La fourgonnette Chrysler : bientôt 40 ans et en fin de vie
J’avais sept ans lorsqu’en 1984, la mère d’un ami s’est pointée un matin à l’école avec sa Plymouth Voyager 1984, flambant neuve. Couleur bourgogne, dehors comme dedans, avec sièges en velours et ceinture de fenestration peinte en noir. Déjà amateur de voiture à cet âge, je me souviens avoir été impressionné par ce véhicule futuriste et très « cool », alors que mon père conduisait une vulgaire Hyundai Pony, pourtant elle aussi toute neuve.
Je me remémore même le visage de Patrick (le fils de la propriétaire), fier de sortir de la fourgonnette au coulissement de la portière, comme s’il était la vedette de l’école.
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À cette époque, telle était la perception que l’on se faisait de ce véhicule nouveau genre, qui allait littéralement changer le paysage automobile des années 80. Naturellement, ces fourgonnettes de fabrication canadienne allaient se multiplier à vitesse grand V sur le réseau routier et dans les quartiers résidentiels, alors que peu de temps après, Chevrolet et Ford ripostaient tour à tour avec des fourgonnettes (Astro et Aerostar) empruntant leur structure aux camionnettes compactes.
Une distinction considérable face aux produits Chrysler, à roues motrices avant, et qui faisait appel à une plate-forme de type monocoque.
On vantait les mérites de ce véhicule moins énergivore, plus compact et pouvant être stationné dans le garage du domicile, à une époque où ces derniers étaient nettement moins spacieux que de nos jours. Chrysler a aussi innové au fil des années en introduisant de nouvelles technologies, pour conserver une longueur d’avance sur une concurrence qui, pendant plus de 30 ans, a tenté de lui damer le pion.
Pensez au lancement d’un modèle allongé (Grand Caravan/Voyager), à l’arrivée d’une seconde porte coulissante côté conducteur, aux sièges Stow N’Go repliables dans le plancher, ou à l’offre de versions à rouage intégral.
Pendant des décennies, les fourgonnettes Chrysler ont conquis les familles par leur polyvalence, mais aussi parce que pères et mères aimaient les conduire et être vus à leur volant. Le vent a toutefois tourné au début des années 2000, alors que les VUS débarquaient massivement sur le marché. Bien que moins pratiques et souvent plus onéreux, ces derniers allaient tranquillement condamner à mort plusieurs fourgonnettes, celles de Ford et GM entre autres, qui ont longtemps étiré la sauce.
Malgré cet intérêt en déclin, Chrysler a prouvé en 2008 que la fourgonnette avait encore sa place, introduisant une nouvelle génération de la Dodge Grand Caravan et de la Chrysler Town & Country, qui allait encore une fois connaître un succès fulgurant.
Construite jusqu’en février 2020, la Dodge Grand Caravan a perduré plus de douze ans sans refonte, constituant jusqu’à sa disparition un moyen de locomotion pratique et abordable pour les familles nord-américaines. Elle a d’ailleurs poursuivi sa carrière en parallèle de la Chrysler Pacifica introduite en 2016.
Une fourgonnette de nouvelle génération vendue cette fois beaucoup plus cher, et qui avait pour objectif de changer l’image rendue péjorative de la fourgonnette familiale. Il faut dire qu’au milieu des années 2010, rares étaient les mères qui souhaitaient conduire une fourgonnette, nonobstant la marque. On ne voulait que des VUS, bien que ceux-ci n’aient jamais pu offrir la même polyvalence.
En novembre 2023, Chrysler fêtera le 40e anniversaire de sa fourgonnette. Celle qui, depuis le premier jour, constitue la fierté des travailleurs de l’usine de Windsor, située en Ontario. Or, ce 40e anniversaire risque fort d’être le dernier que l’on célébrera, puisqu’il apparaît évident que les jours de cette fourgonnette sont désormais comptés.
En effet, avec un prix dépassant le seuil psychologique des 50 000 $ (alors que l’on nous vendait une Grand Caravan à moins de 30 000 $ en 2020), la Pacifica déjà vendue depuis 2016 est aujourd’hui en fin de vie. Et il est clair que Stellantis n’a pas l’intention de remanier le modèle, se concentrant plutôt sur l’électrification et sur des modèles plus lucratifs, notamment du côté de chez Jeep et Ram.
Quel sort réserve-t-on à l’usine ontarienne de Windsor? Pour l’heure, les rumeurs font état d’un passage à l’électrification, peut-être à la fabrication de la future Chrysler Airflow. Chose certaine, pas de nouvelle fourgonnette en vue. Ce qui signifierait ainsi qu’on laisserait le champ libre à Honda, Kia et Toyota, les trois seules autres marques à commercialiser - en 2023 - des fourgonnettes familiales.
En terminant, sachez qu’en 2022, à peine 22 000 fourgonnettes trouvaient preneur au pays. De ce nombre, environ 50% étaient des Chrysler. On peut même s’interroger sur la survie du segment, qui demeure néanmoins pertinent, bien que les acheteurs s’y fassent plus rares.