Vous souvenez-vous de la… Mercury Capri?
Malgré des débuts prometteurs, la Mercury Capri n’a pas réussi à sortir de l’ombre de sa prestigieuse cousine : la Ford Mustang.
Le nom Capri est pour la première fois apparu chez Ford en 1952 comme un modèle de Lincoln. La marque l’utilisera jusqu’en 1958. C’est ensuite Ford Angleterre qui en fera usage sur une variante coupé de sa Consul Classic de 1961 à 1964. Retour en Amérique, chez Mercury cette fois, où l’appellation est accolée en 1966 et 1967 à des versions de la Comet. Retraversée de l’Atlantique en 1969 alors que Ford Europe lance un coupé aux lignes sportives.
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La Mustang européenne
C’est dans cet état d’esprit qu’est conçu ce modèle, qui sera vendu en Grande-Bretagne avec le slogan « La voiture que vous vous étiez toujours promise ». La Capri sera déclinée en trois générations et sera produite de 1969 à 1986. Elle connaîtra un joli succès en Europe (spécialement en Angleterre), en Australie, en Afrique du Sud et, étonnamment, en Amérique du Nord.
Elle est commercialisée ici dès 1970 dans le réseau Lincoln-Mercury. Grâce à des moteurs de plus en plus gros (initialement 1,6 litre puis 2,0 litres et enfin V6 de 2,8 litres), les ventes montent régulièrement et atteignent 113 069 exemplaires en 1973, sa meilleure année. À partir de 1974, elles baissent et l’arrivée de la deuxième génération pour le millésime 1976 ne permet pas d’enrayer cette chute. La raison : l’augmentation importante des prix à cause d’un deutsche mark toujours plus fort. En 1978, dernière année de sa commercialisation, elle coûte plus cher qu’une Mustang, ce qui explique qu’elle n’est alors écoulée qu’à 4 079 exemplaires. Au total, la Mercury Capri aura généré 464 729 ventes en Amérique sur neuf millésimes. Mais si Mercury veut continuer l’aventure, elle va devoir trouver une autre source. Et cela tombe bien, car Ford a quelque chose dans le pipeline.
Rusé comme un renard
Le développement de la plateforme Fox commence en 1973. À ce moment, Ford envisage une plateforme unique pour remplacer plusieurs modèles en Amérique du Nord, Amérique du Sud, Europe et Australie. Cependant, dès 1975, à cause de coûts de conception élevés, de la difficulté d’harmoniser les méthodes de production à travers le monde et des normes gouvernementales complexes entre les différents pays, seule l’Amérique du Nord est considérée.
La plateforme Fox doit servir au renouvellement des Pinto (projet abandonné au profit de l’Escort), Maverick (se seront les Ford Fairmont et Mercury Zephyr) et Mustang. Et c’est ce dernier modèle qui a la priorité des ingénieurs. « Ce qui est bon pour la Mustang est bon pour les autres gammes », pensent-ils. C’est pourquoi ils choisissent d’utiliser une construction monocoque, une suspension McPherson à l’avant, une suspension à 4 bras à l’arrière (avec ressorts hélicoïdaux à la place de ressorts à lames) et une direction à crémaillère. Devant la baisse des ventes du modèle importé d’Allemagne, la Capri est finalement ajoutée au programme.
Ça part fort!
Les Ford Mustang et Mercury Capri sont introduites sur le marché le 6 octobre 1978. Par rapport à sa cousine, la Capri se distingue par une face avant plus horizontale (qui explique un Cx montant de 0,44 à 0,48), des feux arrière redessinés, des passages de roue galbés, la disponibilité d’une seule carrosserie hatchback (la Mustang existe aussi en coupé 2 portes), une finition en similibois à l’intérieur et un meilleur équipement de base (d’où un poids supérieur de 44 kilos).
