Histoire de minounes

Publié le 7 mai 2021 dans Blogue par Antoine Joubert

Au cours de ma jeunesse, j’ai possédé d’innombrables vieux bazous qui se sont succédé en ayant comme unique avantage de développer ma débrouillardise tout en m’éduquant sur les erreurs à ne pas répéter.

Aujourd’hui nostalgique, je continue d’acheter de vieilles voitures triées sur le volet, en guise de passe-temps. Sauf qu’à une certaine époque, ces minounes constituaient tout ce que je pouvais m’offrir. Elles m’ont certainement fait grandir dans le monde automobile et me permettent aujourd’hui de raconter des histoires certainement plus savoureuses que celle du jeune homme de 16 ou 17 ans qui se procure une voiture neuve, se projetant dans le futur pour 84 mensualités…

Saturn SL et Plymouth Sundance

En 1999, un collègue de travail de mon père lui mentionne vouloir se défaire de sa Saturn SL 1992. Je l’informe donc mon « intérêt » pour cette voiture, qu’il me cédera pour 600 $.

Rouillée sur tous les panneaux qui ne sont pas en polymère, cette Saturn a besoin d’un pare-brise (jadis très coûteux), de pneus neufs et d’un sérieux ménage à son bord.

L’odeur de cigarette y est aussi forte que celle causée par les poils de chien, littéralement soudés aux sièges de tissu. Également, la garniture de pavillon est usée jusqu’au carton, conséquence de cette grosse chevelure bouclée que portait fièrement son propriétaire. Affichant quelque 200 000 km, je prends donc possession de la voiture pour rapidement réaliser qu’elle ne sera pas mienne très longtemps.

Un peu de ménage et il n’en fallait pas plus pour que ladite Saturn se retrouve dans les Petites Annonces du Journal de Montréal, affichée à 1 250 $. Ironiquement, c’est le bouche-à-oreille qui me permettra de vendre la voiture avec un certain profit. En effet, l’ami d’un ami m’offrira pour la voiture la somme de 900 $, accompagnée d’une Plymouth Sundance 1989 à boîte manuelle dont les plus belles années étaient derrière elle.  

En somme, une vieille guimbarde qu’il me faudra revendre pour finalement obtenir le montant désiré. J’accepterai donc l’offre en ne passant toutefois que très peu de temps à l’inspecter, sachant qu’il me faudrait rapidement écrire à nouveau un descriptif pour les petites annonces…

Photo: Antoine Joubert

Cette Plymouth Sundance, dont la couleur chevauchait entre le doré et le beige, était cependant en piteux état. Pourtant achetée neuve par les parents de celui qui me l’a cédée, cette voiture avait néanmoins servi aux trois enfants de la famille, qui avaient fait leur apprentissage de conduite à son volant. Ainsi, en plus d’un embrayage quelconque, de pneus à la fesse et d’un échappement défectueux, elle avait aussi le désavantage d’un plancher perforé à l’arrière. Un irritant d’autant plus problématique, considérant que les émanations de l’échappement percé allaient se retrouver directement à bord. Puis, parce que la bague de soulèvement du levier de vitesse nécessaire pour la mise en marche arrière n’était plus, une paire de pinces servant à rejoindre le loquet en plein centre du levier allait être d’une grande aide.

L’horrible Sundance ne sera demeurée chez mois que quelques jours, et ce, sans même que je n’aie à la mettre en vente. En effet, une connaissance allait me mentionner la vouloir pour ses déplacements au travail, recherchant justement une « minoune » qui ne servirait qu’à cela. Je lui ai donc vendu la voiture pour 350 $, me permettant ainsi de récupérer la somme complète initialement demandée pour la Saturn. Or, cette voiture allait sans le savoir se transformer en véritable billet de loterie pour son nouvel acheteur.

Quelques semaines plus tard, alors que la Sundance était stationnée sur la rue devant chez lui, une déneigeuse allait l’accrocher sévèrement. Aile, capot, grille de calandre, phare gauche et même le pare-brise devaient être remplacés. Inutile de vous dire que l’assureur n’a pas procédé, offrant plutôt à l’assuré le somme de 2 700 $ en guise de compensation. Oui! 2 700 $, pour ce cancer sur roues payé 350 $. Une blague monumentale, d’autant plus que l’assureur n’allait pas réquisitionner la voiture en échange.

Ainsi, quelques pièces récupérées dans un centre de recyclage pour à peine 200 $ allaient permettre de remettre la voiture « en condition ». Parce que son acquéreur voyait soudainement en elle une bonne étoile et parce que malgré son état très avancé (euphémisme), elle démarrait chaque matin. Affichant lors du sinistre autour de 265 000 km au compteur, la Sundance aura ironiquement roulé par la suite environ 40 000 km de plus, dépassant ainsi les 300 000 km. Hélas, l’embrayage aura finalement rendu l’âme, causant ainsi sa perte. La voiture a donc terminé sa carrière au même centre de recyclage d’où provenaient les pièces, où son propriétaire allait en obtenir…200 $.

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