Vous souvenez-vous des… Renault Alliance et Encore?
Ça commençait bien : titre de voiture de l’année, lancement commercial excellent. Les Alliance et Encore allaient sauver AMC. En fin de compte, elles n’ont fait que retarder l’inévitable…
La blague suivante circulait au début des années 80 : « Connaissez-vous la différence entre Chrysler et AMC? C’est le gouvernement américain qui a sauvé Chrysler et c’est le gouvernement français qui a sauvé AMC! ». Renault était alors, et jusqu’en 1996, une entreprise nationalisée.
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Appel à l’aide
Être le « quatrième des trois grands » n’a jamais été une situation facile, quoi qu’il en soit, AMC a toujours tenu le coup grâce à son ingéniosité et sa flexibilité. Mais à la fin des années 70, cela ne suffit plus et la compagnie est à la recherche d’un partenaire. L’affaire faillit se conclure avec Peugeot mais c’est finalement en janvier 1979 qu’est signé un accord avec Renault pour la distribution, dès avril 1979, de ses produits aux États-Unis et au Canada (excepté le Québec, qui garde son réseau).
Dans la corbeille, Renault apporte le projet X42, une traction avant moderne. La deuxième crise du pétrole force AMC à trouver des fonds en urgence. Renault, qui au départ n’avait aucune intention d’investir dans AMC, achète 22,5% puis 46,4% des parts de la compagnie.
Un véhicule tout neuf!
La Renault 9 est lancée en Europe en septembre 1981. Elle repose sur une nouvelle plate-forme traction avant avec suspensions McPherson à l’avant et barres de torsion transversales à l’arrière. Côté mécanique, on retrouve le bon vieux « Cléon Fonte », remontant à 1962. Le style, signé Robert Opron, est extrêmement classique.
L’intérieur, extrêmement classique lui aussi, se distingue par des sièges avant dits « monotraces » qui reposent sur des glissières rapprochées (permettant aux passagers arrière de mieux étendre leurs jambes) et courbes (autorisant un ajustement en inclinaison). La R9 décroche le titre de « Voiture européenne de l’année 1982 ». Elle est rejointe en avril 1983 par la Renault 11, une version à hayon qui se démarque par sa bulle arrière, une planche de bord entièrement différente et une calandre à quatre phares.
Américanisation
Pour son passage outre-Atlantique, la R9 subit plusieurs changements. Esthétiquement, la calandre 4 phares est similaire à celle de la R11, les feux arrière sont modifiés, il y a plus de touches de chromes et les rétroviseurs sont fixes. Et surtout, une version deux portes, unique à l’Amérique du Nord et dessinée chez AMC, est ajoutée à la gamme. Pour passer les normes de sécurité, les pare-chocs sont redessinés (et mieux intégrés que sur le modèle français), les portières et le toit sont renforcés alors que la colonne de direction absorbe mieux les chocs. L’intérieur est plus cossu, les moquettes plus épaisses et la planche de bord, à peine retouchée, a droit à des couleurs inaccessibles en Europe.
Mécaniquement, le « Cléon Fonte » de 1,4 litre reçoit une injection électronique Bendix (Bosch L-Jetronic pour la Californie) mais tout l’arsenal antipollution fait passer sa puissance de 72 à 56 chevaux (le Guide de l’auto 1983 indique 64 chevaux). Pire, ce moteur doit pouvoir recevoir la climatisation et être accouplé à une boîte automatique à 3 rapports (la boîte manuelle 4 rapports est de série et celle à 5 rapports est en option). Autant dire que les accélérations sont… bien tranquilles (Motor Trend réalisera un 0 à 60 mph en 14,6 interminables secondes).
L’unanimité!
La production à l’usine AMC de Kenosha, dans le Wisconsin, démarre le 21 juin 1982. Si la mécanique et les trains roulants proviennent de France, l’Alliance est considérée comme une voiture américaine puisque son contenu local est de 74%. Renault estime alors le seuil de rentabilité du projet à 100 000 exemplaires par année.
Les premiers modèles arrivent en concession en septembre 1982 pour le millésime 1983. Au Canada, la gamme se compose de 4 versions. Le modèle de base (uniquement en 2 portes) est particulièrement dénudé. Il faut payer un extra pour le dégivrage de la lunette arrière! Le niveau L (en 2 et 4 portes) offre des éléments de décoration supplémentaire et permet l’accès à des options comme la radio AM/FM à 4 haut-parleurs, l’insonorisation renforcée, le régulateur de vitesse, les vitres teintées ou le groupe Visibilité (essuie-glace intermittents et rétroviseurs réglables de l’intérieur).