Quatre moteurs sont proposés : 4 cylindres de 2,3 litres (88 chevaux), V6 de 2,8 litres (109 chevaux, il sera remplacé en cours d’année par un 6 cylindres en ligne de 3,3 litres à cause de problèmes d’approvisionnement depuis l’Allemagne), V8 de 5,0 litres (140 chevaux) et 4 cylindres turbo de 2,3 litres (140 chevaux). Quatre niveaux de finition sont disponibles : base, Ghia, RS et RS Turbo (avec, logiquement, le moteur turbo d’office, des pneus Michelin TRX et une suspension renforcée).
Au lancement, la presse apprécie les lignes modernes, la tenue de route, le V8 coupleux, l’habitacle accueillant mais le moteur turbo n’est pas du goût de tout le monde, ainsi que l’essieu arrière rigide. Au Canada, la Capri de base est proposée à 5 267 $, soit seulement 67 de plus que la Mustang hatchback. La clientèle suit en masse : les ventes de Mustang passent de 192 410 exemplaires en 1978 à 369 936 en 1979. La Capri réalise un excellent démarrage avec 110 144 immatriculations.
Turbo ou pas turbo?
Durant sa carrière, la Capri connaîtra d’importantes évolutions du côté des moteurs… sauf pour le 4 cylindres qui restera à 88 chevaux (excepté en 1982, 86 chevaux, et en 1983, 90 chevaux). Le 6 cylindres en ligne de 3,3 litres (91 chevaux) sera remplacé par un V6 de 3,8 litres développant 120 chevaux en 1983 (avec carburateur deux corps d’abord puis l’injection électronique à partir de 1984). Le V8 de 5,0 litres disparaît en 1980 au profit (si l’on peut dire…) d’un V8 de 4,2 litres de 117 chevaux qui s’éclipsera à son tour à la fin de 1982 (115 chevaux en 1981 et 120 chevaux en 1982).
Le 5,0 litres ne fait son retour qu’en 1984, avec cette fois une injection électronique (165 chevaux) mais cette version ne durera que deux ans. La vraie vedette, à partir de 1982, c’est le 5,0 litres HO (High Output) qui déploie 157 chevaux. Sa puissance montera à 175 chevaux en 1983, puis 210 chevaux en 1985 et enfin 200 chevaux en 1986, lors du passage à l’injection électronique. Quant au 4 cylindres turbo, il s’avère populaire au lancement. Sa puissance s’élève à 150 chevaux en 1980, il est toutefois retiré du catalogue au cours du millésime 1981 à cause de problèmes de fiabilité après seulement 17 exemplaires fabriqués. Il revient en 1983 avec une injection électronique (143 chevaux, puis 175 en 1984 avec le bloc de la nouvelle Mustang SVO sur la Turbo RS). Il est définitivement supprimé à la fin de 1984, le V8 ayant retrouvé une place de choix dans le cœur des acheteurs.
Spirale infernale
Le millésime 1980 ne voit que des changements mineurs. Les ventes baissent à 79 984 exemplaires, celles de la Mustang descendent aussi, à 271 322 exemplaires. Le second choc pétrolier est passé par là… Pour 1981, la version Ghia est remplacée par la GS. L’équipement est amélioré, tandis que les freins à disque sont désormais de série et qu’un toit T-Top est proposé en option. La baisse des ventes continue : 58 946 exemplaires.
La gamme est revue pour 1982 (base, L, GS et RS), néanmoins seuls 36 134 exemplaires sont écoulés. Le millésime 1983 apporte son lot de changements significatifs : nouvelle calandre, vitre arrière en forme de bulle, révisions intérieures… mais rien n’y fait : seules 25 376 Capri sont vendues. Il faut dire que la concurrence interne est plus forte que jamais : la nouvelle Mercury Cougar est poussée par le réseau de concessionnaires, car plus rentable, et la Mustang bénéficie de nouveau d’une carrosserie cabriolet, déniée à la Capri. La gamme est simplifiée pour 1984 (GS de base, RS et Turbo RS) alors que la banquette arrière rabattable vient de série.
