Lincoln LS, pourtant !
Dès qu’on prononce le mot Lincoln à un amateur de voiture branchée, cette personne roule des yeux et pousse un soupir de découragement. Lincoln, c’est la division officielle des papys et des Town Car d’aéroport. Pour ces gens, c’est la marque gériatrique par excellence. Après avoir été la chérie des amants des suspensions guimauves et des dimensions semblables à celles d’un porte-avions, cette division tente de se sortir peu à peu de cette étiquette presque suicidaire sur notre marché. Après les échecs successifs connus avec l’Aviator et le Blackwood, Dearborn essaie de remonter la pente avec de nouveaux modèles comme le Zephyr et la camionnette LT.
Pourtant, un effort de dépoussiérage a été tenté en 1999 avec le lancement de la LS qui devait justement transformer l’image de marque et attirer une clientèle beaucoup plus jeune. Pour l’occasion, les ingénieurs avaient eu le feu vert pour concevoir une plate-forme de performance qui a été également utilisée sur la défunte Thunderbird et la Jaguar Type S. Et cinq années après sa conception, elle a été choisie pour servir de base à la nouvelle Mustang. C’est dire à quel point le travail avait été bien fait.
Bref, la direction de Ford avait décidé de faire ce que les mordus des voitures sportives leur avaient demandé : produire une berline de luxe nord-américaine capable d’offrir une tenue de route à l’égale des meilleures européennes. Ce n’est pas sans raison que des ingénieurs de Ford Motorsport, impliqué en Formule Un et en Champ Car à l’époque, assistaient au lancement de la LS à l’été 1998. La plate-forme et la suspension étaient de leur conception. Ce qui explique pourquoi le comportement routier de cette américaine donne du fil à retordre à toutes ses concurrentes. Sur un circuit sinueux, la LS est non seulement capable de se défendre honorablement et de laisser plusieurs concurrentes dans son sillage, mais elle le fait avec aplomb et autorité. Certaines autos sont susceptibles d’aller chercher des temps records, mais la conduite est ardue et il faut se démener pour la garder en piste et rouler vite. La LS est tout à fait le contraire. L’assistance de la direction est juste ce qu’il faut tandis que le train arrière semble coller à la route.
La suspension bien calibrée de même que des pneumatiques performants sont le secret de cette bonne tenue de route. Mais faute de puissance, ces deux outils sont sous-utilisés. C’est ce qui se produisait avec la version à moteur V6 3,0 litres de 230 chevaux, celui-ci bouclait le 0-100 km/h en 8,9 secondes, ce qui est assez lent. Malheureusement, pour remporter le titre de sportive, il lui faut davantage de vélocité. À titre de comparaison, la Lexus RX330, un VUS urbain pas trop sportif, prend une demi-seconde de plus pour le même exercice. Pour avoir droit à l’épithète de berline sport, la Lincoln devrait pouvoir descendre sous la barre des sept secondes, ce qui était impossible avec le moteur V6. D’ailleurs, la Jaguar Type S ne fait guère mieux avec le même moteur.
C’est pourquoi le moteur V8 3,9 litres est désormais seul au catalogue. Ses 280 chevaux permettent d’améliorer les performances de façon marquée et de retrancher presque deux secondes au chrono du 0-100 km/h, ce qui est similaire à ce que la Jag peut réaliser avec son moteur V8 de 294 chevaux.
Au tout début, il était possible de commander une version à moteur V6 équipé d’une boîte manuelle. Avec un équipement correct, mais pas nécessairement luxueux, ce modèle était bien équilibré en fait de tenue de route et le fait de pouvoir jouer du levier de vitesses et de la pédale d’embrayage ajoutait à l’agrément de conduite. Bien entendu, cette LS bien spéciale a été boudée par le public de sorte que seule une transmission automatique à cinq rapports est offerte. Si l’étagement de la boîte est correct, il faut éviter les accélérations brusques suivies d’un allègement de l’accélérateur. Cela se traduit généralement par une forte secousse de la boîte qui gère mal ces importantes modifications de couple. Et toujours au chapitre de la gestion de la puissance, le fait de rouler à haute vitesse sur une chaussée bosselée ne fait pas bon ménage avec le système antipatinage qui a tendance à s’affoler.
Incognito
Il existe deux catégories d’acheteurs de voitures de luxe. Dans la première se retrouvent les gens qui veulent épater la galerie et faire savoir à leur entourage qu’ils ont réussi dans la vie. La seconde est constituée de personnes qui tiennent à ne pas se faire remarquer, qui apprécient avant tout le comportement routier et l’agrément de conduite de même que le luxe de la cabine. Il est évident que la LS a été dessinée pour répondre aux attentes de cette seconde catégorie. La silhouette est équilibrée, mais d’une sobriété extrême. Et si ce design était correct au tournant du siècle, il commence à prendre de l’âge et un peu moins d’anonymat ne ferait pas de tort. À moins que vous n’ayez témoigné à la Commission Gommery…
Bien entendu, l’habitacle est de même inspiration. Malgré des sièges en cuir et une débauche d’accessoires, les occupants ont toujours l’impression d’être à bord d’une économique. De plus, les cadrans indicateurs avec leurs chiffres gris sur fond grisâtre ne font rien pour jazzer l’atmosphère. Et Ford s’entête à utiliser ce levier des clignotants multifonction qui fait toujours damner. Il y a aussi des éléments positifs, notamment les sièges avant climatisés, l’excellente chaîne audio et un volant gainé de cuir qui se prend bien en main.
Ce bilan mi-chair, mi-poisson pourrait être rapidement transformé de façon positive avec une nouvelle silhouette et un habitacle moins sinistre.
Feu vert
Excellente tenue de route
Moteur V8
Freinage efficace
Transmission cinq rapports
Suspensions bien calibrées
Feu rouge
Dépréciation élevée
Habitacle à revoir
Diffusion confidentielle
Modèle en sursis
Forte consommation (V8)