Véhicules perte totale : les assureurs trichent-ils?
Lorsqu’on se procure un nouveau véhicule, il est impératif de l’assurer. Et bien sûr, la plupart du temps, les acheteurs choisissent leur assurance en fonction du prix, sélectionnant parfois quelques avenants qui leur seraient avantageux en cas de sinistre. Un des produits les plus populaires lors de l’achat d’un véhicule est bien sûr, la valeur à neuf.
Ce produit stipule qu’en cas de perte totale, l’assureur est tenu de rembourser la valeur d’un véhicule équivalent à celui qui a subi un sinistre, même si ce nouveau véhicule coûte un peu plus cher que celui qui avait été acheté au préalable. Par exemple, une Honda Civic EX 2016 qui coûtait à ce moment 23 900 $ coûte aujourd’hui 25 800 $.
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L’assureur serait donc tenu de rembourser l'équivalent de cette somme. Bien sûr, il existe des nuances et des variables concernant ce genre de couverture, d’un assureur à l’autre, mais en règle générale, il en va ainsi.
Évidemment, l’idée de choisir une valeur à neuf est de protéger son véhicule, afin de ne pas subir le choc de la dépréciation. Car un véhicule peut facilement perdre de 35 à 50% de sa valeur en quatre ans, parfois même plus. En se procurant cette couverture, le propriétaire de la Civic EX 2016 éviterait donc de perdre entre 8 000 $ et 10 000 $ de valeur, s’il subissait un sinistre durant une quatrième année de possession.
La valeur à neuf vendue par l’assureur n’est pas un produit à prix fixe. Une foule de variables peuvent faire varier la facture. Et il faut comprendre que la prime augmente chaque année, pour la simple raison que la valeur du véhicule assuré baisse constamment, et qu’il en coûterait de plus en plus cher pour le remplacer.
Paradoxalement, vous ne verrez jamais la prime d’un véhicule non assuré en valeur à neuf chuter au fil des ans sous prétexte que sa valeur baisse. Au contraire, la tendance est plutôt à l’augmentation, qu’importe le véhicule, s’expliquant en partie par un coût de réparation de plus en plus élevé. Mais bon, les règles des assureurs sont ce qu’elles sont…
Bin d’valeur, mais on répare !
Suite à un sinistre majeur, plusieurs personnes se sont récemment plaintes en mentionnant que leur véhicule, qui aurait dû être déclaré comme perte totale, a plutôt été réparé par l’assureur. C’est le cas d’un internaute qui m’a raconté son histoire en long et en large, aujourd’hui très frustré d’avoir payé pour une valeur à neuf pendant quatre ans, pour absolument rien.
Tout récemment, le client est donc victime d’un accident de la route avec sa Honda Civic EX 2016. Ce dernier s’en sort indemne, mais la voiture a subi de sérieux dommages. Il est persuadé que l’assureur enverra sa voiture à la ferraille. Mais non, on choisit plutôt de la réparer. On estime la valeur de sa voiture à 16 000 $ et les dommages à 13 500 $.
Le client est évidemment mécontent puisque très conscient que la voiture sera désormais fichée dans le système CARPROOF pour de sérieux dommages, ce qui fera chuter sa valeur de revente d’au moins 20-25%. Et il a raison.
L’assureur lui mentionne que dans son cas, jusqu’à hauteur de 85% de la valeur de la voiture, ce dernier est tenu de réparer. Évidemment, pour y parvenir, il ne se sera pas question d’utiliser des pièces d’origine. On pourra avoir recours à des pièces de marché après-vente, ou à des pièces usagées. L’assureur omettra toutefois de dire au client qu’il se protège grâce à une possibilité de réparation de dommages additionnels non visibles.
Une clause qui pourrait faire en sorte que des problèmes qui n’auraient initialement pas été notés par l’expert en sinistre puissent être corrigés par la suite. Dans ce cas, l’assureur effectuerait les réparations nécessaires, ce qui pourrait alors faire grimper le montant de la réclamation au-delà de la valeur totale de la voiture.