Le niveau DL (en 2 et 4 portes) ajoute l’horloge numérique, le compte-tours, les vitres teintées, une meilleure sellerie, le groupe insonorisation, les cendriers arrière, la transmission manuelle 5 rapports et peut bénéficier contre supplément des vitres électriques ou du verrouillage central (avec ou sans télécommande, une vraie nouveauté pour l’époque).
Quant au niveau Limited (4 portes), il comprend une moquette plus épaisse, l’accoudoir arrière, le groupe Visibilité, le groupe Éclairage ou les phares à iode et peut recevoir en option l’intérieur en cuir. Les prix vont de 6 450 $ pour une 2 portes de base à 8 665 $ pour une Limited.
Les choses démarrent très bien : le magazine Motor Trend lui accorde son titre de « Voiture de l’année 1983 » (une première pour AMC depuis 1963) et Car & Driver l’inclut dans sa liste des 10 meilleurs modèles. L’Alliance séduit par son comportement routier, son habitabilité, sa consommation d’essence, ses niveaux d’équipement, ses tarifs compétitifs et… sa qualité de construction (?!?!). Les deux magazines publieront d’ailleurs des années plus tard des excuses formelles.
Dans son édition de 1983, le Guide de l’auto conclut : « Le jeu de mots est sans doute facile, mais il faut bien admettre que l’Alliance de Renault-AMC est un heureux mariage de raison et fort probablement l’une des meilleures petites voitures à traction avant sur le marché à l’heure actuelle. » Bref, toute la presse est sous le charme… et les acheteurs aussi. La production pour 1983 s’élève à 142 205 exemplaires (55 556 2 portes et 86 649 4 portes), incluant 3 000 exemplaires de la série spéciale commémorative MT (pour Motor Trend).
Mais encore…
Si la gamme Alliance n’évolue guère pour le millésime 1984 (mais les prix passent de 7 170 à 9 520 $), un nouveau modèle est ajouté : l’Encore. Il s’agit d’une version américanisée de la R11, également fabriquée à Kenosha. Très similaire à l’Alliance, elle en conserve la planche de bord, elle est cependant destinée, selon Renault, à une clientèle jeune et dynamique. Sa gamme est calquée sur celle de l’Alliance : base (3 portes), S (3 et 5 portes), LS (3 et 5 portes) et GS (3 portes).
Les prix de l’Encore vont de 6 970 à 8 890 CAD. Là aussi, la réaction est positive et AMC fabrique 87 609 Encore (55 343 3 portes et 32 266 5 portes) en plus des 121 015 Alliance (50 978 2 portes et 70 037 4 portes) pour un total de 208 624 exemplaires. À la fin de 1984, AMC a dégagé un (petit) profit de 15,5 millions de dollars et vient de lancer un véhicule hautement important pour son avenir : le Jeep Cherokee XJ. Le futur s’annonce enfin radieux!
Les gros nuages noirs s’amoncèlent
Quelques évolutions intéressantes arrivent pour le millésime 1985. Lancé à l’automne 1983 en France, le moteur F de 1,7 litre débarque en Amérique du Nord dans une version à injection développant 77 chevaux un an plus tard. Indisponible sur les modèles de base, il est optionnel sur tous les autres niveaux et vient de série sur l’Encore GS et une nouvelle carrosserie : le cabriolet Alliance, proposé en version DL.
Jamais diffusé en Europe, la cabriolet a été conçu en collaboration avec ASC (American Sunroof Company). Très équipé, il est sensiblement plus cher (13 990 $) que les autres modèles de la gamme Alliance, qui va de 6 999 à 9 900 $, alors que les Encore demandent de 7 425 à 9 375 $ Mais tout ceci ne suffit pas à maintenir les ventes : 91 664 Alliance (33 617 2 portes, 50 906 4 portes et 7 141 cabriolets) et 58 525 Encore (38 623 3 portes et 19 902 5 portes) sont produites, soit un total de 150 189 exemplaires.
Il faut dire que depuis le lancement de l’Alliance, le marché a évolué. La baisse du prix de l’essence depuis fin 1984 a rendu les compactes moins séduisantes et les constructeurs japonais sont sur l’offensive. Malgré les bons résultats de Jeep, AMC plonge dans le rouge pour l’exercice 1985 : 125 millions de dollars de pertes. Ce qui tombe très mal car Renault, en Europe, est aussi en situation difficile. La marque vient d’annoncer un déficit record fin 1984 et son PDG, Bernard Hanon, l’architecte de l’alliance avec AMC, est limogé pour être remplacé par Georges Besse. Le gouvernement français demande à ce dernier de mettre de l’ordre dans les comptes au plus pressant.
