Concept Holden Efijy : rétro-modernisme
L’un des plus beaux concepts du 21e siècle doit son inspiration à une berline australienne des années 50 et à un hot rod construit pour une vedette du rock texan. Joli mélange!
Richard Ferlazzo est l’homme clé derrière l’histoire de ce concept hors norme. Après un passage chez Toyota Australie, il entre chez Holden en 1988, où il restera jusqu’à la fermeture de la marque, fin 2020. Au fil des années, il monte dans la hiérarchie et, en 2005, il est designer en chef. Après avoir signé deux concepts spectaculaires en 1969 et 1970, les Hurricane et GTR-X respectivement, la marque australienne ne produit plus de prototypes jusqu’en 1998 avec le Coupe Concept (qui deviendra la Monaro, la Pontiac GTO 2004 en Amérique du Nord).
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À partir de là, Holden retrouve le goût de présenter des véhicules expérimentaux, notamment sous l’impulsion de Michael Simcoe, futur vice-président responsable du design de GM (seulement le 7e homme à occuper ce poste dans toute l’histoire de la corporation). Dès lors, Richard Ferlazzo va pouvoir réaliser son rêve.
Un peu d’histoire
Fondée en 1856, Holden s’est tournée vers l’automobile en 1908 avant de devenir une filiale de General Motors en 1931. Après la Seconde Guerre mondiale, elle sort le premier modèle développé pour l’Australie (à partir d’une conception américaine) : la 48-215 de 1948. Elle sera surnommée plus tard FX, car les Australiens ne fonctionnent pas par millésimes mais par séries, qui peuvent avoir des durées de commercialisation variables.
La FX est remplacée par la FJ en 1953. Largement dérivée de la FX, la FJ bénéficie d’un 6 cylindres en ligne de 2,2 litres libérant 65 chevaux et est offerte en berline, panel van et, bien sûr, la spécialité australienne l’Ute. Fabriquée à 169 969 exemplaires jusqu’en 1956, avant d’être remplacée par la nouvelle FE, elle participera à mettre le pays sur roues et est là-bas une véritable institution. De FJ à Efijy, il n’y avait qu’un pas…
CadZZilla!
L’histoire raconte que les premiers croquis de la CadZZilla (contraction de Cadillac, ZZ Top et Godzilla) ont été crayonnés en 1989 sur une serviette en papier, dans un bar près de la frontière mexicaine, par Billy Gibbons et Larry Erickson. Billy Gibbons est le chanteur du groupe de rock texan ZZ Top et amateur de hot rods. Il possède d’ailleurs l’un des rods les plus connus du monde, le Ford 33 Eliminator rouge que l’on verra en couverture des albums Eliminator (1983) et Afterburner (1985) ainsi que dans plusieurs vidéoclips. Quant à Larry Erickson, il est à ce moment designer pour Cadillac.
L’idée part de transformer modérément la Cadillac Série 62 1948 en possession de Gibbons. Curieusement, au fur et à mesure que la soirée avance et que la tequila coule, l’auto devient de plus en plus basse et longue! Elle sera finalement construite chez le célèbre personnalisateur Boyd Coddington avant d’apparaître en couverture de l’album Recycler (1990) et dans le clip Doubleback, qui sert aussi de musique dans le film Retour vers le futur III. L’incroyable transformation subie par la Cadillac 1948 sera une onde de choc dans le monde des véhicules personnalisés. Ainsi que pour Richard Ferlazzo, lequel commence progressivement à imaginer « son » hot rod.
De l’autre côté du Pacifique
Lors d’un passage de quelques mois dans les studios américains de GM en 1995-96, Ferlazzo rencontre Erickson et explique à ce dernier que lui aussi veut mettre au point un prototype comme la CadZZilla. L’idée va traîner dans sa tête un long moment avant qu’Holden ne se remette à produire des véhicules concepts. À partir de 2002, les choses commencent à bouger. Ça tombe bien car le cinquantenaire de la FJ approche. Ferlazzo montre ses croquis à son patron, Michael Simcoe, qui lui donne le feu vert pour fabriquer une maquette à l’échelle 1/3. Le président d’Holden, Denny Mooney, approuve le projet à condition qu’il respecte un budget extrêmement bas.
C’est pourquoi une Corvette C6, déjà utilisée comme véhicule d’évaluation et qui traînait dans les ateliers, est choisie comme base. L’autre avantage de la Corvette, c’est qu’elle est dessinée pour accueillir des panneaux en fibre de verre, ce qui va faciliter la vie des designers. Une maquette à l’échelle 1 est construite. Celle-ci va servir pour le moulage des panneaux de carrosserie. Pendant ce temps, le châssis de la Corvette est coupé en deux et une section centrale est ajoutée pour respecter les dimensions du concept.
Le V8 LS2 de 6 litres d’origine (avec sa boîte automatique 4L60-E) est aussi mis à contribution mais ses 400 chevaux semblent un peu justes. Alors, Holden fait appel à la compagnie Harrop (fondée en 1955 et spécialisée dans la pièce de performance depuis 1963) pour lui fournir un compresseur de type Roots qui va faire grimper la puissance à 644 chevaux et le couple à 560 lb-pi.
Harrop produit également les freins et les roues en aluminium faites sur mesure (20 pouces à l’avant et 22 pouces à l’arrière). Les suspensions sont montées sur coussins d’air afin de bien coller l’auto au sol lorsqu’elle est à l’arrêt (seulement 27 millimètres de garde au sol).
D’autres fournisseurs sont mis à contribution. Parmi eux, on retrouve Osram pour les lumières (les phares avant dégagent tellement de chaleur qu’ils ont droit à leur propre ventilation), House of Kolor pour le violet candy que Ferlazzo a bien justement renommé « Soprano » ou Rockford Fosgate pour le système audio (qui comprend un amplificateur de 2 000 watts).
Le choc!
Mais le projet n’est pas prêt pour les 50 ans de la FJ et Holden privilégie le concept Torana TT36 (beaucoup plus stratégique pour la marque) pour le Salon international australien de 2004. Finalement, Holden décide que l’Efijy sera dévoilée pour l’édition 2005, qui se tiendra à Sydney (Melbourne et Sydney alternent alors une année sur deux). La maquette à l’échelle 1 est finalisée en janvier 2005 et la construction commence au mois de mars. Le 12 octobre, la presse et les visiteurs sont extatiques car ils ne s’attendaient pas à un tel prototype venant de chez Holden.
Ils découvrent un véhicule de 5,16 mètres de long et de 2 mètres de large mais haut de seulement 1,27 mètre. La calandre rappelle clairement la FJ, et le troisième feu arrière est superbement intégré dans un élément chromé. Les portes sont dotées de capteurs de proximité. Lorsque le conducteur s’approche, elles s’ouvrent sur un habitacle de couleur crème avec un plancher en érable comprenant des incrustations en aluminium.
Les sièges proviennent de la Corvette et ont simplement été regarnis. La planche de bord intègre habilement un écran tactile escamotable en son centre alors que les boutons de sélection des rapports évoquent la bakélite d’autrefois.
L’Efijy fait parler d’elle partout à travers le monde (y compris à l’intérieur de GM) et met le design australien à l’honneur grâce à l’élégant mélange de rétro et de moderne.
Elle sera exposée au Salon de l’auto de Detroit en janvier 2007, ainsi qu’au Salon de l’auto de Toronto un mois plus tard. Toujours en 2007, elle recevra le titre de « Concept nord-américain de l’année ». Pour Ferlazzo, c’est la consécration d’un rêve devenu réalité.