Vous souvenez-vous des… Pontiac Solstice et Saturn Sky?

Publié le 1er avril 2023 dans Voitures anciennes par Hugues Gonnot

Un petit cabriolet à roues arrière motrices avec des lignes attirantes et moins cher qu’une Mazda MX-5, sur le papier, la Solstice avait tout pour elle. Sur le papier…

Bob Lutz a amassé près de 50 ans de carrière chez différents grands constructeurs. Autant dire qu’il s’est retrouvé impliqué dans le développement de nombreux véhicules. Pourtant, rien ne le prédestinait à rentrer chez GM en 2001 et assurer la réalisation de la Solstice. Pour cela, il faut remercier le Pontiac Aztek.

Rallumer le feu

Après avoir failli devenir le PDG de Chrysler en 1992 (Bob Eaton lui soufflera la place), Bob Lutz quitte la compagnie au Pentastar en 1998, au moment de la fusion avec Mercedes-Benz. Il prend alors le rôle de PDG d’Exide, un fabricant de batteries empêtré dans un scandale de malversations financières. Après de nombreuses années dans le milieu et avec des idées tranchées qui font de bonnes manchettes, la presse continue à lui demander son opinion. Et Lutz ne va pas être tendre avec l’Aztek!

Tant et si bien que Rick Wagoner, le PDG de GM, va vouloir le rencontrer à l’été 2001 pour parler du développement produit. Au début, il envisage de lui offrir un contrat de consultant. Mais Lutz n’est pas intéressé. Alors Wagoner sort le grand jeu : un poste de vice-président responsable du développement produit. Même s’il a 69 ans, Lutz ne peut pas dire non! Il entre en fonction le 1er septembre 2001.

Photo: GM

Il rencontre Wayne Cherry, vice-président responsable du design de GM, dès le mois d’août. Ce qu’il voit dans le pipeline des produits à venir le terrifie! Il suggère alors de développer un concept de petit cabriolet d’entrée de gamme (un modèle qu’il a toujours voulu réaliser) tant pour stimuler les équipes de design en interne que pour montrer au public et à la presse qu’il a y encore de la vie chez GM.

Un délai impossible!

Cherry fait passer le message dans tous les studios. Ed Welburn (qui remplacera Cherry en 2004), chargé du développement des concepts, présente rapidement différents dessins à Lutz. Un croquis le marque immédiatement : il s’agit d’un véhicule aux lignes arrondies, évocateur des années 50 et 60, mais exécuté de façon contemporaine.

Ce dernier est réalisé par Franz von Holzhausen, un designer rentré chez GM en 2000. Il s’est inspiré de la Cheetah GT, un coupé sport à mécanique Chevrolet conçu par Bill Thomas en 1964 pour battre les Shelby Cobra. Au départ, il avait créé uniquement un coupé et avait hésité à envoyer son dessin avant de réaliser à la dernière minute une variante sans toit. Von Holzhausen assurera ensuite le passage à la grande série de la Solstice ainsi que les lignes définitives de la Saturn Sky avant de partir chez Mazda en 2005 pour finalement aller chez Tesla en 2008. C’est lui qui a signé tous les derniers modèles de la marque, y compris le Cybertruck (c’est d’ailleurs lui qui enverra les boules d’acier sur les vitres du Cybertruck lors de la fameuse présentation de 2019).

Photo: Pontiac

Seulement voilà, il y a un léger problème : il reste moins de 18 semaines avant la date de présentation, fixée au 6 janvier 2002, soit la première journée de presse du Salon de l’auto de Detroit. Dans ce délai, les équipes de GM ne se contenteront pas de réaliser une maquette mais bel et bien un prototype roulant. Pour cela, il faut puiser dans la vaste banque d’organes de la compagnie. Le plancher provient de la plate-forme Delta (les futures Saturn ION et Chevrolet Cobalt), modifié pour passer en propulsion. Le moteur vient également de chez Saturn et reçoit un compresseur. Les Chevrolet TrailBlazer (différentiel arrière), Cadillac CTS (freins), Subaru WRX (colonne de direction) et Chevrolet Corvette (transmission) serviront de véhicules donneurs.

