GMC Syclone et Typhoon : plus rapides qu’une Ferrari!

Publié le 4 novembre 2023 dans Voitures anciennes par Hugues Gonnot

Si aujourd’hui la notion de camionnette sportive (Ford F-150 Raptor, Ram TRX) n’étonne plus personne, il fut un temps pas si lointain où un camion, c’était fait pour transporter et pour travailler. Alors imaginez, en 1991, la tête d’un propriétaire de Ferrari 348 qui se fait larguer au premier feu rouge venu par un petit pick-up noir…

Dans la deuxième moitié des années 80, l’Amérique du Nord sort de la « malaise era » (l’époque du malaise, un terme créé par le journaliste Murilee Martin pour définir les années 1973 à 1983, une période difficile pour l’industrie automobile). Les puissances repartent à la hausse dans les muscle cars et pony cars. Certains commencent alors à penser aux camions. Le premier est Carroll Shelby, qui remplace le V6 3,9 litres du Dodge Dakota par un 5,2 litres de « seulement » 175 chevaux mais 270 lb-pi de couple (contre 125 chevaux et 195 lb-pi de couple pour le V6). Exactement 1 500 exemplaires du Shelby Dakota seront produits pour le millésime 1989. Cela donne des idées à Chevrolet qui, l’année suivante, ressort de ses tiroirs un logo prestigieux, 454 SS, et l’accole sur un C1500 presque entièrement noir. Au menu, un V8 de (évidemment) 454 pouces cubes (7,4 litres) développant 230 chevaux et accouplé à une boîte automatique THM400 ainsi que des suspensions renforcées. Le 454 SS sera produit à 16 953 exemplaires jusqu’en 1993. Suivra ensuite le Ford F-150 Lightning. Pendant ce temps, chez GMC, on concocte quelque chose d’encore un peu plus costaud…

Photo: Chevrolet

La Grand National des camionnettes

Avec son V6 turbo et sa carrosserie noire, le Syclone est souvent comparé à la Buick Grand National. C’est normal… mais le lien de parenté ne s’arrête pas là. Nous sommes en 1987 et Kim Nielsen se languit de voir disparaître les G-Body chez Buick (ils continueront en 1988 chez Oldsmobile et Chevrolet) et, surtout, le fabuleux V6 turbo de 3,8 litres des Buick Grand National et GNX. Il a suivi le développement du bloc LD5 (LC2 en 1986/87), introduit chez Buick sur la Regal Turbo en 1978. À force de raffinement, ce V6 a fini par développer 245 chevaux sur la Grand National et jusqu’à 300 chevaux sur la GNX.

Nielsen se dit qu’à part la Corvette, il n’y a plus grand-chose de vraiment excitant chez GM et décide d’installer le 3,8 litres turbo sous le capot d’une camionnette compacte (le duo Chevrolet S-10 et GMC S-15). Chevrolet n’est pas intéressé, par contre GMC l’est. La conception d’un véhicule concept commence fin 1987 et aboutit par un dévoilement au Salon de l’auto de Chicago, en février 1989. Il s’agit d’un S-15 entièrement blanc, rabaissé et avec un ensemble aérodynamique. Sous le capot, on retrouve un LC2 développant 270 chevaux et 370 lb-pi de couple. Dans son communiqué de presse, GMC parle d’un 0 à 60 mph en moins de 6 secondes et d’un quart de mille sous les 14 secondes. Le texte précise qu’il n’y a aucun plan de production pour ce modèle… bin tiens.

Photo: GMC

Un nouveau concept est montré en fin d’année au SEMA Show et au Salon de l’auto de Los Angeles. GMC veut maintenir l’intérêt car le camion est effectivement en développement. Plusieurs différences existent entre les deux prototypes : le second est entièrement noir, reçoit de nouvelles roues et, surtout, embarque un V6 turbo de 4,3 litres de 285 chevaux. La cause de ce changement est le fait que Buick ne souhaite plus fournir son moteur pour des raisons de garanties (on le retrouvera quand même sous le capot de la Pontiac Trans Am Édition 20e anniversaire de 1989). À la place, on découvre un V6 d’origine Chevrolet. Les deux blocs n’ont rien en commun si ce n’est le fait qu’ils dérivent de V8.

Tornade sous le capot

Kim Nielsen est nommé chef de projet du Syclone de série. Pour couper les coûts et le temps de développement, il met en compétition deux firmes d’ingénierie extérieures à GM : ASC McLaren et Production Automotive Services (PAS). La première compagnie, qui a travaillé sur les Pontiac Grand Prix Turbo 1989 et Buick GNX 1987, propose une version turbocompressée du 4,3 litres mais avec les seules roues arrière motrices. PAS présente aussi un 4,3 litres turbo mais accouplé à une transmission intégrale, prélevée sur le Chevrolet Astro AWD. Après différents essais, notamment sur des pistes de drag, c’est le modèle PAS qui impressionne Nielsen. C’est donc cette firme qui va obtenir le contrat de développement et de test, et également de construction (c’est elle qui assure aussi la fabrication de la Pontiac Trans Am Édition 20e anniversaire précédemment nommée).

