Qui a encore les moyens d'acheter une voiture?

Publié le 11 juillet 2023 dans Actualité par Journal de Montréal

Par Valérie Lesage

Une maman monoparentale, qui veut garder l’anonymat, cherche depuis un an à se procurer une voiture usagée. Elle commence à penser qu’elle n’a plus les moyens de s’en acheter une.

« Les petites autos économiques se vendent pratiquement plus cher que le prix auquel elles ont été vendues neuves », dit celle qui a fait le tour des concessionnaires de Québec et au-delà. 

Elle étire sa voiture de 2009, qui a 250 000 km au compteur, et se demande s’il faut désormais vivre sans auto, même si elle a un bon emploi. L’idée de payer une fortune pour une voiture usagée, qui coûtera cher en entretien, la retient d’acheter.

Dans la cour d’un vendeur de véhicules d’occasion de Sainte-Brigitte-de-Laval, on trouvait cette semaine une petite Toyota Yaris 2018 avec 52 600 km au compteur à 19 679 $, sans les taxes et autres frais. Neuve, il y a cinq ans, la même voiture se vendait entre 17 000 $ et 22 000 $. Mais à l’époque, il y avait parfois 0% d’intérêt, alors qu’il faut payer aujourd'hui un taux de 9,9% pour l’acheter à crédit.

« Cette Yaris, je l’ai payée le même prix que j’en avais vendu une identique il y a deux ans. Quelqu’un qui a acheté un véhicule il y a trois ans va vendre au prix où il l’a payée », constate Carl Tremblay, propriétaire d’Occasion Ville de Québec.

Photo: Valérie Lesage

« L’augmentation des prix des véhicules neufs a fini par créer de la rareté dans les véhicules d’occasion, où les prix montent aussi. Ça devient très difficile, en particulier pour les premiers acheteurs », souligne l’homme d’affaires.

« Et le gros problème, c’est que le premier véhicule des jeunes, au lieu de coûter 3 000 $, il coûte 8 000 $. L’augmentation de prix ressemble à ça depuis un an et demi. C’est pas une bonne nouvelle pour les plus vulnérables », observe-t-il avec dépit.

Disparition des modèles abordables

Dans le marché du neuf, la catégorie des voitures abordables tend à disparaître en Amérique du Nord. À la fin de 2017, il existait sur le marché américain 36 modèles sous les 25 000 $ US, selon Cox Automative. L’an dernier, il n’y en avait plus que 10. 

La part des ventes des autos abordables a chuté de 78% en cinq ans, tandis que les ventes de modèles de luxe (60 000 $ US et plus) ont grimpé de 163%.

C’est pourquoi les moins fortunés s’arrachent les voitures usagées. Celles à moins de 10 000 $ se font rares, selon Carl Tremblay, et elles ont au moins 10 ans, donc elles ne sont pas admissibles au financement. Malgré cela, on se les arrache.

« J’ai une Kia Rio 2013 à 11 000 $ en ce moment, avec 140 000 km au compteur, et j’ai quatre clients qui la veulent. Avec les taxes, c’est 12 623 $ à payer comptant, c’est vraiment beaucoup d’argent », raconte l’entrepreneur, qui ne se réjouit pas de cette situation.

Photo: KIA

Il dit ne pas faire plus de profits parce que les prix ont monté en flèche: lui aussi doit payer plus cher pour les véhicules qu’il revend. Et à la fin, tout le monde sait bien que leur valeur marchande aujourd’hui dépasse leur valeur réelle.

Prix moyen des véhicules neufs au Canada

Prix moyen des voitures usagées au Canada

(Source: J.D. Power)

Paiement mensuel moyen des véhicules neufs 2023

(Source: DealerTrack Canada, Equifax)

Paiement mensuel moyen des voitures usagées en 2023

« Y A DES LIMITES! »

Les voitures électriques, lesquelles sont plus chères de 10 000 $ à 15 000 $, contribuent à pousser les prix à la hausse dans le secteur automobile.

Geneviève Savard voulait s’acheter un VUS électrique 4X4, puisqu’elle doit traverser régulièrement le parc des Laurentides, de Stoneham jusqu’à Saguenay, pour aller enseigner. Elle se disait que ça pouvait être économique, étant donné qu'elle roule beaucoup et que l'essence est chère.

Réservé en décembre 2021, le Volkswagen ID.4 qu'elle voulait devait lui coûter 760 $ par mois pendant sept ans, soit le prix moyen payé par les consommateurs canadiens en 2023.

Photo: Dominic Boucher

« Mais quand il a enfin été prêt et que j’aurais pu passer la commande, pour garder les mêmes mensualités, il fallait payer pendant huit ans. J’ai décidé de laisser faire », raconte-t-elle, un peu choquée de voir que le constructeur avait rendu optionnel l’équipement favorisant une autonomie plus grande du véhicule, au lieu de le garder inclus dans le modèle de base.

Autre élément qui a poussé le coût de l'achat envisagé à la hausse: les taux d’intérêt, avoisinant les 9%.

« Ça n’a pas de bon sens! On a beau aimer les voitures, y a des limites! », dit-elle.

Mme Savard a décidé de garder sa voiture de quatre ans et 110 000 km, au lieu d'en acheter une autre. Même pour avoir l’équivalent neuf de la sienne, et en tenant compte du montant élevé du rachat de son véhicule actuel par le concessionnaire, il lui aurait fallu payer 150 $ de plus en mensualités.

« Je vais l’user à la corde, ma voiture. Je n’ai jamais fait ça, mais il faut utiliser son argent intelligemment », croit-elle.

À voir aussi : Véhicules d'occasion - comment bien cibler ses besoins

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