Le pari insensé est tenu et le concept Solstice apparaît sous les flashs de la presse internationale à l’heure dite (une variante coupé statique orange est aussi exposée). Lutz sort de l’auto visiblement satisfait. Aux journalistes, il déclare : « De toute évidence, nous ne pouvons pas annoncer s’il va être produit avant qu’il n'ait eu la chance de faire le tour des salons. Cela dit, il est clair que nous avons abordé le projet avec un état d'esprit axé sur la production avec un faible investissement, un temps de validation minimal et une fabrication flexible. Le test décisif sera la passion avec laquelle les gens nous disent qu’ils veulent absolument l’avoir. À la fin, c’est tout ce qui compte ». Du Lutz typique!

Photo: Pontiac

Y’a Kappa utiliser la Delta!

Rapidement, la décision du passage à la série est prise. Lori Queen est nommée directrice du projet. Elle a la lourde tâche de faire de la Solstice une réalité avec des délais et un budget extrêmement serrés. L’objectif est d’arriver sur le marché courant 2005, pour le millésime 2006, avec un prix sous la barre des 20 000 USD. Initialement, les ingénieurs tentent d’adapter la plate-forme Delta à la propulsion mais ils se rendent vite compte que pour obtenir le niveau d’agilité désiré, il faudra développer un châssis spécifique. La plate-forme Kappa repose sur deux longerons hydroformés (utilisation de liquide sous pression pour former la pièce en un seul morceau) qui courent sur toute la longueur du véhicule et un tunnel central en acier embouti fermé par le dessous.

Photo: Pontiac

Viennent ensuite se greffer des éléments emboutis qui vont former une structure sur laquelle est fixée la carrosserie. Pour le reste, les ingénieurs piochent largement dans la banque d’organes, tout comme la designer chargée de l’intérieur, Vicky Vlachakis. Le design extérieur évolue en même temps que l’ingénierie. Von Holzhausen parvient à respecter les lignes du concept même si toutes les dimensions sont différentes (voir ci-dessous).

Pontiac Solstice

Pontiac Solstice

Pontiac Solstice

Mazda MX-5

concept

2006

GXP 2008

2006

Moteur

2,2 L à compresseur

2,4 L

2,0 L turbo

2,0 L

Puissance

240 chevaux

177 chevaux

260 chevaux

170 chevaux

Couple

225 lb-pi

166 lb-pi

260 lb-pi

140 lb-pi

Boîte de vitesses

manuelle 6

man 5 / auto 5

man 5 / auto 5

man 5 ou 6 / auto 6

Empattement

2 415 mm

2 415 mm

2 415 mm

2 330 mm

Longueur

3 904 mm

3 992 mm

3 992 mm

3 990 mm

Largeur

1 805 mm

1 810 mm

1 810 mm

1 720 mm

Hauteur

1 142 mm

1 274 mm

1 274 mm

1 245 mm

Pneus avant

245/35R19

245/45R18

245/45R18

205/50R16

Pneus arrière

255/35R20

245/45R18

245/45R18

205/50R16

Poids

N.D.

1 297 kg

1 356 kg

1 108 kg

Prix de base

-

25 695 $

35 800 $

27 995 $

Au Salon de l’auto de Detroit 2004, soit exactement deux ans après la présentation du concept, Pontiac dévoile la mouture de série. La marque vante alors une répartition du poids proche de 50/50. Le concept et la version finale sont exposés sur le stand et les gens peinent à dire lequel est lequel tant ils sont similaires. Il reste maintenant à démarrer la phase d’industrialisation et à préparer l’usine de Wilmington, dans le Delaware, d’où devraient sortir 20 à 30 000 exemplaires par an.

