Vrai ou faux : Peut-on dormir ivre dans l’auto?

Publié le 27 décembre 2019 dans Juridique par Agence QMI

Par Valérie Gonthier

Vous avez trop bu et un ami vous conseille de vous reposer dans votre voiture le temps de dégriser avant de reprendre le volant? Cela pourrait vous valoir un casier judiciaire.

Plusieurs automobilistes croient qu’il est raisonnable de dormir sur la banquette arrière, et prennent même le risque de déneiger leur voiture lorsqu’ils sont ivres et inaptes à conduire. Or, ils sont souvent dans l’illégalité.

Il est connu de tous qu’il est illégal de prendre le volant après avoir bu. Mais peu savent qu’il est aussi interdit de se trouver ivre dans sa voiture, en possession de ses clés.

En fait, le Code criminel ne fait pas de distinction à savoir si le moteur est en marche ou non.

Garde et contrôle

«Immédiatement, lorsque tu es dans ton véhicule, tu es réputé en avoir la garde et le contrôle», indique la porte-parole de la Société de l’assurance automobile du Québec, Audrey Chaput.

Et pas besoin d’avoir l’intention de conduire. Avoir la garde et le contrôle d’un véhicule signifie être en mesure de le surveiller, mais aussi de le diriger, d’en faire usage. Et cela vaut même si la clé n’est pas dans le contact.

«Si les clés sont dans tes poches ou dans le porte-gobelet, on considère qu’il y a garde et contrôle. Qu’est-ce qui nous fait dire qu’après avoir dormi 15 minutes, la personne ne décidera pas de finalement prendre son véhicule?» a exposé Alfredo Munoz, ancien policier et président de SOS Ticket.

Même le simple fait de marcher ivre les clés dans les mains vers son véhicule ou de le déneiger peut entraîner l’arrestation du conducteur.

Le tout reste évidemment à l’interprétation du policier qui procède à l’interception. Puis, un juge devra trancher.

Cette infraction peut coûter une amende minimale de 1000 $, la suspension du permis de conduire et même un casier judiciaire.

VOICI HUIT EXEMPLES DE SITUATIONS POSSIBLES APRÈS UN PARTY ARROSÉ ET L’AVIS DES EXPERTS SUR LES RISQUES D’ÊTRE ARRÊTÉ

Très risqué

1• S’asseoir sur le siège conducteur, la clé dans le contact:«Dès que la clé est dans le contact, il y a une présomption que la personne qui occupe­­ la position du conducteur a la garde et le contrôle», indique Me Julie Couture, criminaliste.

Photo: Pierre-Paul Poulin

Moins risqué

2• S’asseoir ou dormir sur la banquette arrière ou du côté passager, avec les clés cachées sur une roue ou sur une roche en bordure de la route:«L’idéal, c’est de laisser tes clés à une barmaid ou à côté d’un caillou à l’extérieur. Tu peux ainsi dire au policier que tu n’as pas tes clés sur toi. L’idée, c’est qu’il ne faut pas que tu aies la capacité physique de conduire ton véhicule. Si tu n’as pas les clés, il n’y a pas la capacité réelle de conduire, donc il n’y a pas de contrôle», dit Alfredo Munoz, de SOS Ticket. «Pour ma part, je trouve qu’il est trop facile d’aller chercher les clés, même si elles sont à l’extérieur. Il faudra ainsi démontrer qu’il n’y avait pas de risque que le véhicule soit mis en mouvement», ajoute Me Couture.

Photo: Pierre-Paul Poulin

Très risqué

3• S’asseoir ou dormir sur le siège conducteur, avec les clés dans une poche, un porte-gobelet ou à proximité: «L’image d’une personne assise­­ derrière son volant, ça laisse croire qu’elle a l’intention de conduire, même si les clés sont cachées», note Alfredo Munoz, de SOS Ticket.

Photo: Pierre-Paul Poulin

Très risqué

4• S’asseoir dans un véhicule en attendant un taxi ou un accompagnateur:en février 2012, la Cour suprême a acquitté un homme qui s’était assis dans sa voiture, les clés dans le contact pour faire fonctionner le chauffage en attendant un taxi qu’il avait appelé à deux reprises. L’accusé, qui a dû passer au travers d’un long processus judiciaire­­, a finalement réussi à prouver qu’il n’avait pas l’intention de conduire.

