J'ai vendu mon catalyseur 500$

Publié le 17 juin 2021 dans Blogue par Antoine Joubert

Saint-Jean-sur-Richelieu, à l’ouverture des restaurants. Je profite de l’occasion pour saluer mon ami propriétaire d’un resto-bar et pour y casser la croûte.

Au bar, un homme seul sirote sa bière en attendant son repas. Ce dernier revêt un t-shirt à l’endos duquel on peut lire « Achetons catalyseurs », accompagné d’un numéro de téléphone. Étant au courant du fléau actuel des vols de catalyseurs causé par la montée des prix de certains métaux, je ne pouvais faire autrement que de me lever pour lui piquer une jasette.

Avant tout, mentionnons que des centaines de personnes se font chaque jour voler leur catalyseur. Celui-ci est une pièce maîtresse du système d’échappement qui permet de brûler plus efficacement les gaz afin de diminuer les émanations polluantes. Ces derniers sont volés en raison de la montée en flèche du prix du rhodium et du palladium, des métaux si précieux qu’ils se négocient aujourd’hui à prix plus élevé que l’or. Conséquemment, d’innombrables individus malveillants ont choisi d’arrondir leur fin de mois en effectuant des vols dans le but de revendre ces catalyseurs à ceux qui en font le commerce, ce qui inclut des fonderies les transformant en lingots.

En discutant avec le type installé au bar, j’apprends que ce dernier achète entre 1 500 et 2 000 catalyseurs mensuellement. Ces derniers proviennent de partout, mais principalement des centres de recyclage et curieusement, des entreprises de remorquage qui par toutes sortes de subterfuges, réussissent à mettre la main sur des quantités étonnantes. À ces entreprises s’ajoutent ensuite des individus qui vont littéralement à « la chasse » aux catalyseurs, légalement ou pas. Selon ses dires, la majorité des transactions qu’il effectue sont tout à fait légales. Apparemment ,il tiendrait un registre de ceux qui lui vendent les pièces. Or, les catalyseurs sont achetés comptant, ce qui ne laisse évidemment aucune trace. Sans doute que certaines transactions effectuées avec des centres de recyclage sont pour leur part traçables, avec de possibles transferts électroniques. Or, il est clair que cette « business » est majoritairement faite au noir...

Parce que le hasard fait bien les choses, je me retrouvais à ce moment avec un catalyseur complètement bouché, issu d’un Chevrolet HHR 2011. Un véhicule subissant une transformation et qui fera partie de ma prochaine série télé Roulez au suivant, sur lequel nous avons installé un catalyseur de remplacement. Bien qu’il soit défectueux, notre catalyseur d’origine Chevrolet conservait sa pleine valeur, les métaux précieux s’y trouvant n’étant aucunement affectés. Rapidement, le type me confirme qu’il paiera 400 $ pour ce seul morceau, que j’aurais normalement jeté aux ordures. Il me mentionne que le catalyseur de remplacement, vendu environ quatre fois moins cher que l’original, n’a à ses yeux pratiquement aucune valeur puisque la quantité de métaux précieux y est infime.

Cet élément m’intrigue alors énormément, m’interrogeant sur les normes à respecter pour commercialiser des pièces de remplacement qui doivent techniquement effectuer le même travail qu’une pièce d’origine. En discutant avec André Gamelin de Pièces d’Auto Super, j’apprends que les normes sont moins sévères parce qu’un catalyseur d’origine est initialement garanti pour un terme minimal de sept ans. Sauf dans des cas particuliers, on ne remplace pas cette pièce avant ce terme. De ce fait, les manufacturiers comme Walker - qui n’ont pas à garantir le rendement de leur pièce sur une aussi longue période - peuvent diminuer la quantité de métaux précieux s’y trouvant et, conséquemment, vendre à prix moindre.

La transaction

N’ayant évidemment pas la pièce en ma possession au moment de la discussion, je donne rendez-vous à l’acheteur dans un garage de la région, quelques jours plus tard. Ce dernier se présente, examine le catalyseur et m’apprend qu’il vaut encore plus cher qu’il ne le croyait. Je t’offre 500 $, me dit-il, visiblement heureux de la chose. Il me dit pouvoir le revendre à une entreprise de démantèlement avec 20% de profit, ce qui veut probablement dire au moins 50%. Autrement dit, 1 000 $ (et peut-être plus), pour un catalyseur défectueux arraché à un véhicule qui n’en valait guère plus.

Heureux d’avoir fait une bonne affaire, il sort son portefeuille dans lequel on peut à l’œil compter au moins 10 000 $. Cinq billets bruns, et le tour est joué! C’est à ce moment que j’ai compris qu’il s’agissait d’une façon on ne peut plus simple de se faire de gros sous, ouvrant ainsi la porte aux malfaiteurs. Le type me confiait même encourager les gens à remplacer leur catalyseur d’origine par un modèle d’après-marché, mentionnant qu’il pouvait être payant de vendre un catalyseur à 600 $ ou 700 $ pour ensuite acheter une pièce de remplacement à prix d’aubaine. D’ailleurs, on constate également une hausse importante des prix de ces pièces de remplacement, sans doute parce que la demande n’a jamais été aussi forte.

Manifestement, le vol de catalyseur est en train de devenir un problème de société. Ne soyez donc pas surpris si votre assureur ajoute éventuellement une clause distincte pour ce seul élément. Parce que le plus étonnant dans tout ça, c’est que la police n’y fait pratiquement rien. À sa défense, il est difficile de traquer des milliers de petits bandits plutôt qu’un seul réseau. Or, pour l’heure, il s’agit pour plusieurs d’une vraie mine d’or. Ou plutôt… une vraie mine de rhodium!

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