Vous souvenez-vous de la… Plymouth Prowler?

Publié le 3 avril 2022 dans Voitures anciennes par Hugues Gonnot

Personne n’avait encore jamais osé : un hot rod de série! Et le plus fou, c’est que Chrysler se fichait presque de savoir s’il allait se vendre ou pas.

La Prowler avait d’autres buts à remplir.

Changer l’image

Au début des années 90, Chrysler est de nouveau mal en point. Son président, Lee Iacocca, s’est entêté dans la monoculture des K-Cars. Heureusement, le lancement des berlines LH à cabine avancée en 1992 (pour le millésime 1993) se passe bien et inaugure une ère de prospérité pour la compagnie. Mais il faut encore dépoussiérer l’image de marque. Pour cela, Chrysler peut compter sur une équipe de designers, dirigée par Tom Gale, prête à concevoir les concepts les plus allumés.

La présentation de la Viper en 1989 comme concept puis en 1992 comme véhicule de série avait fait le plus grand bien à Dodge. Ne serait-il pas possible d’en faire autant pour Plymouth, alors déjà en état de mort cérébrale?

Photo: Chrysler

Côte ouest

L’histoire de la Prowler débute au printemps 1990, au studio Pacifica, en Californie. Les designers cherchent de nouvelles idées de prototypes et l’un d’entre eux s’exclame : « Pourquoi ne pas faire un hot rod? » La suggestion plaît, d’autant que Tom Gale est en train de se construire un hot rod Ford 1933 à la même époque.

Ce sont les esquisses de Kevin Verduyn, qui réalisera de nombreux concepts pour Chrysler de 1987 à 2008, qui tapent dans l’œil de Bob Lutz, alors vice-président responsable du développement, lors d’une visite à Pacifica à l’automne 1990. Pacifica assure la conception du véhicule jusqu’à sa présentation au Salon de Detroit 1993.

Il existe une histoire alternative. À ce moment, Chip « Overhaulin’ » Foose finit sa thèse à l’Art Center College of Design dans un projet parrainé par Chrysler. Il crée un concept baptisé Hemisfear. Foose clame que c’est son dessin qui a engendré la Prowler. En fait, le design final est relativement proche du propre hot rod de Gale et ce dernier crédite clairement Verduyn dans une interview au Wall Street Journal.

Photo: Chrysler

L’histoire bégaie

Quatre ans après la Viper, Chrysler est à nouveau la vedette du Salon de Detroit. Le coupé violacé à moteur V6 fait tourner toutes les têtes. Tout le monde en veut un.

Aussi fou que cela puisse paraître à l’époque, Bob Lutz lance une étude pour déterminer la faisabilité de la production. Au printemps 1993, le feu vert est donné. Craig Love est nommé chef du projet et un budget de 90 millions de dollars est débloqué.

Dans la logique de Lutz, la compagnie dépense des centaines de millions en publicités oubliées sitôt vues. Autant commercialiser un véhicule qui fera parler. Et puis la Prowler a un autre dessein : servir de banc d’essai à de nouvelles technologies de production avec de l’aluminium, un matériau qui permet de réduire le poids des véhicules mais avec lequel Chrysler a peu d’expérience.

Photo: Chrysler

Pioche!

Si les lignes du concept sont relativement préservées (les différences les plus évidentes sont au niveau des phares avant, du coffre et des ailes) au passage à la série, le modèle final est plus long de 3 pouces et plus large de 4 pouces.

Le châssis est en aluminium, ainsi que les panneaux de carrosserie. Toujours pour amoindrir le poids, la structure qui supporte la planche de bord est réalisée en magnésium.

Pour compresser les coûts au maximum, les ingénieurs puisent abondamment dans la banque d’organes de la Chrysler (40% des composants de la Prowler). Le V6 de 3,5 litres (214 chevaux et 221 lb-pi de couple) est issu des LH. Ce moteur est choisi afin de réduire le nombre de kilos sur la balance (la Prowler ne pèse que 1 350 kilos). À ce moment, l’entreprise n’a pas encore son Hemi moderne et les V8 en fonte dont elle dispose auraient sérieusement modifié la répartition du poids (45% à l’avant et 55% à l’arrière). Aujourd’hui, on sait qu’un V8 rentre au chausse-pied, les conversions ne manquant pas.

Photo: Chrysler

La boîte de vitesses automatique à 4 rapports est également tirée des LH. Elle est placée dans l’essieu arrière, toujours pour favoriser la répartition du poids. Cette dernière offre la fonction « Autostick » qui permet le passage des rapports à la main, comblant ainsi en partie l’absence de boîte manuelle. Le boîtier de direction provient des minifourgonnettes du groupe et les suspensions de la Viper.

