Sacs gonflables aux poubelles, voitures à la casse

Publié le 7 avril 2023 dans Blogue par Antoine Joubert

Les sujets faisant mal paraître la Société de l’Assurance Automobile du Québec se multiplient de jour en jour. Et puisque Madame Guilbault a d’autres chats à fouetter que les différents dossiers de la SAAQ, je me suis dit qu’il faudrait lâcher un peu. Or, un autre dossier qui dure depuis de trop nombreuses années ressurgit, alors que je m’apprête à remettre en condition une voiture accidentée dans le cadre de l’émission Roulez au suivant.

Il s’agit d’une Nissan 2012 frappée à l’avant, dont la valeur marchande est d’environ 8 000 $, et pour laquelle l’assureur a estimé le coût de réparation à plus de 10 000 $. Conséquemment, la voiture a été déclarée perte totale et envoyée à la casse. Or, tout bon carrossier est capable de réparer cette voiture pour moins de 4 000 $. Tout ça parce que l’assureur a surévalué l’achat des pièces et parce qu’il a l’obligation par la SAAQ d’y installer des sacs gonflables neufs, avec tous les dispositifs les accompagnant.

En moyenne, un sac gonflable neuf du concessionnaire coûte de trois à quatre fois plus cher que l’usagé. Un usagé, pour lequel la SAAQ a freiné drastiquement la commercialisation suite à un doute qui s’est installé dans l’industrie, alors que les vols de sacs gonflables se multipliaient et que certaines entreprises revendaient des sacs gonflables « reconstruits ». Par prudence, mais aussi parce que la reconstruction de sacs gonflables pouvait représenter un danger potentiel, on a ainsi obligé l’industrie québécoise à cesser la vente de sacs gonflables usagés.

Maintenant, qu’est-ce qu’un sac gonflable usagé? Simplement, celui qui se trouve dans votre voiture, comme dans toutes celles qui ont pris la route, depuis l’achat du véhicule à l’état neuf. Un usagé, c’est donc en réalité un sac gonflable qui n'a jamais été déployé, mais qu’on jette systématiquement au Québec alors que les autres provinces canadiennes sont libres de les utiliser.

Vous aurez ainsi compris que le coût de réparation d’une voiture peut exploser au Québec pour cette seule raison. Ce qui explique aussi pourquoi plusieurs véhicules facilement réparables sont exportés dans d’autres provinces, où ils pourront être remis en circulation à moindre coût. C’est le cas de cette Toyota Corolla Cross 2022, de seulement 5 000 km, qui en faisant fi des sacs gonflables, peut être réparée pour environ 7 000 $. Capot, ailes, calandre, pare-chocs, support de radiateur, quelques capteurs et un peu de peinture. Or, il faut au Québec ajouter plus de 12 000 $ en sacs gonflables à la facture. Normalement, il n’en coûterait que 3 000 $ ou 4 000 $ si on pouvait faire appel à des sacs usagés, pris sur un autre véhicule accidenté dont les sacs n’auraient pas été déployés. C’est pour cette raison que l’assureur a choisi de déclarer cette voiture comme perte totale, ce qui n’aurait certainement pas été le cas en Ontario.

Photo: Antoine Joubert

Depuis nombre d’années, l’ARVAQ (Association des Réparateurs de Véhicules Accidentés du Québec), tente d’obtenir l’autorisation de la SAAQ, afin de pouvoir librement réparer des véhicules avec des sacs gonflables usagés. Des réparations qui ne seraient évidemment pas faites sans inspection, mais qui permettraient de faire saine compétition avec les autres provinces, où ces règles n’ont pas lieu d’être. Bien sûr, un véhicule accidenté puis réparé doit passer par l’étape d’inspection, ce qui inclut la validation des factures de pièces utilisées pour la réparation. Or, on se frappe depuis trop longtemps le nez contre la porte, les responsables de ce dossier à la SAAQ n’étant visiblement pas ouvert aux discussions.

En fait, il est aujourd’hui possible d’homologuer un sac gonflable en effectuant une requête longue  et ardue via une plateforme web (coussins.ca). Or, le processus d’homologation est si complexe qu’il décourage la grande majorité des réparateurs, même indépendants. Qui plus est, l’ensemble des assureurs refusent toujours de se procurer ces sacs. Ajoutons même qu’une grande majorité de marchands de pièces usagés refusent de vendre des sacs gonflables et que seuls quelques membres de l’ARPAC (Association des Revendeurs de Pièces d’Autos et de Camions du Québec) sont autorisés à faire des requêtes pour la certification de sacs gonflables usagés.

De par cette situation, le Québec effectue un gaspillage d’innombrables sacs gonflables réutilisables et, par le fait même, de milliers de véhicules catégorisés comme perte totale alors qu’il devrait en être autrement. Une catastrophe écologique, mais également financière, qu’il faudrait pouvoir régler une fois pour toutes. Hélas, un dossier de plus pour la SAAQ qui, en ce moment, a clairement d’autres chats à fouetter.

À voir aussi : Marché automobile : "Absolument pas de retour à la normale" selon Antoine Joubert

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