Persistance
Pour le millésime 1986, AMC n’a pas grand-chose à proposer, mais il faut tenir le coup en attendant les nouveautés importantes prévues pour 1987. Les calandres avant sont redessinées avec des phares un peu plus fins, le tableau de bord est remanié et les suspensions sont revues. Côté gamme, l’Alliance Limited et l’Encore 3 portes de base sont supprimées. Une version de base de l’Alliance 4 portes est ajoutée. Les prix se stabilisent : de 6 999 à 8 850 $ pour l’Alliance, 14 065 $ pour l’Alliance cabriolet et de 7 925 à 9 375 $ pour l’Encore.
Néanmoins, les ventes plongent. En plus d’une désaffection du segment, le magazine Consumer Report rapporte ce que beaucoup de possesseurs d’Alliance/Encore savent déjà : la fiabilité mécanique est l’une des pires de la catégorie. Malgré des rabais et des taux d’intérêt avantageux, la production descend à 67 110 Alliance (23 204 2 portes, 41 891 4 portes et 2 015 cabriolets) et 19 109 Encore (12 239 3 portes et 6 879 5 portes). Le total de 86 219 exemplaires représente une baisse de 42%!
Après un accord signé en juillet 1986 entre Chrysler et AMC pour la fabrication des modèles Chrysler de plate-forme M à l’usine de Kenosha, Lee Iacocca, le PDG de Chrysler, a maintenant l’idée d’acquérir Jeep, le joyau d’AMC. Dès la deuxième moitié de 1986, des discussions secrètes ont lieu entre Chrysler et Renault, sans que les gens d’AMC soient au courant. Iacocca veut Jeep et seulement Jeep et Besse veut tout vendre ou rien du tout. Malheureusement, un sale coup du destin va précipiter les choses.
Une fin brutale
À l’automne, les discussions continuent. L’État français veut se débarrasser d’AMC. Besse hésite encore car il voit du potentiel dans l’avenir : ouverture de l’usine de Bramalea, en Ontario, lancement des futures Medallion (basées sur la Renault 21, importées de France) et Premier (produites au Canada) ainsi que du futur Jeep Grand Cherokee ZJ, prévu initialement pour 1990. Il n’aura pas le temps de prendre sa décision. Georges Besse est assassiné devant chez lui le 17 novembre 1986 par les membres du groupe terroriste « Action directe ». Son remplaçant, Raymond Levy, est nommé exactement un mois plus tard. Les négociations avec Chrysler reprennent en février 1987. Levy ne fera pas traîner les choses.
Côté produit, les modèles 1987 ont des calandres modifiées, le nom Encore disparaît au profit d’Alliance Hatchback et les prix grimpent à nouveau : de 7 674 $s pour une 2 portes de base à 10 544 $ pour une Hatchback 3 portes GS. Le cabriolet demande quant à lui 15 169 $. Mais la grosse nouveauté de l’année, c’est le lancement du modèle sportif GTA en 2 portes et cabriolet. Pourvu d’appendices aérodynamiques et de jantes spécifiques, il reçoit un 2 litres de 95 chevaux et une boîte à 5 rapports raccourcie. Doté d’un équipement complet, il est vendu 11 999 $ en 2 portes et 16 450 $ en cabriolet. Ce qui explique sa rareté : seulement 5 515 coupés et 1 029 cabriolets seront fabriqués.
Après une fin de semaine de négociations acharnées, une lettre formelle d’intention est signée le lundi 9 mars 1987 entre Chrysler et Renault pour le rachat global d’AMC. Le but de Chrysler est clair : garder Jeep et démanteler AMC. Après la signature du contrat, l’une des premières décisions de Chrysler sera d’arrêter la production des Alliance et Encore, qui devait initialement durer jusqu’en 1989.
Ces deux modèles entrent en concurrence directe avec les produits Chrysler (Dodge Shadow et Plymouth Sundance) et ne se vendent plus bien de toute façon. La dernière Alliance 1987 sort des chaînes le 5 août 1987 après 36 336 exemplaires (13 132 2 portes, 16 214 4 portes, 2 857 3 portes, 2 142 5 portes et 1 991 cabriolets). Le nom « Renault » allait disparaître d’Amérique du Nord pour être remplacé par celui de « Eagle ». Mais ceci est une autre histoire…
Mais aussi…
Outres les carrosseries 2 portes et cabriolet, AMC a travaillé sur d’autres modèles exclusifs à l’Amérique du Nord. Début 1982, le bureau de design, dirigé par Dick Teague, commence l’étude d’une version familiale. Une maquette à l’échelle 1 est fabriquée mais le projet est abandonné en février 1983. En attendant le lancement des Medallion et Premier, une « super » Alliance est développée.
Baptisée X52, elle était plus longue et plus large et intégrait une vitre additionnelle à l’arrière. Le projet prend du retard et il est arrêté en 1985. Enfin, une version diesel (non turbo) a été un temps testée. On imagine à peine les accélérations léthargiques avec la boîte automatique…