Et si la location était devenue un piège…

Publié le 8 avril 2021 dans Blogue par Antoine Joubert

Jamais n’aura-t-on vu autant de véhicules de luxe sur nos routes. Audi, BMW, Lexus, Mercedes-Benz, sans compter ces camionnettes pleine grandeur dont la facture peut frôler les 100 000 $.

Serait-ce parce que les gens sont plus fortunés? Ou encore, parce qu’ils gèrent mieux leurs finances? Bien sûr que non. Au contraire, jamais les gens n’ont été aussi endettés, les ménages canadiens affichant un ratio d’endettement à environ 170% de leur revenu annuel...

C’est donc dire que l’automobiliste moyen se procure plus que jamais un véhicule plus cher que ses moyens ne le permettent. Inutile de vous dire que les constructeurs automobiles et institutions financières facilitent l’accès à ces véhicules, que l’on ne réservait autrefois qu’à l’élite. Parce qu’il fut une époque où il fallait être réellement riche pour rouler en Mercedes-Benz. Or, la « facilité d’endettement » est désormais telle que l’on peut aisément se procurer une voiture de 50 000 $ en deuxième chance au crédit.

Louer pour accéder au luxe

Cela dit, l’accès à des véhicules plus onéreux se fait en très grande majorité par le biais de la location. Ainsi, plutôt que de faire l’achat sur quatre ans d’un Toyota RAV4 qui coûterait autour 850 $ par mois, on préfère louer un Mercedes-Benz GLC300 4Matic bien équipé, affichant un prix de détail suggéré supérieur par 25 000 $, pour une mensualité similaire. Pour certains, un choix réfléchi dans la mesure où l’on choisit en toute connaissance de cause de s’offrir du luxe. Or, vous aurez compris qu’il n’en va pas de même pour tous.

Naturellement, cette situation s’applique aussi à ceux qui ont un budget plus restreint. À des gens qui auraient normalement les moyens d’acheter une Honda Civic mais qui préfèrent louer un CR-V. En ce qui me concerne, un piège qui profite surtout à l’industrie, laquelle perd ironiquement des revenus d’entretien au détriment d’un plus grand nombre de ventes de véhicules neufs.

Pour certains, il est vrai que la location peut être avantageuse. D’un point de vue fiscal, où si le locateur respecte à la lettre les termes d’un contrat qui ne s’échelonne pas à plus de trois ans… quatre en forçant.

Par exemple, un véhicule affichant une bonne valeur de revente et loué à taux alléchant sur un terme raisonnable peut être intéressant, dans la mesure où vous roulerez à la limite du kilométrage qui vous est alloué. Une situation de moins en moins commune puisque la pandémie force depuis un an les gens à se déplacer de leur salon à leur cuisine au lieu de la maison au bureau. Ainsi, vous pourriez avoir loué en 2019 une voiture vous allouant 20 000 km par an, et n’utiliser que la moitié de ce kilométrage. Un cadeau de plusieurs milliers de dollars que vous ferez au locateur en remettant les clés à la fin du terme, comme pour d’innombrables automobilistes.

Bien sûr, il faut aussi considérer qu’à l’achèvement de votre location, une inspection rigoureuse de votre voiture sera faite afin d’y trouver quelques défauts pour lesquels vous devrez payer. Égratignure, jantes abîmées, usure des pneus, bris de vitre, lacune d’entretien. Tout pour vous facturer, mais sans doute dans une moindre mesure si vous choisissez de louer à nouveau un véhicule de cette concession.

Pour éviter ce problème, on peut toutefois vous vendre au début de la location une garantie « protection de fin de location », laquelle couvrirait les anomalies qui seraient dénotées au moment de la remise du véhicule. Une garantie dont le prix avoisine minimalement les 1 000 $, somme qui serait ajoutée à votre mensualité. Un petit 25 ou 30 $ par mois, ça vaut la peine, non?

La location amène aussi son lot d’incertitudes, dans la mesure où on vous incite parfois très fortement à effectuer l’entretien chez le concessionnaire. Un entretien que l’on vous fera faire, et que l’on pourrait même vous vendre pour le terme complet de location, afin de s’assurer de l’état du véhicule à son retour. Naturellement, le concessionnaire qui revendra alors le véhicule dans son département d’occasion n’aura pas à faire cet entretien pour en obtenir un meilleur prix. Vous l’aurez fait pour lui!

Des termes beaucoup trop longs

Cela dit, le piège de la location se situe hélas dans l’étendue des termes. Des locations pouvant atteindre 60 mois, parfois même plus. Un non-sens, puisque la différence mensuelle entre un terme de 4 ou 5 ans n’est parfois que de quelques dizaines de dollars.

Pour un Nissan Rogue SV, on parle d’une différence d’à peine 35 $ par mois, pour étirer une location sur une année supplémentaire. Une année où le véhicule n’est plus couvert par la garantie, et où il faudra assurément remplacer les freins, les pneus et toute autre pièce d’usure normale. Tout ça, pour « économiser » 35 $ par mois. Pensez-vous sincèrement que le locateur peut se sortir gagnant d’une telle situation? Évidemment pas.

Photo: Frédéric Mercier

Pourtant, les locations sur cinq ans sont communes. Chez Honda, Nissan et Toyota, notamment. Un piège à éviter à tout prix. On vous convaincra d’opter pour cette option en prétextant pouvoir remplacer votre véhicule sans frais après seulement trois ou quatre ans. Mais attention, si on le fait, c’est qu’on joue avec les chiffres, à votre insu, transférant souvent une partie de la dette du véhicule sur le nouveau, sans même que vous n’y voyez quelque chose.

Aujourd’hui, environ 45% des acheteurs de véhicules neufs optent pour la location. Un ratio nettement trop élevé par rapport aux besoins réels des automobilistes canadiens, surtout dans le contexte actuel. Alors, avant de louer votre véhicule, posez-vous quelques questions. S’il vous fallait financer le véhicule (au maximum sur un terme de six ans), en auriez-vous les moyens? Quel kilométrage comptez-vous effectuer? Est-ce que l’objectif de la location est uniquement de vous donner accès à un véhicule plus cher? Est-ce que le véhicule que vous comptez louer affiche une bonne valeur de revente (valeur résiduelle importante pour favoriser le paiement de location)? Est-ce que le taux de location est plus élevé que celui du financement?

Ces quelques questions vous feront réfléchir et pourraient vous inciter à opter pour un financement traditionnel, où vous aurez l’heure juste et où il est plus difficile de se faire piéger. Car, bien qu’un locateur n’ait à débourser sur quatre ans qu’environ 50%  de la valeur du véhicule, ce dernier en est responsable en entier. Jusqu’à la remise des clés…

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