Le GMC Syclone (avec un S, car Mercury possédait les droits sur le nom Cyclone, une gamme produite de 1964 à 1971) est introduit sur le marché au millésime 1991. Pour faire mousser son nouveau modèle, la marque réalise plusieurs records de vitesse (dont celui de la camionnette la plus rapide, à 204,145 mph, soit 328,47 km/h) avec un véhicule expérimental baptisé Syclone LSR (pour Land Speed Record). Curieusement, le LSR utilise bien un V6 mais il n’est pas turbocompressé. À la place, il a été réalésé à 5,0 litres et fait appel à une induction forcée d’air frais. Il développe 549 chevaux.

Le modèle de série repose sur le Sonoma (nouveau nom du S-15 pour 1991) à cabine courte. Extérieurement, il se distingue par son ensemble aérodynamique avec le pare-chocs avant intégrant des antibrouillards. Une seule couleur est disponible : le noir. Les jantes spécifiques en 16 pouces sont montées sur des Firestone Firehawk SVX en 245/50VR-16. Sous le capot, le LB4 de 4,3 litres est sérieusement modifié. Il reçoit un turbo Mitsubishi TD06-17C donnant 14 psi de pression, un refroidisseur eau/air Garrett, une injection multipoint, de nouveaux pistons provenant de la Chevrolet Corvette, de nouveaux collecteurs d’admission et d’échappement, un refroidisseur d’huile et un papillon d’admission de 48 mm provenant lui aussi de la Corvette. Par rapport au LB4 atmosphérique, le taux de compression est abaissé de 9,1:1 à 8,35:1. Si le moteur de départ développe 160 chevaux et 235 lb-pi de couple, la version turbo monte à 280 chevaux à 4 400 tr/min et 350 lb-pi à 3 600 tr/min. Certains amateurs, en jouant avec la pression du turbo, sont capables de lui faire cracher au-delà de 500 chevaux!

Photo: GMC

La boîte de vitesses est une Hydra-Matic 4L60 à 4 rapports qui bénéficie d’un refroidisseur additionnel. Le rouage intégral fait appel à un différentiel central Borg Warner 4472 avec viscocoupleur qui répartit le couple en conditions normales à 35% à l’avant et 65% à l’arrière. Le différentiel arrière à glissement limité à un rapport de pont de 3,42:1. La suspension (barres de torsion à l’avant et essieu rigide avec ressorts à lames à l’arrière) a été abaissée de deux pouces et repose sur des amortisseurs Bilstein aux 4 coins. Les freins sont à disque à l’avant mais (curieusement) à tambour à l’arrière. Le Syclone est le premier pick-up au monde à bénéficier d’un ABS aux quatre roues.

L’ensemble de l’intérieur provient du Sonoma si ce n’est les sièges sport (avec logo brodé), la console centrale avec levier de vitesses de Corvette, le volant gainé de cuir et l’instrumentation de la Pontiac Sunfire Turbo (parce qu’elle intègre un manomètre de pression de turbo). Le Syclone est bien équipé de série : air conditionné, volant inclinable, vitres électriques, condamnation centrale, régulateur de vitesse, vitres teintées, radio AM/FM cassette et couvre-boîte flexible.

Photo: GMC

Puisqu’il s’agit d’une camionnette, il faut bien sûr parler des capacités. Et là, le bât blesse. À cause de la suspension rabaissée et calibrée pour la tenue de route, GMC recommande de ne pas faire de remorquage et limite le poids de charge dans la boîte à 500 livres (227 kilos). C’est peu… Pire, malgré la présence d’un rouage intégral, le constructeur donne l’avertissement suivant : « Ce véhicule n’est pas destiné à une utilisation tout-terrain. La hauteur réduite de ce véhicule ne lui permettra pas de franchir les obstacles couramment rencontrés en tout-terrain. L’utilisation hors route pourrait entraîner de graves dommages au châssis et à la transmission ». Voilà qui est clair!

Les caisses en blanc sont produites dans l’usine de Shreveport, en Louisiane, et sont envoyées chez PAS, dans le Michigan, pour l’assemblage final. Entre les composants de performance et la fabrication sur deux sites, on se doute que le Cyclone ne sera pas donné. Facturé 25 500 USD (il ne sera officiellement pas vendu au Canada), il coûte plus du double d’un Sonoma 4x4 et pas beaucoup moins cher qu’une Corvette (32 455 USD en 1991). Mais comme nous allons le voir, c’est une affaire!

Photo: GMC

Question de traction

Parce qu’il y a quelque chose dont nous n’avons pas encore parlé : les performances. Dans son catalogue 1991, GMC donne les chiffres suivants : 0 à 30 mph (48 km/h) en 1,4 seconde, 0 à 60 mph (96 km/h) en 4,6 secondes et le quart de mille en 13,4 secondes. Nous sommes dans les territoires non pas de la Corvette mais de la Corvette ZR-1 de 375 chevaux, vendue 64 138 USD, capable d’abattre le 0 à 60 en 4,3 secondes.