Vous me voyez venir, le propriétaire de la cette Civic est passé par là. Après avoir appris qu’on réparait sa voiture qui avait subi 13 500 $ de dommages, ce dernier a été mis aux faits de dommages additionnels non visibles qui faisaient ainsi grimper le coût de la réclamation à près de 18 000 $. Or, l’assureur, qui avait déjà entamé les réparations, a évidemment refusé de payer une voiture neuve au client, qui y aurait pourtant eu droit.
Ce genre de situation pourtant déplorable survient aujourd’hui de manière fréquente. Car la clause de dommage additionnel non visible protège l’assureur qui, inutile de vous le mentionner, en tire profit. Vous aurez bien sûr compris qu’il est drôlement plus profitable pour l’assureur de débourser pour une réparation que pour une voiture neuve.
Et cela, bien sûr, ouvre ainsi la porte à un stratagème qui m’a été dénoncé à mots couverts par un évaluateur en sinistre, m’avouant avoir été forcé de jouer avec des chiffres pour éviter à son employeur de débourser pour l’achat de véhicules neufs.
Imaginez ainsi qu’un assureur fait faire l’évaluation des dommages d’un véhicule par un de ses experts en sinistre. Ce dernier remarque un nombre suffisant de problèmes pour déclarer le véhicule en perte totale, mais l’assureur lui suggère fortement de trouver un moyen de réparer. L’évaluateur devrait donc magasiner au plus faible coût possible les pièces de remplacement, au point d’opter pour des pièces jugées discutables, tout en fermant les yeux sur quelques problèmes qui tomberaient dans la case des « dommages additionnels non visibles ».
Cela permettrait ainsi de faire faire les réparations, de donner davantage de travail à un atelier de carrosserie référé qui pourrait conséquemment bonifier une possible ristourne, tout en évitant le coûteux achat d’un véhicule neuf.
À l’opposé, si un véhicule n’est pas assuré en valeur à neuf, on forcera sa mise au rencart même si les dommages sont évalués à 70% ou 75% de la valeur de la voiture. Pourquoi? Parce que l’assureur possède le pouvoir de négocier la valeur du véhicule qu’il doit rembourser, tout en profitant d’un montant de retour provenant du recycleur qui démantèlera la voiture pour la revendre en pièces, ou pour le métal. Et le montant octroyé par le recycleur n’est pas symbolique, pouvant atteindre de 20 à 25% de la valeur du véhicule avant sinistre.
Victime d’un stratagème?
On peut ainsi imaginer que notre propriétaire de Honda Civic a été victime de ce stratagème, comme plusieurs autres automobilistes. Maintenant, que pourrait-on faire pour éviter ce risque? Assurer son véhicule sans valeur à neuf, avoir recours à un courtier de confiance qui se battra pour vous, ou avoir recours à l’assurance de remplacement du concessionnaire, qui vous garantit une couverture. Pourquoi cela?
Parce que l’assurance de remplacement sert à couvrir le manque à gagner non couvert par l’assureur. Ce dernier serait ainsi tenu de ne payer que la valeur du véhicule au moment du sinistre alors que la garantie vendue par le concessionnaire se chargerait de couvrir la balance. Résiliable en tout temps et remboursable au prorata du terme, elle couvre également les franchises nécessaires à une réclamation à votre assureur, en cas de sinistre mineur.
Un produit coûtant le double, voire le triple de ce que vous facturerait l’assureur, surtout si vous l’intégrez en plus dans le financement de votre véhicule, et qui aurait le désavantage de vous rattacher dans certains cas à la concession qui vous le vend.
Or, l’assurance de remplacement peut vous offrir une tranquillité d’esprit supplémentaire, qui limite certainement les possibilités de se faire jouer dans le dos par un assureur malhonnête.
Alors voilà, vous avez là le portrait d’une réalité qui prouve que plusieurs voitures qui auraient dû être déclarées en perte totale ont été réparées, sous le regard impuissant du client qui malgré ses plaintes, ne peut à peu près rien faire pour prendre l’assureur en défaut.
En terminant, je me permets de mentionner que l’expert en sinistre avec qui je me suis entretenu affirmait que la formule la plus payante pour le consommateur en matière d’assurance était de grimper le montant des franchises au plus haut niveau possible, afin de réduire le montant des primes.
Pourquoi cela? Tout simplement parce que pour de petits sinistres, les gens réclament de moins en moins, par peur de subir une trop forte hausse de leur prime d’assurance. Bin coudonc…