Les crédits gouvernementaux sont-ils trop généreux?
Nombreux sont ceux qui vous diront vouloir passer à l’électrique pour une question environnementale. Parce qu’en leur âme et conscience, il est temps de le faire. Il faut dire que Québec a réussi à convaincre l’automobiliste moyen que la voiture électrique pouvait être viable, ce qui est totalement vrai. Pour une majorité d’acheteurs, les contraintes relatives à la voiture électrique (autonomie, temps de recharge) ne s’appliquent pas. Parce qu’ils ne roulent que peu ou parce que la voiture peut toutefois convenir à leurs besoins.
Cela dit, quelle serait la situation si les crédits actuellement applicables pour les véhicules électriques n’y étaient pas? Si pour l’acquisition d’un RAV4 Prime, Québec et Canada ne s’unissaient pas afin d’offrir 10 000 $ en cadeau à chacun de ces acheteurs? Est-ce que ce RAV4 serait toujours aussi populaire? Bien sûr que non! Et il en est de même pour l’acheteur plus rationnel d’un véhicule 100% électrique, qui analyse souvent le pour et le contre avant d’arrêter son choix sur un produit.
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C’est donc en toute honnêteté que je vous avoue que l’an dernier, j’ai choisi la Chevrolet Bolt EV, en ce sens. N’eût été des crédits, jamais je n’aurais envisagé cette compacte de 40 000 $. Or, à environ 29 000 $, elle devenait soudainement beaucoup plus attrayante. Au prix d’une simple Honda Civic de base, j’obtenais une voiture urbaine rapide et agile et qui ne me coûterait que quelques dizaines de dollars par mois en énergie (considérant la recharge à domicile). En outre, sachant qu’elle est aujourd’hui la moins chère des voitures électriques, et qu’elle est fort convoitée sur le marché d’occasion, je n’allais subir aucune dépréciation.
Le coût de possession, découlant des 12 000 $ offerts par nos gouvernements, fut donc l’élément déclencheur. Est-ce que l’aspect environnemental faisait aussi partie des facteurs décisionnels? Oui, cependant, le côté financier était le plus important.
Mais voilà qu’aujourd’hui, mon concessionnaire Chevrolet me contacte pour me proposer une nouvelle Bolt. Une deuxième. Un modèle de dernière ligne, encore très convoité, vendu au prix de détail suggéré du manufacturier. Cette fois, à un peu plus de 41 000 $ avant taxes, ce à quoi je soustrairais à nouveau un montant de 12 000 $ taxes incluses (10 437 $ + tx). Et pour cause, après seulement un an de possession, j’ai à nouveau droit à un tel crédit. Ridicule direz-vous? Oui, mais telles sont faites les règles...
Vous me direz maintenant qu’il ne me sert à rien de remplacer ma Bolt EV par une autre voiture parfaitement identique. Et si je vous répondais que je suis capable d’en obtenir 36 000 $, comprendriez-vous pourquoi il m’est impossible de refuser une telle offre? En effet, la valeur de ma Bolt d’occasion (affichant actuellement 8 000 km au compteur), avoisine les 36 000 $. Soit 7 000 $ de plus que le montant initialement payé, considérant les crédits dont j’ai pu bénéficier. En remplaçant ma Bolt par une Bolt neuve, qui me coûterait 30 000 $ plus taxes (toujours en incluant les crédits applicables), j’abaisse donc sa facture réelle à plus ou moins 23 000 $, considérant le profit généré avec ma voiture actuelle. Certes, en suivant les règles à la lettre, il me faudra déclarer ce bénéfice dans ma déclaration de revenus, et conséquemment être imposé sur ces 7 000 $. Malgré tout, j’en ressortirai encore gagnant!
Je vous l’accorde, il est éthiquement discutable de tirer avantage de ces crédits, lesquels sont à mon avis nettement trop généreux. Des sommes colossales accordées de façon individuelle, et de surcroît renouvelables une fois l’an. Parce que le gouvernement a pour objectif politique de multiplier les plaques vertes sur les routes du Québec, pour diverses raisons. Parce qu’il souhaite donner l’exemple d’un futur plus vert, parce que l’hydro-électricité est au cœur du développement dans la Belle Province et bien sûr, parce que Québec aura davantage de contrôle sur l’énergie.
Or, la véritable question à se poser est celle-ci : en quoi est-ce écologique de multiplier la fabrication de nouveaux véhicules par l’octroi de crédits trop généreux, alors que la seule étape de fabrication d’une voiture représente une sérieuse part de son impact environnemental? Plus de tôle, de plastique, de batteries, de pneus et de composants de toute sorte impliquent davantage de pollution. Une pollution qui serait inexistante si le gouvernement limitait les crédits à un seul véhicule par individu, ou s’il en réduisait considérablement les montants.
On peut donc en conclure que, chez nous, l’octroi des crédits est trop généreux, donnant conséquemment lieu à des situations comme celle que je viens de vous décrire. Certains prétendront qu’il vaut mieux ajouter au parc automobile une nouvelle voiture électrique qu’à essence. Certes, mais a-t-on réellement besoin d’en ajouter si les besoins n’y sont pas? Sans compter que nous déboursons collectivement…
Alors non, la transaction de ma seconde Chevrolet Bolt n’est pas conclue. Mais dans le contexte actuel, parce que je ne suis pas plus fou qu’un autre et que cela me permettra d’empocher plusieurs milliers de dollars, vous pouvez être certain que j’irai de l’avant. Et vous, que feriez-vous?