«Il y a de la jurisprudence à cet effet, il faut être en mesure de présenter un plan bien arrêté­­ pour assurer un retour à la maison sécuritaire­­ pour le conducteur. Le plan doit être concret et fiable», explique Me Couture.

Photo: Pierre-Paul Poulin

Très risqué

5• S’asseoir ou dormir sur la banquette arrière ou du côté passager, avec les clés cachées dans le coffre:«Selon moi, c’est la même chose que si les clés sont à proximité dans la voiture. Surtout maintenant avec les clés à puce, où on n’a plus besoin que les clés soient dans le contact pour mettre en marche une voiture», dit M. Munoz.

Photo: Pierre-Paul Poulin

Très risqué

6• Marcher vers sa voiture, ses clés dans les mains, alors que l’on est ivre:«Le simple fait qu’une personne soit saoule, qu’elle se rende à son véhicule et qu’elle ouvre la porte côté conducteur, un policier peut l’arrêter. Il y a un motif de croire qu’elle va conduire son véhicule, explique M. Munoz. Donc, je recommande que la personne qui veut simplement aller chercher quelque chose dans sa voiture passe du côté passager, à l’arrière.»

Photo: Pierre-Paul Poulin

Très risqué

7• Déneiger sa voiture, alors qu’on est ivre et qu’on a les clés sur soi:«Il y a clairement une intention qui est démontrée, celle de vouloir partir avec ton auto», dit M. Munoz. «Là-dessus, je ne suis pas d’accord. J’irais plaider cette cause demain matin, parce que je trouve qu’on étire la loi un peu. C’est possible que la police ait l’impression que tu as l’intention de prendre ton véhicule, mais ça peut aussi être quelqu’un qui déneige en attendant son chauffeur désigné», précise Me Éric Lamontagne, de Contravention experts.

Photo: Pierre-Paul Poulin

Très risqué

8• S’asseoir ou dormir sur la banquette arrière ou du côté passager, avec les clés dans une poche, un porte-gobelet ou près de soi:«Peu importe où sont les clés, le tribunal va se pencher sur le fait que, oui, au départ vous n’aviez pas l’intention de conduire, mais que rien n’indique qu’à un moment, vous n’allez pas décider de prendre le volant», explique Me Éric Lamontagne.

Photo: Pierre-Paul Poulin
NE PAS PRENDRE DE RISQUE RESTE LA MEILLEURE SOLUTION

La meilleure solution pour éviter d’être accusé de garde et contrôle d’un véhicule en état d'ébriété reste de prévoir un plan B et de ne pas utiliser la voiture après avoir bu, s’entendent les experts contactés par Le Journal.

«Si vous avez les facultés affaiblies, il ne faut jamais s’approcher du véhicule», insiste Me Julie Couture, qui a représenté bon nombre de clients arrêtés dans de telles situations.

«Dans le doute, abstiens-toi. Ne cours surtout pas le risque, parce qu’il est grand. Même si tu habites loin et que ça te coûte 100 $ pour prendre un taxi, ce n’est rien comparé aux 5000 $ que ça va te coûter en frais d’avocat et aux problèmes que tu vas avoir si tu te fais arrêter avec les capacités affaiblies», ajoute Alfredo Munoz, président de SOS Ticket.

Si la police vous arrête après vous avoir surpris en train de dormir sur la banquette arrière en possession de vos clés, vous pourrez toujours tenter de vous expliquer... mais seulement une fois devant le juge.

«Le problème, c’est que, dans ce temps-là, on laisse ça à l’interprétation du tribunal. Pourquoi risquer d’avoir à débattre de vos intentions en cour?» soulève Me Éric Lamontagne.

Pour éviter de se retrouver dans un véritable tourbillon judiciaire, même si votre intention n’était pas de conduire saoul, plusieurs solutions s’offrent à vous, insistent les experts. Que ce soit de faire appel à un service de raccompagnement, à un chauffeur désigné, à un proche ou de prendre le transport en commun, cela vous évitera bien des problèmes.

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