Ford GT40 : une histoire qui mérite d'être racontée

Publié le 16 novembre 2019 dans Voitures anciennes par Hugues Gonnot

L’histoire de la GT40 commence par une rivalité entre deux hommes au caractère trempé : Henry Ford II et Enzo Ferrari. En 1963, le premier veut racheter la compagnie du second. L

Les négociations sont très avancées, mais Enzo Ferrari se retire à la dernière seconde. Henry Ford II se sent personnellement humilié. Il demande alors à ses ingénieurs de concevoir une auto qui battra Ferrari en endurance. Le budget? Quel budget?

C’est l’équipe de course anglaise Lola qui fournira le châssis de base. Le développement se fait en Angleterre sous la direction de l’ingénieur Roy Lunn. Pour ces besoins, Ford crée une structure locale, Ford Advanced Vehicles Ltd (FVA), dirigée par John Wyer. Le premier modèle est présenté en avril 64. Il s’appelle alors seulement « GT ». Le 40 (pour 40 pouces, la hauteur minimale pour courir) accolé suivra un peu plus tard.

Photo: Ford (Henry Ford II); Sutton Motorsport/Press Association (Enzo Ferrari)

Des débuts difficiles

En mai 1964, c’est le baptême du feu au Nürburgring. La voiture ne finira pas à cause d’un bris de suspension. Les 12 premiers véhicules fabriqués sont considérés comme des prototypes. Ils sont équipés de V8 de 260 pc (4,3 L) ou 289 pc (4,7 L).

Photo: Ford

Trois semaines plus tard, ce sont les 24 Heures du Mans, la course que Ford veut gagner. La GT40 s’avère très rapide, mais des problèmes de fiabilité vont contraindre à l’abandon les 3 voitures engagées. Ferrari remporte la victoire avec une 275P. Le reste de la saison 1964 sera à peu près aussi désastreux. C’est pourquoi Ford prend la décision de transférer l’activité course de John Wyer vers Carroll Shelby.

Pour 1965, les 12 premiers châssis ont connu de nombreuses modifications au niveau de la carrosserie. Ces évolutions aboutissent à la version MKI avec un moteur de 4,7 litres (385 chevaux). Ford lance alors la production de versions de route de la MKI afin de respecter les règles d’homologation de la série GT, qui demande la production de 50 exemplaires. Puis, Shelby commence le développement d’une version 7 litres (485 chevaux au minimum) baptisée MKII.

Ford débarque au Mans 1965 avec pas moins de 6 voitures. Malheureusement, aucune d’entre elles ne finira la course et c’est une Ferrari 250LM qui remportera la course. Il faut réagir!

Le coup de grâce!

Au cours de la saison d’endurance 1966, la GT40 montre qu’elle est enfin devenue fiable et son moteur 7 litres l’a rendue très rapide. Ford arrive au Mans en force avec 13 GT40 dont 8 MKII.

L’écurie officielle Shelby American engage à elle seule trois MKII. Les GT40 donnent très vite le rythme de la course : endiablé!

Les Ferrari ne pourront pas suivre le rythme et la dernière auto en course abandonne à 2 heures du matin. On retrouve alors trois Ford MKII en tête de la course, ce qui va donner l’occasion aux spectateurs d’assister à l’arrivée la plus serrée de l’histoire des 24 Heures du Mans.

Photo: Getty Images

Ford souhaitait que les trois GT40 passent la ligne d’arrivée ensemble. Les trois autos vont donc se regrouper à la fin de la course. À cet instant, c’est la numéro 1 (Ken Miles et Denny Hulme) qui est en tête, suivie de très près de la numéro 2 (Bruce McLaren et Chris Amon) et de la numéro 5 (Ronnie Bucknum et Dick Hutcherson).

Pourtant, c’est la voiture numéro 2 qui coupe la ligne d’arrivée légèrement devant la GT40 numéro 1. Plusieurs versions de cette histoire existent et les sources se contredisent sur l’arrivée de la course.

Dans la première, Miles et Hulme croient avoir gagné. Mais l’ACO (Automobile Club de l’Ouest, organisateur de la course) recompte la distance parcourue et décrète la numéro 2 gagnante, car partie plus loin sur la grille de départ. Différence totale entre les 2 voitures de tête : 8 mètres!

Photo: Ford

Dans la seconde version, la direction de Ford ne souhaitait pas qu’un duel entre les voitures leur coûte la victoire et a décidé de l’ordre d’arrivée des autos avec une consigne d’équipe bien avant l’arrivée. La confusion à l’arrivée ne serait pas due à un malentendu, mais simplement au commentateur du circuit qui aurait annoncé le mauvais vainqueur avant de se raviser.