Cependant, il y a mieux, beaucoup mieux. Dans son édition de septembre 1991, le magazine Car and Driver réalise un face à face entre le Syclone et une Ferrari 348 ts, qui coûte 122 180 USD. Grâce à ses 4 roues motrices, le Syclone décolle de la ligne départ comme un boulet de canon. Le 0 à 30 mph est mesuré en 1,6 seconde contre 2,0 secondes pour la Ferrari. À la barrière des 60 mph, le GMC est toujours devant : 5,3 secondes contre 6,0. Même histoire au quart de mille : 14,1 contre 14,5 secondes. Après, la Ferrari remonte et finit par dépasser le Syclone avec un 166 mph (267 km/h) contre 126 (203 km/h), le Cx de meuble ancien de la camionnette y étant pour beaucoup. Pire, même avec des tambours à l’arrière, la GMC freine mieux que la Ferrari avec 70 mph à 0 en 183 pieds (56 mètres) soit 4 de moins que le coupé italien. C’est pour cela que le magazine titrera en couverture : « The 96 000 $ sting » (La piqûre à 96 000 dollars). Le Syclone a failli aussi gagner le titre de Camion de l’année 1991 du magazine Motor Trend mais avec une charge utile de seulement 500 livres, cela n’aurait pas fait sérieux et c’est finalement le Mazda Navajo (un clone du Ford Explorer, vendu de 1991 à 1994) qui reçoit les honneurs.

Photo: GMC

Toutes ces accolades ne font pas décoller les ventes pour autant. Le Syclone n’est ni perçu comme une vraie camionnette ni comme une vraie voiture de sport. Seuls 2 995 exemplaires sont construits pour le millésime 1991 et 3 en tant que présérie pour 1992 avant que GMC ne jette l’éponge. De ce chiffre, 113 seront envoyés en Arabie Saoudite mais 31 invendus reviendront aux États-Unis. L’un sera utilisé pour ses pièces et les 30 autres proposés à des employés avec un gros rabais.

Il faut également mentionner une série spéciale commanditée par les cigarettes Marlboro pour un concours. Les 10 heureux gagnants ont pu recevoir chacun des véhicules uniques : dessin réalisé par Larry Shinoda, conversion en toit T-Top par ASC, couleur rouge, roues Boyd Coddington montées sur des Goodyear Eagle GS-C, échappement Borla, suspension Bell Tech et système audio Sony. Bref, du sérieux!

Une autre tempête

Ce n’est pourtant pas la fin de l’aventure puisqu’en 1992 GMC présente le Typhoon, qui reprend toute la partie mécanique du Syclone mais dans une carrosserie de Jimmy, un VUS capable d’accueillir 4 personnes. Le Typhoon est logiquement plus lourd (1 725 kg contre 1 600 pour le Syclone), ce qui explique des chiffres de performance moindres (0 à 60 mph en 5,3 secondes) mais encore décoiffants pour l’époque. L’installation de coussins à air sur l’essieu arrière, autorisant un ajustement automatique de la hauteur, a permis de faire passer la charge utile de 500 à 900 livres (409 kilos). Si le Syclone offrait le choix entre une couleur (noir avec bas de carrosserie noir), le Typhoon 1992 ne propose pas moins de six couleurs de base (bas de carrosserie noir avec le noir et gris argenté avec les autres). Pour 1993, la palette sera modifiée. L’intérieur est en cuir noir et les seules options sont la radio avec un lecteur de disques compacts et des barres de toit.

Photo: GMC

Au lancement, GMC espère pouvoir écouler 5 000 exemplaires. Vendu à 29 790 USD, le Typhoon ne sera finalement produit qu’à 2 497 exemplaires. Et cela ne sera pas mieux l’année suivante puisque ce chiffre baissera à 2 200. Le Typhoon n’est pas renouvelé pour 1994. La tempête était passée…

Photo: GMC

Aparté : Sonoma GT : le cousin « pauvre »

Outre les SyTy (nom du duo Syclone/Typhoon parmi les amateurs), GMC a proposé en 1992 le Sonoma GT (en photo dans le fond ci-dessus), en quelque sorte le « Syclone du pauvre » avec un prix de 16 770 $. Le pare-chocs avant est similaire à celui du Syclone mais plus question d’entourage de roues et de bas de caisse. Plus de turbo non plus (le 4,3 litres est le L35 de 195 chevaux) ni de rouage intégral (roues arrière motrices seulement) mais des amortisseurs Bilstein et des pneus BF Goodrich Comp T/A sont tout de même installés pour la tenue de route. Le Sonoma GT sera offert en 7 combinaisons de couleurs. Malgré un prix plus accessible, PAS n’en assemblera que 806 exemplaires.

À voir aussi : Antoine Joubert présente la brochure du GMC S-15 Jimmy 1991

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