Contrairement à la Mustang, dont les ventes redécollent (141 580 exemplaires), la Capri continue sa spirale descendante : 20 642 exemplaires. La gamme est encore simplifiée pour 1985 (GS et RS 5.0) et de nombreuses victoires en SCCA Trans Am n’arrivent pas à inverser la tendance : 18 657 immatriculations réalisées. Pour 1986, Mercury ne fait même plus de publicité pour la Capri. Pourtant, les ventes remontent à 20 869 exemplaires.
Séries spéciales
La Capri connaîtra quelques séries spéciales, la première d’entre elles étant la Black Magic, lancée en 1981. Disponible en noir ou en blanc (certains concessionnaires les renommeront alors White Magic), elle se distingue par des accents dorés, des roues TRX en aluminium, des sièges baquets en vinyle et tissu noir et or, la suspension Rally et une écope de capot. Elle sera écoulée à 4 588 exemplaires en 1981, 1 727 en 1982 et 469 en 1983. En janvier 1983, elle est remplacée par la Crimson Cat. Similaire à la Black Magic, elle reçoit des roues de Cougar XR-7 à la place des TRX et un intérieur noir avec des insertions rouges pour les sièges. Tout juste 805 unités seront commercialisées, seulement durant l’année 1983 . Enfin, la Turbo RS de 1984 est souvent appelée « Charcoal » à cause de sa couleur unique (charbon métallique foncé renforcé par des bandes orange et des bas de caisse clairs). Elle ne sera vendue qu’à 1 321 exemplaires. Il reste maintenant à parler d’une curieuse association…
La plus spéciale de toutes!
L’idée de réaliser un cabriolet sur base de Mustang Fox est venue à Peter Muscat en 1982, alors qu’une telle carrosserie n’existait pas encore. Il conçoit des lignes avec un arrière spécifique comprenant une capote dissimulée sous un cache en fibre de verre, entraînant la disparition de la banquette et l’installation d’un pare-brise plus incliné. Il envisage de produire son modèle. Mais puisque Ford sort une Mustang cabriolet en 1983, il contacte Mercury pour sa construction. La marque acquiesce.
C’est ASC (American Sunroof Company), un spécialiste des toits ouvrants et capotes fondé en 1965 par Heinz Prechter, qui est mis sous contrat pour sa réalisation. Elle s’associe à McLaren Engines, créée en 1969 par le pilote néo-zélandais Bruce McLaren (aussi fondateur de l’écurie de F1) afin de produire des moteurs de compétition pour les séries nord-américaines comme le Can-Am et l’Indy, pour les modifications mécaniques.
En plus de la fabrication à la main, les autos sont très équipées (intérieur en cuir et vrai bois) et reçoivent des moteurs spécifiques avec arbres à cames de course. Ce qui explique leur prix élevé (environ 3 fois celui d’une Capri de base) et donc leur diffusion limitée (443 exemplaires entre 1984 et 1986). ASC/McLaren fabriquera aussi 500 coupés avec des modifications esthétiques et mécaniques durant ces trois années. Avec la disparition de la Capri, ASC/McLaren produira ensuite 1 806 Mustang cabriolet avec le dessin de Muscat entre 1987 et 1990.
Capri, c’est fini!
À cause de la baisse rapide des ventes de Capri, Ford n’envisage pas de reconduire le modèle pour 1987. La Mustang doit à ce moment-là subir un profond restylage et l’investissement dans de nouveaux outillages pour la version Mercury est jugé trop coûteux. La dernière Capri est assemblée le 7 septembre 1986.
Le réseau Mercury ne se plaint pas car les ventes de Cougar se portent alors très bien, merci. Le nom Capri reviendra ensuite en 1990 avec un petit cabriolet construit par Ford Australie sur base de Mazda 323. Mais ceci est une autre histoire…