La version finale est présentée au Salon de Detroit 1996, la commercialisation est annoncée au même Salon en 1997. Certains se pincent encore pour s’assurer que tout cela est bien vrai. La production commence à l’été 1997 à l’usine de Conner Avenue, à Detroit dans le Michigan, qui est aussi responsable de la fabrication de la Viper. Chrysler pense alors pouvoir en écouler entre 3 000 et 5 000 exemplaires par année.

La couleur pourpre

La Prowler arrive en concession pour le millésime 1997 avec une seule couleur disponible et avec une liste d’équipements complète : vitres électriques, verrouillage central, climatisation, sièges et volant en cuir, coussins gonflables, chaîne hi-fi Infinity de 320 watts et compte-tours sur la colonne de direction, histoire de rester dans l’ambiance hot rod.

Photo: Chrysler

Au Canada, elle est étiquetée à 51 995 $, ce qui n’est pas donné (par exemple, une Mustang GT V8 coûte alors 23 595 $) mais c’est un véhicule unique sans véritable concurrence. Les performances sont bonnes sans être décoiffantes (le 0 à 100 km/h est réalisé en 7,5 secondes), la tenue de route est jugée excellente (0,84 g d’accélération latérale) avec un confort un peu limité. Mais le défaut numéro un, c’est le coffre : de très petit, il passe à inexistant une fois la capote abaissée.

Pour remédier à cela, Plymouth propose une remorque revêtant le dessin de l’arrière de la Prowler et de couleur coordonnée (à peine 1 367 seront vendues dans toute la carrière du véhicule). Le premier millésime est court et seulement 457 Prowler sont produites (dont 53 pour le Canada).

Photo: Chrysler

Un véhicule laboratoire

La Prowler n’est pas fabriquée en 1998 et revient en 1999 avec un V6 poussé à 253 chevaux et 255 lb-pi de couple (0 à 100 en 6,2 secondes). Cette année pleine se solde par 3 921 véhicules produits (dont 230 pour le Canada).

La marque Plymouth est arrêtée au Canada à la fin du millésime. Pourtant, la Prowler continuera à y être commercialisée sous ce nom pendant encore deux ans avant de devenir une Chrysler en 2002.

Au SEMA Show  de 1999, Plymouth présente le concept Howler, qui corrige le défaut principal de la Prowler. Grâce à un coffre arrière agrandi, on peut maintenant charger 3 sacs de golf sans problème. Le moteur est un V8 de 4,7 litres couplé à une boîte manuelle à 5 rapports. Il restera à l’état de prototype.

Photo: Chrysler

L’année 2000 voit l’introduction de suspensions révisées améliorant le confort. La production baisse à 2 746 exemplaires (155 pour le Canada). Plymouth disparaît à son tour aux États-Unis à la fin de 2000. La Prowler devient alors une Chrysler. La production de 2001 s’établit à 3 142 exemplaires (150 pour le Canada) et celle de 2002 à 1 436 exemplaires (dont 85 chez nous).

Trois séries limitées seront proposées : Woodward en 2000 (rouge et noir), Black Tie en 2001 (noir et gris) et Mulholland (bleu), toujours en 2001. Si le pourpre est la seule couleur disponible en 1997, la Prowler se déclinera en 12 couleurs différentes selon les années, la plus populaire étant le noir.

La fusion avec Mercedes-Benz en 1998 a changé les priorités du groupe et la production de la Prowler s’arrête le 15 février 2002. Le dernier exemplaire (dit Conner Avenue Edition, en hommage à l’usine) est peint dans un bleu perlé « high voltage » unique et est mis en vente aux enchères le 18 mai 2002 au profit d’une fondation pour la sclérose en plaques. Il atteint la somme de 175 000 $ US.

Au total, 11 702 Prowler auront été produites en 5 ans (10 905 vendues aux États-Unis, 673 au Canada et 124 véhicules pilotes). L’absence de V8 et d’une boîte manuelle aura été un facteur déterminant pour les ventes. Même si elle n’a pas eu l’effet stimulant espéré pour Plymouth, Chrysler n’a pas perdu beaucoup d’argent avec la Prowler grâce à un budget de développement extrêmement bas. Le véritable enjeu était de travailler avec des matériaux nouveaux. Et dans ce sens, elle a été un projet de recherche fructueux!

En vidéo : Disparition de Plymouth - déjà plus de 20 ans!

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