serais adulte, je travaillerais de toutes mes forces pour tenter de diminuer cette pollution.

DB : Parlez-nous un peu de votre parcours.

KZ : Après avoir complété mon doctorat en électrochimie à l’Institut Polytechnique de Grenoble et travaillé pendant trois ans au Japon, je suis entré chez Hydro-Québec et ai adopté le Québec comme terre d’accueil. Je fêterai d’ailleurs mes 25 ans chez Hydro-Québec au printemps 2020. N’eut été du soutien de la société d’État et du gouvernement, jamais je n’aurais pu me consacrer autant à la recherche sur les nouvelles chimies de batteries. La création du Centre d’excellence en électrification des transports et en stockage d’énergie en est d’ailleurs l’aboutissement logique et j’ai la très grande chance de pouvoir compter sur une équipe de chercheurs extraordinaires. Car, ne l’oublions pas, ce travail se fait toujours en équipe.

DB : Quelle est la mission de ce centre?

KZ : Notre focus est double. D’abord, nous travaillons au développement de la batterie solide (lithium-métallique) dont la densité sera à terme de 400 à 500 Wh par kg et de 800 à 1000 Wh par litre, le tout à environ 100 $ le kWh. Cela signifie que dans un espace similaire à celui nécessaire pour les batteries actuelles, les batteries auront deux fois plus d’autonomie… pour un prix deux fois moindre que le prix des batteries qu’on retrouve de nos jours dans les véhicules électriques, ce qui les rendra aussi abordables et beaucoup plus performants que les véhicules à essence.

Nous devrions être en mesure de voir de telles batteries sur le marché à l’horizon 2026-2027. De plus, ces batteries très flexibles seront extrêmement sécuritaires.

Ensuite, nous travaillons aussi au recyclage des batteries afin que celui-ci soit le plus efficace et vert que possible dans une optique de création d’emplois au Québec et d’économie circulaire. C’est très important pour nous.

DB : En plus de votre prix, quelle est votre perception de l’impact du prix Nobel de chimie à MM. John Goodenough,Stanley Whittingham etAkira Yoshino pour le développement de la batterie lithium-ion?

KZ : Je connais bien M. Goodenough, ayant déjà travaillé et publié des articles scientifiques avec lui. Je suis d’avis que ces prix constituent une reconnaissance concrète de l’importance de l’électrification des transports dans la lutte contre les changements climatiques et la pollution atmosphérique.

DB : Comment voyez-vous l’avenir de la mobilité dans 5, 10, 20 ans?

KZ : À la vitesse où la technologie évolue, je m’attends à ce que les véhicules légers et lourds à moteur à combustion interne disparaissent dans un horizon plus rapide qu’on pourrait le croire. De plus, avec l’essor des véhicules légers électriques et celle imminente des véhicules autonomes, la mobilité sera très différente en 2030. Je m’attends aussi à ce que les véhicules lourds électrique et à hydrogène cohabitent à moyen terme.

DB : Croyez-vous que le Québec peut tirer son épingle du jeu dans cette grande course planétaire vers la décarbonisation de l’économie?

KZ : Avec son historique de recherche, ses talents reconnus mondialement dans plusieurs secteurs, son réseau universitaire comparable à celui de Boston ou de la Californie et son énergie renouvelable, le Québec a tous les atouts pour devenir un leader. Il y a urgence climatique et les Québécois en sont très conscients. C’est avec ce défi en tête que notre équipe travaille d’arrache-pied afin de contribuer à la solution. C’est à la fois inquiétant… et emballant. »

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