Dodge Viper, le reptile à neuf vies

Publié le 19 août 2009 dans 2010 par Marc Lachapelle

La dernière année a été plus qu’éprouvante pour la plus extravagante, la plus démesurée et la plus déraisonnable des voitures sport américaines. Vingt ans après le dévoilement du prototype qui a mené à sa création, c’est l’existence même de la Viper qui a d’abord été menacée dans la saga qui a mené à la relance actuelle de Chrysler. Quelques mois plus tôt, elle avait déjà dû céder sa place au sommet de l’échelle de puissance à la Corvette ZR1. Malgré tout, la Viper est toujours là et ses créateurs n’ont jamais cessé de la perfectionner.

Les puristes de l’automobile ont vite fait de reléguer la Viper au rang des curiosités mécaniques américaines gonflées aux stéroïdes, en raison de la cylindrée géante de son V10 et de sa longue silhouette toute en courbes rebondies. Cette caricature ne rend certainement pas justice à une sportive dont l’histoire et le palmarès en course sont exceptionnels à bien des égards. La Viper a certes toujours compté sur un « gros cube » sous son long capot, mais on peut en dire autant des Shelby Cobra et Ford GT, qui sont devenues légendaires en décrochant le Championnat du monde des marques et des victoires aux 24 Heures du Mans avec de gros V8 de 7 litres sous le capot.

La Viper a elle aussi décroché une dizaine de championnats GT de la FIA en Europe, en plus d’avoir été trois fois victorieuse au Mans dans sa catégorie et d’avoir gagné les 24 Heures de Daytona, toutes catégories confondues, en 2000. Or, Shelby et Ford n’ont fabriqué que quelques douzaines de leurs Cobra et Ford GT, tandis que la Viper a franchi le cap des 25 000 voitures produites au printemps 2008. Ce n’est pas rien. Il convient également de souligner qu’au plus fort de la surenchère sur la voiture de série ayant bouclé le tour le plus rapide du mythique circuit du Nürburgring, une Viper SRT10 ACR a inscrit l’an dernier un chrono de 7,22 minutes qui retranchait quatre secondes à celui de la Corvette ZR1. C’est un modèle conçu pour la compétition, dites-vous? Vrai, mais on peut immatriculer et conduire une ACR sur la route, comme une Porsche 911 GT3.

En progression constante

La toute première Viper, lancée en 1992, était remarquablement fidèle au prototype qui avait fait sensation au Salon de Détroit de 1989. Elle avait été développée à bride abattue par une équipe de seulement 85 ingénieurs et designers, dans un petit atelier, pour un budget qu’on avait estimé à l’époque à 75 millions, une somme parfaitement dérisoire si on considère qu’un grand constructeur dépensera facilement un milliard pour un nouveau modèle de grande série. Cette première Viper était une voiture à la fois crue, spectaculaire et excitante, mais également dépourvue de tout confort, relativement brutale et difficile à maîtriser.

Au fil des dix-neuf dernières années et de quatre générations, la Viper a fait de grands progrès en termes de civilité, de sécurité, de confort et de comportement, sans renoncer aux éléments qui sont au cœur de l’attrait viscéral qu’elle inspire. Au contraire, son V10 n’a jamais été aussi gros et puissant et sa silhouette est plus racée que jamais. La cylindrée du premier n’a augmenté que de 5 % au fil des années (de 8,0 à 8,4 litres), mais sa puissance a grimpé de 400 à 600 chevaux, un gain de 50 %. Ses chambres de combustion sont maintenant usinées par ordinateur, ses soupapes sont plus grandes et leur calage est variable depuis l’an dernier, côté échappement, en fonction de la charge et du régime. Résultat: un moteur plus puissant qui respecte les normes sévères de réduction d’émissions de la Californie et consomme (un peu) moins.

Pour acheminer tout ce couple aux roues arrière tout en rendant la Viper moins bestiale, on l’a équipée d’une boîte de vitesses manuelle Tremec T6060 à 6 rapports, la même qu’on retrouve dans la ZR1. Entre moteur et roues, il y a maintenant un embrayage ZF Sachs à double disque qui réduit la masse en rotation, rend l’engagement plus progressif et la pédale plus légère. La Viper n’a toujours pas d’antidérapage, contrairement aux Corvette, mais ses gros freins Brembo à disque de 355 mm sont heureusement modulés par ABS depuis quelques années. Côté tenue de route, la Viper roule sur des pneus très larges depuis les tout débuts. Toute cette adhérence est cependant beaucoup plus accessible et facilement exploitable maintenant, grâce à des suspensions à bras multiples en aluminium qui ont profité de l’abondante expérience en course du groupe Viper.

Avenir incertain et culte confirmé

Le prix des deux versions de la Viper est retombé sous la barre des 100 000 $ pour la première fois en dix ans, après avoir grimpé jusqu’à 127 000 $. Elle est donc à peine plus chère qu’une Corvette Z06, dont le V8 fait 95 chevaux de moins, et nettement moins coûteuse que la ZR1, dont le moteur compressé n’en produit que 38 de plus. Mais il s’agit là sans doute d’un faux débat, puisque chacune de ces divas a ses inconditionnels qui ne songeraient jamais à s’intéresser à la grande rivale.

Difficile de savoir, d’autre part, si cette aventure se poursuivra au sein de la nouvelle alliance Chrysler-Fiat ou si une voiture aussi excessive pourra même survivre aux normes antipollution qui prendront effet au cours des prochaines années. Son avenir résidera peut-être uniquement entre les mains des collectionneurs et des passionnés qui continueront de pousser leur Viper sur les circuits. Entre-temps, on peut voir un symbole dans le fait que l’usine de Conner Avenue, où les Viper sont assemblées à la main, a été la première à reprendre du service lorsque le constructeur en mutation s’est remis à produire au printemps dernier.

Feu vert

Performances à couper le souffle
Tenue impressionnante sur le sec
Civilité en hausse
Prix plus compétitifs

Feu rouge

Pas d’antidérapage
Habitacle juste malgré sa taille
Visibilité arrière limitée
Oubliez ça l’hiver

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