Ce qui est certain en revanche, c’est que la déception des pilotes de la voiture numéro 1 était bien réelle (des photos d’époque le montrent).

Au-delà des polémiques sur cette arrivée chaotique, Ford a enfin eu sa revanche sur Ferrari dont la première auto est septième.

GT40 de rue

C’est Ford Advanced Vehicles Ltd qui est chargée de produire les versions de rue de la GT40 aux fins d’homologation. Une fois les 85 véhicules produits, Ford décide d’arrêter l’opération.

J.W. Automotive, dirigée par John Wyers, reprend l’usine et décide de produire une version strictement de rue, baptisée MKIII. Les lignes sont plus allongées et de nouvelles optiques avant sont installées. Le moteur est un 4,7 litres similaire à celui des Mustang Shelby (306 chevaux). Seulement 7 exemplaires seront produits.

Des évolutions plus timides

Ford continue le développement de sa GT40 afin de se conformer aux nouvelles réglementations de l’annexe J, introduites par la FIA en 1966.

La voiture utilise le moteur des MKII et un nouveau châssis plus léger. De longs tests en soufflerie définissent un nouvel avant et un arrière plus long. En août 1966, lors d’essais sur le circuit de Riverside, la voiture de Ken Miles (l’infortuné second des 24 Heures du Mans) sort violemment de la route. Le châssis léger ne résiste pas et Miles est tué.

Après l’accident, de grosses révisions sont apportées au modèle J : un arceau de sécurité tubulaire est ajouté et l’aérodynamisme est revu. Le V8 de 7 litres des MKII est reconduit. Ces modifications amènent à l’introduction de la MKIV aux 12 Heures de Sebring en 1967.

Retour au Mans

Le duel Ford contre Ferrari repart de plus belle en 1967 avec les nouvelles MKIV face aux nouvelles 330 P4. Ford aligne 10 GT40, dont 2 MKIV de l’écurie Shelby American et 2 MKIV pour l’écurie Holman & Moody.

C’est la numéro 1 de Dan Gurney et A.J. Foyt qui finira en tête avec une moyenne de 218 km/h et près de 4 tours d’avance sur la Ferrari de Ludovico Scarfiotti et Mike Parkes. Deuxième victoire consécutive au Mans pour Ford et deuxième et dernière course pour la MKIV.

Photo: Ford

Seulement 6 exemplaires de ce modèle auront été construits. Il s’agit aussi de la seule victoire 100% américaine au Mans (construction, écurie et pilotes).

Le début de la fin… et la fin

En 1968, Les moteurs de plus 5 litres sont bannis et les prototypes doivent courir avec des moteurs limités à 3 litres. Le développement de la GT40 est considérablement ralenti alors que des clients privés ressortent leur MKI pour aller courir. Dont John Wyers, qui avait réalisé en 1967 plusieurs modèles allégés sur des châssis de GT40, baptisés Mirage M1.

Pour 1968, Wyers va reconvertir ses M1 en GT40 MKI, tout en conservant ses technologies d’allègement, et en installant un V8 de 4,9 litres. Il engage 3 autos au Mans, dont 2 aux couleurs de Gulf Oil (bleu poudre et orange).

Photo: Ford

En signe de protestation contre nouveaux règlements, la Scuderia Ferrari ne s’engagera pas, laissant la place à des écuries privées. C’est finalement la numéro 9, aux mains de Pedro Rodriguez et Lucien Bianchi qui terminera en tête, avec 5 tours d’avance sur une Porsche 907L.

Les nouveaux règlements de 1969 (construction de 25 exemplaires et non plus de 50 pour être homologué) vont porter un coup fatal à la GT40, entraînant l’apparition de nouvelles concurrentes : Porsche 917, Matra 630/650 et Ferrari 312P.

John Wyers revient avec 2 MKI, dont le « châssis 1075 » victorieux l’année précédente. Jacky Ickx et Jackie Oliver se partagent le volant en 1969.

Jackie Ickx, pour s’opposer aux départs classiques du Mans (voitures garées, pilotes courant vers l’auto et bouclant leur ceinture en roulant), marche jusqu’à sa voiture, verrouille sa ceinture et part ensuite… depuis dernière place.

Tout au long de la course, Ickx et Oliver remontent progressivement le peloton.

Peu avant l’arrivée, ils se battent pour la victoire avec la Porsche 908 de Hans Hermann et Gérard Larousse. La 908 connaît des problèmes de freins et la GT40 l’emporte avec seulement 120 mètres d’avance!

Ce sera la quatrième victoire consécutive au Mans… et la dernière de la GT40. Une page est tournée.

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