Photo: Pontiac

Viser le ciel

Le roadster arrive comme prévu à l’été 2005. Une seule version est disponible, avec le 2,4 litres Ecotec de 177 chevaux. L’accueil de la presse est partagé. D’un côté, le design, le prix compétitif (25 695 $ au Canada) et la rigidité du châssis font l’unanimité. Pour le reste, c’est la volée de bois vert : le moteur manque de caractère, le toit est difficile à manipuler, l’habitacle est exigu, le volume du coffre est ridicule, les plastiques intérieurs sont durs, le poids est trop élevé par rapport à une Mazda MX-5 et la tenue de route est correcte mais pas impressionnante. Cela n’empêche pourtant pas Pontiac de réaliser de bons chiffres de production (voir tableau ci-dessous). Bob Lutz avait raison, il y a de la demande pour un petit roadster.

Les nouveautés sont importantes pour le millésime 2007. La Solstice voit l’apparition d’une deuxième variante : la GXP avec un 2 litres turbo de 260 chevaux. Le 0 à 100 km/h est dorénavant abattu en 5,9 secondes, contre 8,2 pour la version atmosphérique, alors que la vitesse de pointe atteint les 230 km/h. Saturn reçoit sa version de la plate-forme avec la Sky.

Le design de cette dernière est inspiré par le concept Vauxhall VX Lightning (présenté en mai 2003 pour célébrer les 100 ans de fabrication d’automobiles par la marque et dont les lignes ont été développées en Angleterre). Mieux équipée, et donc plus chère, la Sky vient en modèle de base ou Red Line (similaire à la GXP). L’augmentation de l’offre soutient la demande et le duo de Kappa réalise un bon niveau de ventes.

Photo: Saturn

Chapitre 11

En 2008, il ne se passe pas grand-chose (nouvelles couleurs, centre d’information du conducteur et contrôle de stabilité Stabilitrak en équipement de série). Les ventes se tassent, mais il faut dire que le contexte économique mondial se dégrade à la vitesse grand V. Pour GM aussi d’ailleurs. La corporation doit demander de l’aide au gouvernement américain et se placera sous la protection de la loi des faillites en juin 2009.

Auparavant, dans un effort de restructuration, elle a annoncé le 27 avril 2009 que Pontiac allait être liquidée à la fin du millésime 2010. Pour la Solstice, c’est le début de la fin. Ce qui est dommage car Pontiac continuait de développer la gamme et avait présenté un coupé, avec un toit amovible, qui allait être disponible dès le printemps 2009 (le millésime 2009 rendait aussi le différentiel à glissement limité standard). La marque aura le temps de n’en produire que 1 266 exemplaires avant que le couperet ne tombe. Certains exemplaires de présérie du millésime 2010 seront également fabriqués à Wilmington.

Photo: Pontiac

Production

Solstice

Sky

Total

2006

21 273

-

21 273

2007

24 018

16 567

40 585

2008

15 587

13 662

29 249

2009

4 826

4 178

9 004

2010

20

8

28

Total

65 724

34 415

100 139

Lutz a tenté le tout pour le tout afin de sauver Pontiac (souvenez-vous de la GTO 2004) mais c’était trop peu trop tard. Que ce soit en matière de produit ou du point de vue historique, on a un grand sentiment d’inabouti à propos des Solstice/Sky.

Elles auraient pu être des modèles marquants, mais elles donnent l’impression que trop de coins ronds ont été coupés afin de justifier le projet à la direction de GM, peu enclin à ce genre de fantaisies. L’histoire se répète sans cesse, car tout cela rappelle beaucoup l’épopée de la Fiero

Aparté : Les variantes de la plate-forme Kappa

Photo: GM

Au Salon de l’auto de Detroit 2004, GM a dévoilé en même temps que la Solstice de série deux concepts démontrant des possibilités de la plate-forme Kappa. Le break de chasse Chevrolet Nomad (en hommage au prototype sur base de Corvette présenté au Motorama de 1954) et le coupé Saturn Curve reposent tous les deux sur un empattement allongé (2 717 mm) et offrent une configuration 2+2. De 2007 à 2010, Opel commercialisera en Europe son propre modèle sur base Kappa (la GT, fabriquée aux États-Unis) dont le design est calqué sur la Saturn Sky. Elle sera produite à 7 519 exemplaires. En Corée du Sud, elle deviendra la Daewoo G2X et sera écoulée à 179 exemplaires.

À voir aussi : Antoine Joubert présente la brochure de la Pontiac Grand Prix 1988

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